Le 1er octobre dernier, la station de dessalement de Béni-Saf a célébré son 200 millionième m3 d'eau de mer dessalée. Retour sur un investissement qui, selon les responsables de la station, a changé les choses pour les habitants d'Aïn Témouchent et d'Oran. Discrètement placées sous terre à un kilomètre de la plage de Chatt el Hillal, les 11 pompes de la station de dessalement de Beni Saf absorbent tous les jours assez d'eau de mer pour produire 200.000 m3 d'eau potable par jour, dont 70% est distribuée à Oran et le reste à la wilaya d'Aïn Témouchent. Près de 400.000 personnes sont ainsi desservies quotidiennement en eau. C'est une transformation significative pour la région qui, il y a quelques années, peinait à alimenter sa population en eau potable. Avant la mise en service de la station en 2009, près de 30% des habitants de AïnTémouchent ne recevaient de l'eau qu'un jour sur deux, voir un jour sur trois ou sur quatre. Aujourd'hui, 90% d'entre eux sont approvisionnés 24h/24. «Avant, les pénuries en eau forçaient la population locale à payer parfois 700 dinars le m3 d'eau apportée dans des citernes», souligne Mohamed Chaffi, directeur général adjoint de la station de Beni Saf. L'ALGERIE, LEADERREGIONAL EN DESSALEMENT D'EAU DE MER La Beni Saf Water Company est une joint-venture entre l'espagnol Geida et l'entreprise publique Algerian EnergyCompany (AEC). Financée majoritairement par la Banque Extérieure d'Algérie (BEA), elle a nécessité un investissement initial de 240 milliards US$. L'usine emploie environ 80 salariés, tous de nationalité algérienne, exception faite du directeur général, qui est espagnol. Bien que le dessalement de l'eau de mer soit une entreprise onéreuse, l'Algérie comptabilise aujourd'hui une dizaine d'usines dans ce secteur ; elle est devenue en quelques années le leader des pays méditerranéens. De 2006 à 2011, sa capacité de dessalement d'eau de mer est passéede 152 500 à 1,2 milliard de m3/jour. «C'est une conséquence de l'embellie financière du pays !» s'exclame OuzaneAhcen, le nouveau Directeur Général de l'AEC. Le coût de l'eau dessalée reste bas pour l'habitant, qui l'achète à 6 dinars le m3, alors que l'usine de Beni Saf la vend à 54 dinars à l'Algérienne des Eaux (ADE). IMPACT LOCAL BENEFIQUE L'agriculture locale a bénéficié de la mise en activité de la station de dessalement, qui a permis de libérer l'eau des deux barrages avoisinants, Boughrara et Beni Bahdal, auparavant utilisés pour la consommation en eau potable. En outre, Mohamed Chaffi espère un impact à long terme sur le tourisme local. «Toutes les plages d'AïnTemouchent ont été raccordées au réseau qui véhicule les eaux dessalées», explique-t-il. Selon lui, il existeraitmême une différence de goût entre l'eau dessalée et l'eau provenant des barrages. «Elle se ressent lorsque nous fermons l'usine annuellement en mai, pour 10 jours». La direction de l'usine attend aussi le feu vert des autorités afin de construire un espace vert près du site de pompage de l'usine, dont bénéficierait la population locale. L'OSMOSE INVERSE Comme 95% des autres usines de dessalement en Algérie, l'eau de mer pompée à Beni Saf est transformée en eau potable grâce à la technique de l'osmose inverse. Friande d'énergie, cette technique consomme 22 millions de kW par mois. «La consommation d'énergie est relativement basse en comparaison avec les autres techniques de dessalement,» tempère cependant Mohamed Chaffi, ce qui explique sa popularité auprès des exploitants. Pompée entre 8 et 18 mètres de profondeur, l'eau de mer traverse des membranes, composées essentiellement de polyester, sous une très forte pression de 65 bars. Celles-ci, au nombre de 18 000 à la station de Beni Saf, séparent le sel de l'eau de mer. En plus d'être désinfectée à la Javel, l'eau distillée est nettoyée par un passage dans des citernes de sable et de charbon, avant d'être reminéralisée grâce à de la calcite. CONSEQUENCES ECOLOGIQUES FLOUES La saumure, c'est-à-dire l'eau salée non utilisée, est rejetée dans la mer, à 500m des côtes. Bien qu'elle soit deux fois plus salée que l'eau de mer, son rejet n'a pas d'impact négatif pour l'environnement, sauf preuve du contraire, selon M. Chaffi. «Dès 50 m du point de rejet, l'eau de mer a une salinité normale. La saumure a même créé un environnement poissonneux». L'usine conduit des analyses de l'eau de mer environnantepériodiquement. Le rejet de la saumure dans l'eau de mer n'est pas non plus un problème pour la Chambre Nationale de la Pêche et de l'Aquaculture. Son président, Chouaib Oqab, a admis ne pas être au courant de cette pratique, lors d'une rencontre nationale des associations professionnelles de la pêche et de l'aquaculture, organisée jeudi à Staoueli. Il estime néanmoins que «les effets secondaires du rejet de la saumure dans l'eau de mer sont peu importants, surtout lorsque l'on considère l'intérêt des stations de dessalement pour le citoyen».