Merzak Meneceur On change de gouvernement, mais on ne change pas de politique, juste lui injecter quelques inflexions pour signifier aux Français qu'il a compris leur message. Ainsi en a décidé François Hollande dès le lendemain de la déroute des socialistes aux élections municipales. Reste à savoir s'il a fait les bons choix qui seront appréciés par des millions d'électeurs en grogne face à leur difficile réalité sociale. Dans son allocution télévisée de lundi soir, le chef de l'Etat français a bien confirmé que Jean-Marc Eyrault c'est déjà du passé et que son successeur à la tête du gouvernement est Manuel Valls, ministre de l'Intérieur sortant. C'est le Président actuellement le plus impopulaire de la Ve République qui nomme pour appliquer sa politique le ministre le plus populaire depuis deux ans. Ça peut être un atout comme cela peut tourner à des rapports conflictuels avec un personnage qui a de nombreuses qualités, courageux, combattif, déterminé, mais qui est loin d'être perçu comme un homme de consensus parmi les siens, c'est-à-dire les socialistes qui lui avaient accordé lors des primaires de 2012 que 5,63% des voix. Âgé de 51 ans, fils d'un immigré espagnol, naturalisé français à ses 19 ans, Valls porte l'étiquette d'un social-libéral, la tendance de droite du parti socialiste. Au ministère de l'Intérieur il a appliqué une politique de l'immigration soufflant plus le froid que le chaud et il était opposé au droit de vote des étrangers aux élections municipales. Mais le caractère présidentiel du pouvoir français fait que le Premier ministre est chargé d'appliquer fidèlement la politique définie par le chef de l'Etat. Donc il mettra en œuvre la feuille de route que lui a déjà tracée Hollande lundi soir. À la tête d'un «gouvernement de combat» il lui est assigné de concrétiser le Pacte de stabilité préparé par son successeur. Ce pacte prévoit de réduire le coût du travail de 30 milliards d'ici 2017 et attend du patronat plus d'embauches et d'investissements. Hollande a décidé de ne pas changer de ligne ou de cap «même, a-t-il indiqué, si je suis prêt à faire les inflexions nécessaires». Cette inflexion va se traduire par la création d'un Pacte de solidarité qui portera sur l'éducation, la formation de la jeunesse, la santé et le pouvoir d'achat des citoyens. Pour ce dernier axe, Hollande a évoqué «la réduction des impôts des Français d'ici à 2017» et «une baisse rapide des cotisations» sociales «payées par les salariés». Cette baisse concernerait les bas salaires. Mais comment concilier ces baisses avec les exigences des finances de la Sécurité sociale, en même temps que de réaliser la réduction de 50 milliards d'euros des dépenses publiques en trois ans afin de réduire le déficit de l'Etat ? En faisant le choix de nommer Manuel Valls à la tête du gouvernement avec la poursuite, même avec quelques inflexions, de sa politique économique et sociale, Hollande ne fait pas l'unanimité dans son camp. L'aile gauche du parti socialiste s'agite et manifeste son mécontentement, et à la nomination de Valls, et à la poursuite de la politique d'austérité. Les écologistes sont réticents à rester au gouvernement avec les deux ministres sortants, Cécile Duflot et Phillipe Canfin, qui ont décidé de ne pas faire partie du nouvel exécutif. Le parti communiste estime que Hollande n'a «pas répondu aux attentes des Français». Et le parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon parle même d'«un coup de barre à droite». Si la droite se délecte de cette situation, ce qui est de bonne guerre dans une démocratie, Valls , qui est en train de constituer son gouvernement, a la dure tâche de maintenir au moins la cohésion des socialistes et d'avoir des écologistes dans son équipe. La France est indiscutablement entrée dans une nouvelle séquence politique où le mot crise risque de prendre toute sa dimension. Les mesures sociales que prendra le gouvernement Valls au cours de ses premières semaines d'activités seront à cet égard d'une grande importance. M. M.