A la veille de l'Aïd à la radio,le ministre du Travail et de l'Emploi, Mohamed Bemeradi a voulu réfuter l'idée selon laquelle les jeunes ne remboursent pas leurs dettes. Il a surtout conforté les doutes exprimés sur la viabilité des dispositifs en faveur de la micro-entreprise. Le ministre a révélé que «le taux de recouvrement des échéances dues à l'ANSEJ (agence nationale de soutien à l'emploi des jeunes) à la date d'aujourd'hui est de 63%, le reste des prêts étant en contentieux». Pour le dispositif jumeau de la CNAC (caisse nationale d'assurance chômage) le taux de recouvrement des prêts était de 52% seulement. Volontairement ou non, M.Benmeradi a contredit les déclarations rassurantes des responsables du secteur. Les «déperditions», voire les «détournements de crédits» souvent évoqués par la presse nationale, ont été constamment minimisés par les responsables des 2 agences. Le DG de l'Ansej, Mourad Zémali donnait un taux de mortalité «ne dépassant pas 2,5% des entreprises créées depuis 1997». Il assurait également que «les micro entreprises sont de bonnes clientes pour les banques». Même son de cloche du côté de la CNAC dont un directeur central, M. Ali Zanoun, qui soulignait que le nombre de micro-entreprises qui n'arrivent pas à rembourser leurs crédits bancaires reste faible. «1100 micro-entreprises sur les 74 000 créées par la Cnac, depuis le lancement du dispositif en 2005, ont présenté des difficultés à rembourser leurs crédits. Cela représente un pourcentage qui ne dépasse pas les 2% ». PLUS DE 100 MICRO-ENTREPRISESCREEES ANNUELLEMENT Il n'existe pour l'instant aucune évaluation du coût financier global des différents dispositifs mis en place par les pouvoirs publics. On sait cependant, selon les informations fournies récemment par les responsables des organismes concernés, c'est que le nombre de bénéficiaires est en plein boom. Le cap des 100 000 micro-entreprises créées annuellement dans le cadre des dispositifs d'aide à l'emploi de jeunes a été franchi en 2012.Le chiffre exact est de 100 800 micro-entreprises dont 65 000 micro-entreprises créées par l'Ansej et 34 800 par la Cnac. M. Benmeradi vient pour sa part de mentionner le chiffre total de près de 270 000 micro-entreprises financées à ce jour. A l'origine de l'accélération des activités des deux agences, leurs DG mentionnent les décisions prises le 22 février 2011, qui ramènent l'apport personnel au niveau symbolique de 1 ou 2% du montant de l'investissement fixé désormais, au maximum, au seuil symbolique de 10 millions de dinars. Autres facteurs ayant contribué à l'engouement pour cette formule : la participation active des banques publiques ainsi que les facilitations dans l'accès aux locaux. LES MICRO-ENTREPRISES SONT-ELLES VIABLES ? S'ils exercent une influence croissante sur la société algérienne, l'impact économique réel de ces dispositifs, qui ont maintenant plus de 15 ans d'existence dans le cas de l'ANSEJ, reste sujet à controverse et continue de soulever des interrogations. Le coût financier des dispositifs mis en place par les pouvoirs publics n'a pour l'instant fait l'objet d'aucune évaluation globale. Certains experts indépendants lechiffraient récemment à près de 4 milliards de dollars en rythme annuel à la suite de leur montée en puissance des dernières années. Des financements dans lesquels les banques publiques sont en première ligne. Dans les deux dispositifs qui ont été uniformisés, 70% du crédit est à la charge des banques à côté du prêt non-rémunéré représentant 28 ou 29% du créditconsenti par les agences concernées. L'apport personnel a été ramené au niveau symbolique de 1 à 2% du crédit. Ce sont donc essentiellement les banques publiques qui payent, fortement incitées à le faire par l'Etat, leur actionnaire unique. Le directeur de la Cnac soulignait récemment la progression du taux des accords bancaires. «Jusqu'en 2008, le taux d'accords bancaires ne dépassait pas 30%, mais depuis 2008, ce taux a nettement évolué, pour atteindre aujourd'hui près de 96%». LES BANQUES FACE A UN PROBLEME SPECIFIQUE D'IMPAYES ? La terminologie adoptée par les banques algériennes dans leurs rapports annuels à propos des «dispositifs mis en place par les pouvoirs publics» ou des «dispositifs du gouvernement» est certainement révélatrice du peu d'enthousiasme que ces dispositifs d'exception inspirent encore aux responsables des établissements bancaires algériens. Leur montée en puissance récente et l'importance qu'ils sont susceptible de prendre au fil du temps dans le portefeuille des banques est-elle de nature à soulever notamment un problème spécifique d'impayés ? Les informations fournies par les banques sont pour l'instant muettes sur ce chapitre. Les chiffres mentionnés pour la première fois par M. Benmeradi renseignent sur l'ampleur d'un problème à propos duquel les pouvoirs publics ont préféré jusqu'ici observer une certaine discrétion mais dont l'impact économique et financier va de façon croissante plaider en faveur d'un bilan objectif des résultats obtenus par l'ANSEJ et la CNAC.