Le nouveau président malien IBK (Ibrahim Boubacar Keïta) a décidé d'écourter sa visite parisienne pour revenir à Bamako. Il faut dire qu'en moins de 48 heures tous les éléments «critiques» de la crise malienne ont été réunis : attaques suicides à Tombouctou imputées aux djihadistes, montée des tensions avec les communautés du nord du pays avec multiplication d'incidents violents et, last but not least, des incidents au sein même de l'armée malienne. Précisément chez ceux qui ont commis le putsch catastrophique qui s'estiment lésés dans les promotions. Ce sont les trois plaies du Mali, celles qui se sont accumulées sur plusieurs décennies, avant de conduire à la suite à un Etat failli, qui se sont ainsi manifestées pratiquement au même moment. D'un point de vue pratique immédiat, cela signifie que le Mali est loin de pouvoir compter sur lui-même pour se stabiliser et qu'il restera pendant longtemps tributaire des forces extérieures, françaises ou sous l'égide de l'Onu. Ces événements devraient ramener les politiciens de Bamako à plus de réalisme dans leur lecture de la situation de leur pays à la suite de l'intervention française. Si celle-ci a permis d'attaquer les groupes djihadistes et de les disperser - en déplaçant le problème dans les pays environnants -, elle n'était pas la «solution» des problèmes du Mali. Beaucoup de politiciens à Bamako ont vu dans l'intervention française la «fin du problème» alors qu'elle n'a fait, au mieux, que répondre au souci urgent d'éviter l'effondrement de ce qui restait d'Etat malien. Le président élu semble, lui aussi, du moins sur le dossier des revendications des populations de l'Azawad, surfer sur ce type de lecture. Totalement erronée. Car il s'agit tout de même de reconstruire sérieusement l'Etat sur une base «inclusive» pour éviter la relance de la crise. Le déni de la crise peut - et a un coût qui ne peut que s'amplifier - durer sur la base d'un maintien indéfini de forces étrangères. Le grand risque pour ces forces étrangères serait de servir au maintien d'un statuquo non désiré par les populations du Nord. Et il est évident que si le niet de Bamako à toute réforme sérieuse de l'Etat permettant de satisfaire une partie des demandes des populations du Nord, les tensions et les troubles - dont on a eu un aperçu au nord du pays - ne peuvent que s'accentuer. Avec sur le moyen terme le risque de remettre les djihadistes dans le jeu à travers des connexions et des alliances avec des gens du Nord déçus de ne rien voir venir. Bamako - et Paris qui y exerce un rôle majeur - aurait tort de sous-estimer le problème. C'est dans la gestion du dossier du Nord que se joue le rétablissement du Mali malade. Pour l'heure - et malgré les déclarations sur le besoin de « confiance» exprimé par le président Ibrahim Boubacar Keïta -, la tendance est d'ignorer la maladie. En croyant que le temps fera son œuvre. C'est une fausse analyse. Une vision dangereuse. Tous les ingrédients de l'effondrement du Mali peuvent se greffer sur le refus de traiter avec vigueur et sérieux le problème de l'Azawad. Trente ans de déliquescence continue de l'Etat sont suffisants pour le rappeler.