C'est un week-end plein de «tics» et de «TIC» qui entrera peut-être dans l'histoire comme un concentré révélateur de la marche hésitante et constamment ralentie vers la téléphonie mobile 3G+. La date du 1er décembre, retenue initialement comme celle du lancement de la 3G+, ne sera pas respectée. Les Algériens devront encore attendre quelques jours ou semaines avant de prétendre en théorie à l'internet mobile. La ministre de la Poste et des TIC, Zohra Derdouri, a confirmé dans un entretien à l'APS, ce qui était déjà connu : aucune puce ne sera vendue le 1er décembre. Il faudra attendre que le décret exécutif de délivrance de la licence soit signé et notifié aux trois opérateurs (Mobilis, Ooredoo ''ex-Nedjma'' et Djezzy). Ce sera fait avant la fin de la semaine prochaine. Une fois ce décret transmis, les opérateurs devront soumettre leurs offres à l'ARPT. Et, au passage, Mme Derdouri fait une annonce massue : Mobilis, Ooredoo et Djezzy auront besoin d'un «temps incompréhensible » pour programmer les numéros que l'ARPT va leur attribuer. C'était la nouvelle, la plus appréhendée par les opérateurs et les spécialistes, que Mme Derdouri a décliné, presque incidemment. En clair, les puces actuelles ne pourront pas servir pour la 3G. Les opérateurs devront donc s'approvisionner en nouvelles puces. La nouvelle était dans l'air. Et jeudi soir, Joseph Ged, avant même que la ministre et l'ARPT ne le confirment, ne cachait pas son désappointement à l'égard d'une telle mesure. En marge d'une cérémonie organisée pour un test de lancement de la 3G, Joseph Ged affirmait qu'il ne voyait aucune « raison logique » à l'imposition d'une numérotation spéciale pour la 3G. LES USAGERS ALGERIENS SONT LES PERDANTS C'est une mesure qui désavantage les usagers algériens qui seront contraints d'avoir deux numéros séparés, devront payer une nouvelle puce et un nouvel abonnement et, last but not least, un nouveau téléphone. « Finalement cela occasionnera des coûts d'acquisition et des coûts de services pour les Algériens. C'est contre la logique de démocratisation du haut débit » a-t-il souligné, à juste titre. Au cours de cette même conférence de presse, Joseph Ged a balayé l'argument de la transparence des comptes invoqué par le patron de l'Autorité de régulation, Mohamed Toufik Bessai, pour justifier l'imposition d'une numérotation spéciale pour la 3G+. En gros, l'ARPT ne veut pas de confusion des comptes et des chiffres d'affaires entre la 2G et la 3G+ car, affirme M. Bessai, car cela détermine « l'exactitude de la fiscalité propre à chaque licence». «La connaissance indubitable de la base d'abonnés de chacun des opérateurs dans la 2G et dans la 3G passe, pour l'instant, par le critère d'une numérotation dédiée à chacune de ces deux dernières licences», a-t-il affirmé. L'existence de deux numéros distincts n'a rien à voir avec la séparation des chiffres d'affaires, a répondu par avance Joseph Ged. Et il n'est pas utile d'aller vers deux numéros pour avoir deux comptabilités séparées. A moins de vouloir « compliquer la vie aux abonnés » qui devront payer la carte SIM, rassembler la paperasse pour un nouvel abonnement et acheter un deuxième téléphone s'il ne veulent pas perdre leur temps à changer les puces pour passer d'un numéro à l'autre. Et bien entendu, l'argument de la nécessité de favoriser la concurrence -et donc éviter la reproduction en 3G de la situation actuelle- est rejetée par l'ensemble des spécialistes : il suffit de décider de la « portabilité » pour que la question soit réglée. Il suffit donc que l'abonné ait la possibilité de migrer vers l'opérateur qu'il veut en gardant son numéro pour que la question ne se pose plus. UN PROBLEME SECURITAIRE ? Reste l'aspect sécuritaire qui n'est à aucun moment invoqué dans les déclarations via APS de Mme Zohra Derdouri et de son successeur à l'ARPT, Mohamed Toufik Bessai. Et pourtant, il est bien présent. Joseph Ged l'a admis et le sujet semble avoir fait l'objet de discussions avec l'ARPT. « Nous avons dit à l'ARPT qu'il existe des solutions techniques simples pour faire en sorte que les services de la 3G ne puissent être fournis aux cartes SIM dont les détenteurs ne sont pas identifiés». Rappelons qu'en 2008, une vaste opération d'authentification des puces avait été lancée par l'ARPT. Les abonnés ont été contraints de s'identifier à nouveau en renouvelant leurs dossiers. En théorie, la situation est assainie et aucune puce «anonyme » n'existe. Il est probable qu'il en existe toujours, mais personne n'est en mesure -pas même l'ARPT à l'évidence- de donner des chiffres ou des estimations. Certains affirment, en off, sans pouvoir l'étayer que les opérateurs « gonflent » artificiellement le chiffre de leurs abonnés pour justifier des transferts. Une accusation invérifiable qui laisse transparaître une réalité plus lourde, celui de l'incapacité de l'ARPT à faire son travail de régulation et de collecte de la bonne information. Car, en théorie, l'ARPT est en mesure de dire avec exactitude, le chiffre réel des abonnés Il n'en reste pas moins qu'en la matière, l'Algérie fait partie des rares exceptions dans le monde -avec le Soudan et la Corée du Nord- à avoir choisi d'imposer une numérotation spécifique pour la 3G+. A défaut d'une maîtrise de la régulation et de l'information, on a choisi la démarche la plus facile et la plus coûteuse.