Si en Algérie on ne vote pas pour ne plus recevoir de baffes de la part du pouvoir, en France on ne vote plus que pour en donner à ceux qui sont en place. Tel est le résumé d'un échange sous le mode ironique de «c'est la crise du vote de Tamanrasset à Dunkerque» avec une consœur française après la désignation de Manuel Valls à Matignon par François Hollande au lendemain de la sévère tannée électorale essuyée par les socialistes aux municipales. L'électorat de gauche a boudé les urnes pour sanctionner une politique de droite éloignée des engagements de François Hollande, il y répond en accentuant le virage à droite. Une illustration de la déconnexion du pouvoir en France avec la sociologie électorale. Ceux qui ont élu Hollande hier sont les déçus abstentionnistes d'aujourd'hui En attendant que le balancier se mette à rejouer contre la droite quand elle sera au pouvoir. A droite toute donc pour François Hollande qui ne tient compte que des voix - de droite - exprimées, pas de l'abstention de sa base électorale. Les Verts ont tiré la leçon de la désignation de Manuel Valls, ils ne seront pas dans le gouvernement. Duflot n'a pas oublié ses propos sur les Roms Des représentants de la «gauche» du PS - comme Benoît Hamon - sont présents plus par esprit de parti que par conviction. Mais le virage déjà pris est fortement accentué avec un Manuel Valls, libéral-éradicateur, version socialiste de Sarkozy. Pour mesurer ce qu'il représente au sein du «peuple de gauche», il faut rappeler que Manuel Valls n'a obtenu que 5% des voix dans les primaires organisées par le Parti socialiste pour choisir le candidat aux présidentielles. Il est représentatif d'un courant minoritaire, «l'ultra-droite», au sein des socialistes. C'est cette minorité qui prend les commandes et on peut imaginer que les militants qui croient encore à une vision sociale de gauche, défendue par le candidat Hollande, soient troublés. Voire en colère. François Hollande agit comme si le Parti socialiste avait perdu les législatives et se retrouve sans majorité. Il organise une sorte de «cohabitation» qui ne dit pas son nom où le socialiste le plus à droite devient son chef de gouvernement. Et son premier concurrent politique. Car, contrairement au très loyal et assez effacé Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls joue sa partition personnelle et non celle du président. La France officielle entre avec un certain surréalisme politique dans une cohabitation implicite qui ne sera pas forcément tranquille. De quoi donner le sentiment à Jean-Luc Mélenchon que l'heure est venue d'en découdre avec la «droite» au pouvoir. Vu du Maghreb en quête de démocratie, la désignation de M. Valls n'est pas vraiment une bonne nouvelle. Personne n'oublie sa sortie totalement intempestive au lendemain de l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd au sujet de la montée d'un «fascisme islamique» dans les pays du «Printemps arabe», Libye, Tunisie et Egypte. Un coup de pouce à ceux qui en Tunisie œuvraient à entraver la transition à un moment où le pays avait besoin d'un vrai dialogue entre les acteurs politiques. Un message erroné en plus aux «éradicateurs» tunisiens qui jouaient l'obstructionnisme. Une posture d'idéologue pleine de préjugés et de paternalisme qui ne faisait aucune distinction entre Ennahda et Aqmi. La «France est le pays qui comprend le moins l'islam et les Tunisiens », avait rétorqué Rached Ghannouchi. Fort heureusement les Tunisiens se sont bien passés des «conseils» de M. Valls. Ils avancent.