C'est l'une des soixante promesses de campagne de François Hollande. “J'accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans", déclarait le 50e engagement de François Hollande. On estime qu'il lui a fait perdre au moins des centaines de milliers de voix lors de l'élection présidentielle qui a rendu le pouvoir à la gauche. Quatre mois après, le droit de vote des étrangers aux élections locales révèle des divisions au sein de la majorité qui font le miel de l'opposition. Défendu déjà en 1981 par François Mitterrand avant de prendre la forme d'une relique, il a été exhumé après la victoire de la gauche aux sénatoriales, puis défendu par Hollande qui l'a inclus dans son catalogue électoral. Mais la crise a engendré une peur de l'étranger qui a rendu impopulaire la proposition. Des étrangers vivant en France depuis des décennies ne peuvent pas participer à l'élection de leur édile et de ses adjoints. La droite veut que le vote resté lié à la citoyenneté. Hollande souhaite introduire une réforme de la Constitution qui va le rendre possible dès les prochaines échéances prévues en 2014. Son ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, caricaturé comme le Sarkozy de la gauche, a jeté le trouble. Il a tempéré les ardeurs de son camp en faisant valoir dans Le Monde daté de mardi que ce n'était ni une “revendication forte dans la société française", ni un “élément puissant d'intégration". Le ministre considère notamment que ce projet n'a plus “la même portée" qu'en 1981. Il met aussi en garde contre les conséquences d'un éventuel référendum, “pas seulement en termes de résultats mais aussi de déchirure dans la société française". “Attention à la jonction droite-extrême droite sur ce sujet", ajoute le ministre. Ministre le plus populaire du gouvernement, M. Valls n'hésite pas depuis quatre mois à tenir des discours décomplexés sur la sécurité et l'immigration, ni à faire entendre sa petite musique, comme sur les récépissés destinés à lutter contre les contrôles de police au faciès. Au risque de semer le trouble jusque dans son propre camp. Sur le droit de vote des étrangers, 75 députés socialistes, dont le Marseillais Patrick Mennucci, Razzy Hammadi, Christian Paul ou Christophe Caresche, sont montés au créneau en appelant dans une tribune dans Le Monde à une mise en œuvre rapide de cette promesse de campagne. “à celles et ceux qui nous disent que c'est trop tôt, et qu'il faut prendre son temps, nous répondons que c'est en commençant maintenant que nous aurons la possibilité de prendre notre temps pour faire cette réforme" qui “ne se fera pas en un jour", car elle nécessitera une réforme de la Constitution, expliquent en particulier ces parlementaires. Après les propos de Manuel Valls, l'entourage du chef de l'état a assuré que l'engagement “sera tenu". “Le processus est engagé depuis l'installation de l'exécutif et l'engagement sera tenu, quelles que soient les positions des uns et des autres", a-t-on déclaré de même source. Alain Vidalies, ministre des Relations avec le Parlement, a bien assuré lundi soir que l'engagement présidentiel serait “tenu". Mais il n'a pas précisé de calendrier. S'il n'a pas été inscrit à l'ordre du jour de l'automne au Parlement, c'est selon lui car “le calendrier parlementaire ne le permet pas", notamment en raison de la discussion budgétaire. Cécile Duflot, ministre du Logement, avait déjà assuré mardi sur France Inter que cet engagement serait mis en œuvre en 2013. L'UMP s'est immédiatement engouffrée dans la brèche, son secrétaire général Jean-François Copé exhortant M. Hollande à “clarifier ses intentions", au moment, selon lui, où se “multiplient les pratiques communautaristes". François Fillon, son principal concurrent pour la tête du parti, a pour sa part demandé “solennellement au président de la République de renoncer à ce projet". Les alliés écologistes veulent eux aller vite et demandent au gouvernement “de tout mettre en œuvre pour que la loi constitutionnelle soit menée à terme avant l'été 2013". Les sénateurs communistes ont aussi demandé un “examen rapide" du texte. Cette réforme nécessite de changer l'article 3 de la Constitution qui dit que les électeurs sont les nationaux français majeurs. Les ressortissants de l'UE peuvent déjà voter aux municipales depuis une loi de 1998, mais ne peuvent être maire ou adjoint ni participer à l'élection des sénateurs. à gauche, les partisans d'une approche prudente relèvent en premier lieu que le PS et ses alliés ne disposent pas de la majorité des 3/5 au Congrès nécessaire à une modification de la Constitution. La gauche dispose de 523 membres à l'Assemblée et au Sénat, sur 925 députés et sénateurs. Une abstention bienveillante de la droite est peu probable : l'UMP a agité cette promesse comme un épouvantail durant les campagnes électorales de la présidentielle et des législatives. Quant au recours à un référendum, réclamé lundi par l'UMP, il paraît improbable. A. O