La guerre au Mali et la prise d'otage du site gazier de Tiguentourine fait craindre un ralentissement de l'activité économique dans la région. Djanet, la principale ville du Sud est du Grand Sahara algérien, reçoit en pleine figure l'onde de choc. Et c'est l'activité touristique, le principal pourvoyeur d'emplois, qui accuse le coup. Les travailleurs du site gazier de Tiguentourine à In Amenas (Illizi) sont tous revenus sains et saufs au bercail. «C'est le soulagement», à Djanet, soupire un parent d'un ex-otage. Ils sont une trentaine à travailler sur le site gazier pris en otage le 16 janvier dernier, comme gardiens, chauffeurs ou opérateurs sur site pour la plupart. Un jeune rescapé, débarqué d'Alger après le débriefing des services de sécurité raconte à ses copains sa mésaventure, sur un bout de trottoir à village d'In Abarbar. L'air soulagé d'avoir échappé au pire, cet employé à la direction de la ressource humaine de la compagnie nationale des hydrocarbures de Sonatrach laisse transparaitre de l'inquiétude. «Je ne sais pas comment peut-on reprendre le travail après ce qui s'est passé. Que de mauvais souvenirs à affronter au quotidien. J'espère que la direction de Sonatrach nous mutera vers d'autres sites. Histoire d'oublier et effacer les séquelles», témoigne-t-il. Le site gazier devra être fermé pour les quelques semaines à venir pour réhabilitation. Des bruits courent dans la région sur le départ de certaines entreprises étrangères en activité dans le bassin d'In Amenas. Cette perspective fait peser des craintes sur les emplois des jeunes de la région. Les installations pétrolières et gazières font vivre une centaine de familles. Et pas question de songer à décrocher malgré ce qui s'est passé. «On nous offre de meilleurs salaires. Reste la sécurisation des installations industrielles et des bases vie. Je reste persuadé que le gouvernement algérien va revoir sa copie et redoubler d'efforts et de vigilance pour maintenir les entreprises étrangères en place. Le précédent de Tiguentourine, ne sera qu'un cas d'école en matière de sécurité», prêche l'employé de Sonatrach pour ses amis. Ce n'est pas le sentiment de Moussa qui travaille dans la sécurité sur le site de Tiguentourine. «J'ai certes été à l'écart de la prise d'otages, j'étais en congé de récupération, mais je ne crois pas que je vais reprendre ce travail risqué», affirme-t-il. Lui, il s'improvise chauffeur de taxi le temps des récupérations. Il compte désormais laisser tomber ce job et faire comme tout le monde. «Je vais m'acheter une petite fourgonnette qu'on appelle ici «capsula», transporter les gens et faire les petites courses». Les deux hommes partagent néanmoins la crainte et l'incertitude qui commencent à s'installer dans l'esprit des gens de la région. La guerre ouverte au Mali par la France contre les islamistes a accentué l'insécurité dans une région déjà meurtrie. DES CHIFFRES ELOQUENTS Djanet, la plus importante des Oasis du sud est algérien a connu ces dernières années une succession d'évènements qui inspirent l'inquiétude, à ses frontières : prises d'otages d'occidentaux et guerres dans les pays voisins. Impact négatif garanti sur l'activité touristique dans la région, principal secteur pourvoyeur d'emplois. «L'activité touristique fait vivre directement et indirectement près de 70 % de la population», affirme El Hosseini, propriétaire d'une agence de voyage. La ville de Djanet ne compte pas moins de 34 agences de voyages, selon le vice président de l'APC, Taher Touahria. L'activité touristique a subit de plein fouet la crise en Libye, au Mali et la dernière prise d'otages d'In Amenas ne va pas améliorer les choses. Les annulations des réservations sont sur toutes les lèvres des agents de voyage. «Six Français et cinq franco-algériens ont annulé leur séjour du 20 au 28 janvier après l'engagement militaire de la France au Mali. Pourtant, ils ont eu leurs visas», témoigne Behous, propriétaire d'une agence de voyage. «Un groupe de cinq Français a annulé son séjour prévu pour le 9 février prochain». Petite note d'optimisme au milieu d'une cascade de mauvaises nouvelles : un groupe de 13 touristes, composés de Suisses, d'Allemands et d'Autrichiens maintient la réservation pour le 29 janvier. «La situation dit les répercussions de la guerre au Mali sur notre activité», témoigne pour sa part El Hosseini qui souligne que la saison avait «pourtant bien commencé». De septembre à décembre, quelques 570 touristes étrangers ont visité la région, selon Mohamed Yousfi, attaché à la sous-direction Djanet du parc culturel du Tassili qui recense les entrées des touristes. Ce chiffre comparé à la saison 2011/2012 qui n'a enregistré que 868 touristes étrangers sur toute l'année témoigne d'un bon départ de la saison mais dont l'élan vient d'être stoppé par l'insécurité. Les chiffres sont éloquents : durant la saison 2008/2009, la région de Djanet a reçu 5801 touristes étrangers. Le chiffre est tombé à 2233 touristes en 2009/2010 et à moins de 1000 durant la saison suivante de 2011. Une année où il «y a eu un démantèlement à Tamanrasset d'un réseau qui voulait s'en prendre aux touristes étrangers suivi du rapt d'une Italienne», expliquent les voyagistes.