La France n'a pas «vocation à rester» au Mali, a déclaré François Hollande. Mais les objectifs de guerre qu'il a fixés risquent de fixer durablement l'armée française au Mali. Ançar Eddine et les djihadistes quittent les villes du Nord pour s'éparpiller en petits groupes mobiles. La guerre des sables a commencé. Elle sera longue. Les groupes djihadistes et Ançar Eddine ont abandonné des villes qu'ils occupaient pour se disperser dans les étendues désertiques. C'est le retour sans surprise à la guérilla après l'intervention de l'armée française. Un choix qui ne surprend pas. Les dirigeants d'Ançar Eddine comme ceux des groupes terroristes alliés n'ont pas les moyens de contrôler des villes où ils seraient contraints à des positions statiques et deviendraient des cibles faciles pour les raids de l'aviation française. L'offensive lancée par Ançar Eddine en direction du Sud avec ses alliés tablait sur un effet de surprise qui n'a pas existé, la France préparait depuis des mois l'intervention. Les militaires français n'attendaient que le feu vert politique qui a été donné par le président français, l'offensive des djihadistes ayant permis de lever toutes les objections. L'action de la France bénéficiait du soutien de l'Onu et des Américains. L'Algérie et le Burkina Faso, qui défendaient l'option du «dialogue» politique, ont définitivement renoncé à discuter avec Ançar Eddine et soutiennent clairement l'action française. L'offensive des djihadistes aura en définitive accéléré les choses. Les lignes ont bougé au nord du Mali. Ançar Eddine et ses alliés djihadistes ont repris le chemin de la guérilla en abandonnant les villes. C'est un choix «rationnel» puisqu'ils ont plus de chance d'échapper aux raids de l'aviation française en se fractionnant en petits groupes mobiles. C'est un «retrait tactique», a affirmé Sanda Ould Boumama en expliquant l'abandon des villes de Douentza, Tombouctou et Gao. Pour de nombreux analystes, la reprise des villes abandonnées par les djihadistes et même un éventuel déploiement de l'armée malienne et de la force de la Cédéao ne signifient pas que la «reconquête» du Nord a été réalisée. En réalité, la vraie guerre des sables n'a pas encore commencé. Il y a eu une descente en pick-up stoppée par l'intervention de l'armée française et avec le retrait de villes des djihadistes, on aura presque terminé avec les préludes. La France, qui demande un déploiement rapide de la force africaine -les Américains ne cachent pas leur manque de confiance à l'égard de l'armée malienne et la force de la Cédéao-, semble pressentir la difficulté de l'entreprise. Alors que la Misma tarde à se mettre en place pour «reconquérir» les villes du Nord, c'est la sécurisation de cette vaste étendue qui est le véritable enjeu. A Dubaï, le président français, François Hollande, a indiqué que les trois objectifs de l'intervention militaire étaient «d'arrêter l'agression», de «sécuriser Bamako» et de «préserver l'intégrité territoriale du pays». LA FRANCE N'A PAS VOCATION A RESTER AU MALI «La France n'a pas vocation à rester au Mali, mais nous avons en revanche un objectif, c'est de faire en sorte que lorsque nous partirons, il y ait une sécurité au Mali, des autorités légitimes, un processus électoral et plus de terroristes qui menacent» l'intégrité du pays, a-t-il dit lors d'une conférence de presse. Pour l'heure, il y a un risque de crise humanitaire qui se profile dans l'immédiat avec, selon le HCR, un chiffre de 150.000 personnes réfugiées dans les pays voisins et de 230.000 déplacées à l'intérieur du Mali. Le Programme alimentaire mondial, qui distribue de la nourriture au Mali via plusieurs ONG, a souligné qu'il lui manque un financement de 129 millions de dollars (95 millions d'euros) pour répondre aux besoins. Mais sur la conduite de la guerre, la France qui a reçu un soutien du Conseil de sécurité cherche à éviter de se retrouver seule. Elle a appelé à «la mise en œuvre rapide de la résolution 2085 de l'ONU», adoptée le 20 décembre, qui prévoit le déploiement à terme d'une force internationale, essentiellement africaine -baptisée «Mission internationale de soutien au Mali» (Misma). ABSENCE DE CONFIANCE DES AMERICAINS «Nous faisons tout à fait confiance à la France», a dit l'ambassadrice américaine Susan Rice qui n'a pas caché son peu de confiance pour les forces maliennes et de leurs alliés de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest de reconquérir le nord du Mali. «Il est de notre responsabilité de pourchasser les gens d'Al-Qaïda partout où ils se trouvent», a déclaré le secrétaire à la Défense, Leon Panetta. «Il est également de notre responsabilité de nous assurer qu'Al-Qaïda n'établisse pas au Mali une base pour ses opérations en Afrique du Nord», a-t-il ajouté. Mais les Français ont des soutiens publics mais peu de promesses d'engagements sur le terrain. Le ministre des Relations avec le Parlement français, Alain Vidalies, a critiqué l'absence des Européens. «On ne peut pas dire que la France est toute seule mais il y a des absences qui sont un peu regrettables, c'est-à-dire qu'on peut constater en Europe une mobilisation un peu minimale», a-t-il déclaré. Le Premier ministre français a indiqué que les «forces africaines» vont se déployer d'ici une semaine. A noter l'appel du secrétaire général de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), mardi, à un «cessez-le-feu immédiat». Dans un communiqué, Ekmeleddin Ihsanoglu a appelé à un retour aux négociations entre autorités maliennes et islamistes qui étaient parrainées par le Burkina Faso. M. Ihsanoglu s'est dit «profondément préoccupé» par la situation au Mali, exhortant «à la retenue toutes les parties en conflit» et souhaitant une «solution pacifique du conflit».