Nouveau rebondissement dans l'affaire des sept moines trappistes du monastère de Tibhirine, enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 par un groupe terroriste du GIA, puis assassinés. Le juge antiterroriste français, Marc Trévidic, a obtenu le feu-vert des autorités algériennes pour venir en 2014, probablement au mois de mars, à Alger pour mener son enquête sur cette affaire. Plus concrètement, selon l'avocat des familles des moines de Tibhirine, Patrick Baudoin, le juge français a eu l'accord des autorités judiciaires algériennes pour exhumer et autopsier les têtes des moines de Tibhirine, dans le cadre de son enquête sur leur assassinat. Ce nouveau développement dans cette affaire, non encore résolue pour les milieux politiques français et certains cercles, intervient, selon des sources proches du dossier, après une insistance de l'Elysée, pour que ce dossier soit définitivement clos. Par contre, le juge Marc Trévidic, qui s'est rendu à Alger la semaine dernière où il a rencontré des responsables du pôle de la justice algérienne, n'a pas obtenu, selon l'avocat des familles des victimes, l'autorisation d'entendre une vingtaine de témoins liés directement à ce dossier. Il s'agit notamment d'anciens terroristes repentis du GIA et même de Abderezak El Para. En fait, au-devant de cette enquête du juge français, il y avait comme priorité les auditions d'une vingtaine de témoins, ainsi que l'autopsie des crânes des moines assassinés, enterrés dans le jardin du monastère de Tibhirine. Ces deux revendications du juge antiterroriste français constituaient les deux aspects essentiels de la commission rogatoire internationale (CRI) adressée en décembre 2011 à l'Algérie. Celui-ci devait déjà se rendre à Alger en mars 2013 pour mener cette enquête. Le juge français, dans sa commission rogatoire, veut notamment s'entretenir avec une vingtaine de témoins de l'affaire, considérés comme des témoins clés, et effectuer, avec l'aide d'experts français, des prélèvements ADN sur les têtes des défunts qui doivent être exhumées. Pour élucider cette affaire, il est en effet impératif, selon ce juge, de savoir si les têtes présentent ou non des impacts de balles et si les moines ont été décapités «ante ou post mortem». Ce magistrat avait délivré une commission rogatoire internationale, à destination de l'Algérie, le 16 décembre 2011. «Je prends acte avec satisfaction que le juge a pu aller en Algérie et qu'il va y avoir une exhumation et une autopsie des têtes des moines», a déclaré Me Baudouin, qui a regretté «cependant qu'il ne puisse y avoir des auditions dans une affaire qui concerne la mort de ressortissants français». L'intervention personnelle du président français, François Hollande, auprès du président Bouteflika, aurait facilité les choses pour les familles des victimes, selon des milieux français proches de ce dossier. L'assassinat des sept moines de Tibhirine, un moment instrumentalisé par la droite comme la gauche française, a été revendiqué par le Groupe islamique armé (GIA), alors dirigé par Djamel Zitouni. TOUT A ETE DIT SUR CETTE AFFAIRE Les têtes des moines assassinés n'ont été retrouvées au bord d'une route de montagne que le 30 mai, mais leurs corps ne l'ont jamais été. «Toute la vérité a été dite concernant l'assassinat des moines de Tibhirine, que l'on a toujours considérés plus algériens que français», a estimé Me Farouk Ksentini, dans de précédentes déclarations à la presse relatives à cette affaire. Concernant le déplacement à Alger du juge Trévidic, il avait également relevé que «tout ce que ce juge français pourra faire, c'est de procéder à des prélèvements ADN sur les corps des défunts pour les besoins de son enquête». Quant aux auditions de témoins, ou une enquête judiciaire, l'actuel président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), Farouk Ksentini, a estimé que Trévidic ne peut absolument pas procéder à une enquête judiciaire, dans la mesure où une telle entreprise est attentatoire à la souveraineté de l'Etat algérien.