Une sérieuse crise diplomatique pointe à l'horizon entre les nouvelles autorités libyennes, issues de la révolution contre le régime déchu de Mouamar Kadhafi, et les pays occidentaux ayant soutenu cette révolution. En fait, le climat s'est subitement détérioré entre la Libye et la Grande-Bretagne, avec l'annonce par Londres d'une menace «imminente» contre ses ressortissants installés dans ce pays. Cette crise diplomatique qui s'annonce est liée à des menaces contre les ressortissants occidentaux, à Benghazi plus exactement, selon le ministère britannique des Affaires étrangères. Un communiqué du Foreign Office a indiqué jeudi que «nous sommes maintenant au courant d'une menace spécifique et imminente contre les Occidentaux, à Benghazi, et demandons aux Britanniques qui sont là-bas, en dépit de nos conseils, de partir immédiatement». «A l'heure qu'il est, nous ne pouvons pas faire de commentaire sur la nature de la menace», a ajouté le ministère, précisant que «l'ambassade (britannique) à Tripoli est en contact avec les ressortissants britanniques dont elle a les coordonnées», pour leur demander de quitter Benghazi. La réaction de la Grande-Bretagne, qui n'a pas indiqué la nature de cette menace, a incité l'Australie, l'Allemagne et les Pays-Bas à appeler leurs ressortissants à quitter, immédiatement, la ville de Benghazi, pourtant berceau de la révolution libyenne. Le ministère allemand des Affaires étrangères a, de son côté, appelé ses ressortissants à quitter «en urgence la ville et la région de Benghazi», dans une note d'information publiée sur son site Internet. «Des renseignements dont dispose le gouvernement fédéral établissent des risques concrets immédiats visant les citoyens occidentaux à Bengazi», selon ce document. Aux Pays-Bas, un avis de voyage qui appelle à «ne pas voyager vers et à travers Benghazi», a été diffusé lundi, et renforcé jeudi, «pour déconseiller aux personnes de nationalité néerlandaise de rester sur place», souligne un porte-parole du ministère néerlandais des Affaires étrangères. La Grande-Bretagne avait, en fait, commencé à déconseiller à ses ressortissants de se rendre en Libye, et notamment à Benghazi, excepté Tripoli, depuis septembre 2012. Benghazi renferme de nombreux groupes armés, dont des milices islamistes, et a été le théâtre de plusieurs attentats, dont celui ayant ciblé le consulat américain, le 11 septembre dernier, qui avait fait quatre victimes, dont le consul US à Benghazi. Le 12 janvier, le consul italien a été victime d'une attaque armée dans la même ville, ce qui a fait monter le degré d'insécurité dans cette ville d'où est partie la révolte contre Mamaar Kahdafi, en 2011. Au Forum économique mondial de Davos, en Suisse, le Premier ministre britannique David Cameron avait souligné, jeudi, que la lutte contre le terrorisme serait l'une des priorités de sa présidence du G8, cette année. «Je pense que nous sommes au début d'une longue bataille contre des terroristes meurtriers et l'idéologie toxique qu'ils soutiennent», a-t-il déclaré. «De la même façon que nous avons fait pression, avec succès, sur Al-Qaïda en Afghanistan et au Pakistan, des franchises d'Al-Qaïda ont prospéré, depuis des années, au Yémen, en Somalie et dans des régions d'Afrique du Nord», a-t-il poursuivi. «Pour venir à bout de cette menace, nous devons être solides, intelligents et patients», a-t-il lancé, estimant que des «actions militaires étaient parfois nécessaires», en référence à l'intervention française actuellement au Mali. COLERE A TRIPOLI Pour autant, les autorités libyennes disent ne pas comprendre cette décision de la Grande-Bretagne d'appeler ses ressortissants à quitter le pays, sinon à éviter de se rendre dans certaines villes du pays. Le second vice-ministre de l'Intérieur libyen, Abdallah Massoud, a affirmé, hier vendredi, que 'nous reconnaissons qu'il y a des problèmes de sécurité à Benghazi et ceci depuis plusieurs mois. Mais il n'y a pas de nouvelles données qui puissent justifier cette réaction de Londres. Au contraire. Maintenant, nous sommes en train d'asseoir notre autorité dans l'Est et dans toute la Libye», a-t-il ajouté, exprimant son «étonnement» vis-à-vis du ton «très musclé» utilisé par Londres. Selon le ministère libyen de l'Intérieur, «aucun pays n'a informé la Libye de son intention d'inviter ses ressortissants à quitter la ville de Benghazi». «Aucun avis officiel ne nous est parvenu d'un quelconque pays», concernant un appel à quitter Benghazi, a indiqué un responsable du ministère de l'Intérieur, cité par l'Agence «Lana». «Le vice-ministre libyen de l'Intérieur chargé de la sécurité, Omar al-Khadraoui, a contacté l'ambassade de la Grande-Bretagne à Tripoli pour demander des explications», a déclaré le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Mejdi al-Arfi, cité par «Lana». Mais, «aucune réponse n'est parvenue au département de l'Intérieur libyen», a-t-il ajouté. 'Si la Grande-Bretagne a peur pour ses ressortissants, elle pouvait les retirer tranquillement, sans causer toute cette agitation», a estimé le second vice-ministre de l'Intérieur libyen. Selon lui, «le communiqué du ministère britannique des Affaires étrangères a suscité des préoccupations croissantes des diverses missions diplomatiques et des entreprises étrangères, à Benghazi, et les a amenées à envisager sérieusement de quitter la ville». En fait, la mise en garde de Londres, qui n'a pas précisé la nature de la «menace» contre les Occidentaux, intervient au lendemain de la visite à Tripoli du conseiller à la sécurité nationale Nigel Kim Darroch, selon des sources officielles libyennes, qui ont indiqué que M. Darroch a rencontré mercredi, le Premier ministre libyen Ali Zeidan et son ministre de l'Intérieur Achour Chwayel. Les entretiens ont porté sur la coopération sécuritaire entre Tripoli et Londres. Dans le sillage de cette annonce, la compagnie régionale «Air Malta» a annoncé avoir annulé ses deux vols prévus jeudi entre Malte et Benghazi. «La décision d'Air Malta fait suite à l'avis émis par le Foreign Office, déconseillant tout déplacement dans cette ville», a indiqué la compagnie, dans un communiqué sur son site Internet. «Cette décision ne concerne que les vols du jeudi 24 janvier (...) Le prochain vol pour Benghazi, prévu mardi 29 janvier, n'a pas été annulé, et la compagnie évaluera la situation en temps réel. Les vols de et vers Tripoli ne sont pas affectés», précise «Air Malta». A Washington, sur le point de quitter le département d'Etat, Hillary Clinton a annoncé que les Etats-Unis vont s'attaquer aux réseaux terroristes en utilisant les réseaux sociaux sur le Net. Elle a expliqué, lors d'une audition au Congrès américain sur l'attentat de Benghazi, en septembre 2012, avoir commencé à mettre sur pied au département d'Etat «deux structures pour lutter contre l'extrémisme» diffusé sur Internet, notamment via «Twitter». «Les médias sociaux sont de grands outils», s'est exclamée Mme Clinton, qui a annoncé qu' «une cellule opérationnelle, au sein du département d'Etat, commence à tenter de répondre à Al-Qaïda et à d'autres propagandes jihadistes».