C'est une candidature annoncée par Abdelmalek Sellal qui sonne, définitivement, comme une fin de partie. Des candidats vont se retirer mais d'autres resteront. Le décor est placé. Le quatrième mandat est en mode pilotage automatique. Il n'a pas besoin de Bouteflika. Ou presque. Le dispositif du quatrième mandat pour Abdelaziz Bouteflika était en place depuis des mois avec les prises de position des partis et organisations satellites du pouvoir, il ne restait plus qu'à l'officialiser : cela a été fait, hier, à partir d'Oran par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Cette élection est devenue, au fil des jours et avec les éruptions dans les médias des conflits du sérail, encore plus spécifique que toutes celles qui ont précédées. Y compris dans la forme prise par cette annonce de candidature. C'est un Premier ministre en titre qui a annoncé la candidature d'un chef d'Etat en place. «Le président Bouteflika est en bonne santé. Il a toutes les capacités intellectuelles et la vision nécessaires pour assurer cette responsabilité», a-t-il assuré en affirmant que ce sont «les intérêts du pays pour sa stabilité et son développement» qui sont pris en considération. L'annonce de la candidature du chef de l'Etat par son Premier ministre a été rapidement suivie d'un communiqué de la Présidence indiquant que le président a officiellement fait acte de candidature à un quatrième mandat présidentiel lors de l'élection d'avril auprès du ministère de l'Intérieur. «Le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, a fait procéder au dépôt de sa lettre d'intention et au retrait, auprès du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, des formulaires de souscription de signature individuelle pour les candidats à l'élection présidentielle», indique le communiqué. LE STATUQUO Les propos de Sellal ne rassureront pas ceux qui objectent avec insistance que l'état de santé du président ne lui permet pas de rempiler pour un nouveau mandat. Le fait que ce ne soit pas Bouteflika qui annonce lui-même sa candidature les conforte au contraire dans le sentiment que le système après avoir émis des signaux évidents de crise bascule dans le surréalisme. Une campagne présidentielle n'est pas un simple exercice formel, elle est censée mettre le candidat au contact des électeurs à qui il expose ses vues et propose un dessein. Abdelmalek Sellal trouve normal que la campagne soit déléguée. «Le président n'est pas obligé de tout faire et que les membres de ses comités de soutien peuvent prendre en charge cette action», a-t-il affirmé. Mais le message est clair. Au sein du régime, l'option du statuquo est faite, la crise, elle, pourra continuer à faire son œuvre. L'annonce de la candidature est le quatrième message, en deux semaines, que le président émet de manière indirecte. Il douche les espoirs de ceux qui souhaitaient que l'élection présidentielle soit une opportunité d'un nouveau départ. Dans les réseaux sociaux, qui désormais précèdent les réactions classiques des politiques, l'annonce a suscité la consternation, l'abattement. La candidature de Bouteflika ferme définitivement le jeu. Ceux qui espéraient que la crise, patente au sein du régime, pouvait devenir une opportunité pour changer déchantent. C'est cette hypothèse, ténue il est vrai, qui donnait encore un peu de suspense à l'échéance électorale. Elle vient d'être balayée définitivement. Envers et contre tout, le statuquo est maintenu, les différents pôles au sein du régime n'étant pas d'accord sur une autre solution. On retombe dans le discours habituel à chaque échéance électorale. L'élection «se déroulera dans la transparence» et «toute tentative de fraude sera punie», a affirmé Sellal. Mais pour les adversaires du président, la cause est entendue. L'ETAT DE SANTE DE BOUTEFLIKA EN DEBAT Sofiane Djilali qui compte annoncer son retrait de la course vendredi prochain a dénoncé dans l'annonce de M. Sellal un « premier pas » vers un renversement de la République. «Il est choquant de voir qu'un Premier ministre en fonction nous annonce lui-même la candidature d'un président invalide. C'est une honte pour ce pouvoir, pour ce gouvernement. L'Algérie va être remuée». Lotfi Boumghar, directeur de campagne du candidat Ali Benflis, s'étonne qu'une candidature à la présidentielle soit faite «par procuration». Et il s'étonne encore plus de voir M. Sellal, encore officiellement président de la Commission de préparation des élections, qui fasse l'annonce. Les partisans du président auront beau essayer de l'éviter, la question de l'état de santé du président est sur toutes les lèvres. Abdallah Djaballah (Adala) voit dans l'annonce faite par Sellal un «précédent» et une «preuve tangible» que le président est malade. Il a appelé les candidats à se retirer de la course. HANOUNE ET BENFLIS, DES «HABITUES» Le MSP qui a décidé de boycotter s'estime conforté dans son analyse que l'élection est «fermée». «Nous n'avons pas lié la décision du boycott à la candidature du Président. Sa décision de se représenter ne fait que renforcer la décision du boycott», a déclaré le responsable des affaires politiques. Le général Yalla continue, lui, de croire que Bouteflika se désistera à la «dernière minute» au profit d'un candidat. Une position qui paraît bien solitaire face au rouleau compresseur du quatrième mandat qui n'a même pas besoin de Bouteflika pour se mettre en marche. «Le président n'est pas obligé de tout faire et que les membres de ses comités de soutien peuvent prendre en charge cette action», a déclaré Sellal. Il aura quelques candidats pour meubler la campagne avec les «comités de soutien» de Bouteflika. Il y aura Louisa Hanoune, une habituée, dont le parti est pour la «liberté» des candidatures. Il y aura Ali Benflis, un «habitué» lui aussi, qui a annoncé qu'il y sera avec ou sans Bouteflika. Résultat des courses : le président Bouteflika est toujours en mode message indirect. Le Quatrième mandat est, lui, en pilotage automatique.