On s'attendait avec appréhension à ce que l'Algérie subisse le contre-choc sécuritaire de la guerre en cours au Mali, mais il est arrivé beaucoup plus rapidement qu'on le croyait avec l'attaque menée, c'est quasi certain par le groupe de Mokhtar Belmokhtar, alias Bellaouar, contre un site gazier proche d'In Amenas, dans le sud-est du pays. En début d'après-midi, plusieurs heures après que la nouvelle circulait sur Internet, un communiqué du ministère de l'intérieur confirmait qu'une attaque avait eu lieu tôt le matin contre une base vie de Sonatrach, se soldant par la mort d'un ressortissant étranger et de six blessés. Selon le récit du ministère de l'intérieur, c'est une attaque en deux temps, d'abord contre un bus et ensuite contre la base-vie. Selon la version des autorités, c'est un groupe « fortement armé » arrivé à bord de trois véhicules qui a attaqué mercredi à 5h00, la base-vie de Sonatrach à Tigantourine, à proximité d'In Amenas, à une centaine de km de la frontière algéro-libyenne. Il s'agit d'une installation de traitement de gaz, exploitée par l'entreprise nationale Sonatrach avec des compagnies étrangères, British Petroleum et Statoil sur ce site de Tigantourine, à 40 km d'In Amenas. Ils ont commencé par attaquer un bus qui quittait la base pour emmener des étrangers vers l'aéroport d'In Amenas. Deux étrangers sont morts dans l'attaque et il y a eu plusieurs blessés (deux étrangers, deux gendarmes et deux agents de sécurité). Le bus est parvenu avec ses blessés jusqu'à In Amenas. Après cette tentative « avortée», selon le ministère de l'intérieur, le groupe a investi une partie de la base-vie et «y a pris en otage un nombre indéterminé de travailleurs, dont des ressortissants étrangers».«Les forces de l'Armée nationale populaire (ANP) et des services de sécurité sont arrivés sur les lieux et ont pris aussitôt toutes les mesures afin de sécuriser la région et trouver un dénouement rapide à cette situation qui reste suivie de très près par les autorités du pays», conclut le communiqué. 41 OCCIDENTAUX DETENUS DONT 7 AMERICAINS Les versions qui venaient de témoins présents dans la base-vie-et qui ont gardé leurs téléphones portables-donnent une image plus inquiétante. Il y aurait un nombre beaucoup important de pick-up que les trois annoncés par le ministère de l'intérieur qui ont investi la base-vie occupée par plusieurs centaines de personnes. Les assaillants ciblent surtout les ressortissants étrangers. Certains témoignages affirment que Belmokhtar a participé personnellement à l'attaque. Sur le site mauritanien Sahara Media qui a un accès particulier aux groupes djihadistes, la Katiba de Mokhtar Belmokhtar, alias Belaouar, baptisée «ceux qui signent avec le sang», a revendiqué la prise d'otages et donné le chiffre de 41 occidentaux détenus. Le responsable de la communication de cette organisation, fait état de «sept Américains, des français, des Britanniques et des Japonais». Selon lui, cinq otages sont retenus à la base gazière et 36 autres dans le site résidentiel de la base. Il affirme que l'attaque a été menée en «représailles contre l'ouverture de l'espace aérien algérien à l'aviation française». L'ambassadeur britannique en Algérie Martyn Roper a confirmé sur son compte Twitter que des Britanniques faisaient partie des otages. Le chef de la diplomatie irlandaise confirme la présence d'un otage originaire de la province britannique d'Irlande du Nord. ANGOISSE Le gouvernement japonais a déclaré avoir des «informations sur un certain nombre de Japonais qui sont détenus, mais nous les vérifions actuellement». L'épouse d'un Norvégien travaillant sur le site gazier a annoncé à un journal de son pays que son mari l'avait appelé pour lui dire qu'il était pris. «Il y avait quelqu'un qui lui dictait ce qu'il devait dire en anglais. La police a appelé le numéro qu'il m'a donné. La conversation a été coupée après quelques secondes.» On entre désormais dans l'angoisse. Le site est encerclé par l'armée algérienne et les terroristes menacent de le faire sauter. Si le nombre élevé d'étrangers détenus en otages est avéré, les autorités algériennes se retrouvent devant une situation très délicate à gérer. Mais en attendant l'évolution de la situation sur le terrain, cette attaque aura des conséquences désastreuses pour l'industrie pétro-gazière algérienne alors que le gouvernement s'attèle à travers la loi sur les hydrocarbures à attirer plus d'investisseurs étrangers. C'est d'autant plus fâcheux que l'attaque s'est déroulée sur une zone assez éloignée de la frontière sud avec le Mali. L'Algérie a été rattrapée par la guerre d'à côté.