Akraht Yakho! Digoutit! Madarouna Walou! Hadi Mahiche Bled! El Harga Tsalek! Telles sont les expressions les plus courantes du tout nouveau lexique, du regard désespéré, porté par une jeunesse sans repères sur notre société! N'est-ce pas là le résultat de cette atmosphère de violence des années 90, où ces jeunes de moins de 35 ans aujourd'hui étaient livrés à eux-mêmes, et terrorisés par le discours ambiant de la yadjouz ? Oui ! Il ne faut pas oublier qu'à cette époque, tout ce qui se rap-portait à la vie courante relevait du domaine de l'interdit, y com-pris les besoins les plus basi-ques, comme s'instruire, s'émanciper ou goûter au plaisir d'un spectacle ! La frustration cumulée, manifestée par nos jeunes à travers le rêve de cet outre-mer ou d'aucuns pensent assouvir leurs fantasmes, cet ailleurs considéré meilleur que chez soi, quoique nous fassions, comme par complexe d'infériorité, n'est-elle pas, cet effet collatéral d'une déficience culturelle et d'une défaillance de cette école, qu'on n'a pas su réformer dans le sens de la formation à la citoyenneté ? DU CONFLIT GENERATIONNEL ! N'est- ce pas aussi, cette négation de tout ce qui vient de cette génération d'adultes qui dans sa dimension dirigeante, est soupçonnée d'agir et d'activer dans son seul intérêt, comme si elle était de facto, la seule détentrice de la légitimité qui l'autorise à gérer sans partage, ce pays qu'elle dit avoir libéré ? C'est ainsi que pense la majorité de nos jeunes ! Mais quoiqu'il en soit, cette dichotomie générationnelle qui renvoie au besoin de plus de libertés et d'autonomie de penser dans une ère nouvelle, a induit une sorte de cassure dans l'élan libérateur de notre peuple, qui aurait du avoir pour objectif premier, la construction d'un idéal collectif autour d'un projet de société, fait de bien être global, durable pour tous et sans exclusive ! C'est certainement ce manque de lisibilité, que nos jeunes reprochent à leurs ainés, par défaut de communication ! Ils cherchent à savoir en quelque sorte, s'il y a un avenir possible pour eux en Algérie, ce qui est en soi, un questionnement tout à fait légitime ! Pour ce qui nous concerne, nous la génération de l'indépendance, dite " ringarde ", il est injuste de considérer que le malaise de notre société est à attribuer à la responsabilité exclusive de nos " vieux ", toutes catégories confondues ! Le respect que nous vouons aux " cheveux blancs " n'autorise à ce titre, aucun écart ! Pour s'en convaincre, il me vient à l'esprit, l'ouvrage " des noms et des lieux " et cet autre livre sur " l'Etat-Nation " tous deux écrits par Mostafa LACHERAF, ce révolutionnaire qui n'est malheureusement plus de ce monde, et dont l'Algérie doit être fière, comme pour bien d'autres gestionnaires, commis de l'Etat de cette même génération et celle d'après, pour lesquels notre ingratitude collective reste avare en hommages ! C'est là, une autre perte de valeurs et de repères, qu'il faudra bien reconquérir un jour, quand l'Algérie sera enfin apaisée ! Oui ! Ce Ministre émérite, savait trouver le temps pour lire et pour écrire, en même temps qu'il gérait avec dextérité et parfaite maîtrise, le secteur sensible de l'éducation qui lui a été confié, convaincu qu'il était, sur le chemin qui mène à l'émancipation de toute société, passe par l'école de la citoyenneté. C'est sa droiture, son sérieux et son abnégation dans le travail bien accompli, qui l'ont fait démissionner, lui l'illustre philosophe, à partir du moment où il fût empêché de poursuivre correctement sa mission de restauration de l'édifice éducationnel, à hauteur des exigences d'une société moderne, ancrée dans son authenticité ! Alors, il prit vacance de l'Etat et le train de son école qu'on a fait dérailler, s'est mis sur une autre voie, celle dite de la " régression féconde ", dont les " répliques sismiques " se font encore sentir, aujourd'hui ! Oui ! Le malaise de notre jeunesse n'est pas totalement corrélé à l'attitude des vieux comme on dit ! Il est plus en rapport avec cette absence d'affirmation identitaire de notre société, qui tel un produit anodin, reste sans marque déposée ni label. De toute évidence, il est à croire que la détermination n'est pas une constante chez nous ! Il faut dire, que la valse à deux ou trois temps pratiqué, de compromission en compromission, ne nous a pas été tout à fait salutaire, car à trop vouloir regarder dans le rétroviseur, on fini par rentrer dans le décor, pour peu qu'on soit quelque peu distrait! Il faut aussi faire observer, qu'à trop vouloir arrondir les angles, l'on s'y perd dans le chemin sinueux qui mène au compromis. Alors ! Il nous arrive certaines fois d'avancer, mais bien souvent de reculer ! Notre société patine et la visibilité de l'horizon reste au stade de ce " bulletin météo " du pas tout à fait clair, sans pour autant être franchement obscur. Nous sommes en quelque sorte, dans cet état médian, qui crée bien évidemment, une sorte de turbulence et de malaise social, face à l'incertitude du lendemain. C'est bien cela qui inquiète nos concitoyens et tout particulièrement notre jeunesse, dont le rêve du bien-être in situ semble relever pour elle, du domaine de l'aléatoire ! Rien n'est moins sûr ! Tout est possible chez les gens qui savent se dévouer au bien-être de leurs concitoyens, sans calcul autre, que le plaisir d'être au service de la chose publique, cette éthique de nature à estomper, voire d'effacer les effets pervers nés de relations conflictuelles entre générations. Mais c'est quoi au juste le bien-être ! Comment peut-il s'apprécier ! Comment est-il perçu d'une société à une autre ! Tout cela pour dire, que même si nous devons avoir notre propre grille de lecture de cet idéal auquel tout un chacun aspire, il n'est pas sans intérêt de voir comment il est perçu par les autres et quels sont ceux qui peuvent s'en prévaloir ! LA REFERENCE DU BIEN-ÊTRE NORDIQUE De par le monde, les pays scandinaves que sont : la Suède, la Norvège, le Danemark, la Finlande et l'Islande, sont toujours classés premiers en termes de qualité de vie et leurs taux de chômage sont les plus bas, par rapport à la moyenne européenne. Oui ! La zone nordique est considérée depuis bien longtemps, comme étant cette " oasis de bien-être ". C'est ainsi que quand ce n'est pas la Norvège et l'Islande qui tiennent le haut du classement par rapport à l'indice de développement humain (IDH), c'est la Suède qui caracole en tête du " bonheur mondial ", suivie par la Norvège, alors que l'Islande et la Finlande sont plébiscités à l'échelle mondiale, comme pays les moins corrompus de la planète. Si nous essayons de décrypter le bonheur scandinave, l'on s'aperçoit que cela tient au civisme, à la gouvernance des affaires publiques et au système d'aides sociales qui protège les individus en répondant à leurs besoins en logements, en éducation et à la prise en charge des handicapés et de la petite enfance. En plus, ces pays ont adopté un mode de vie assez sain. Ils font appel pour leurs déplacements, dans une large proportion, au mode de transport collectif et utilisent souvent le vélo. Ces descendants des vikings font mieux que tous les autres pays, en termes d'efforts écologiques (recyclage des déchets, utilisation des énergies renouvelables) et leur mode de vie trouve ses origines dans l'attachement qu'ils ont à l'environnement. Dans ces pays, la vie publique a aussi un rôle primordial dans ce " bien-être scandinave ", dès lors que la confiance est instaurée entre le peuple et les dirigeants des pays. Elle est basée sur la transparence dans la gestion des deniers publics et chaque citoyen a le droit de demander des comptes à toute institution étatique et aux collectivités locales. C'est pourquoi, quand des scandales éclatent, ce qui peut arriver même chez ces gens adeptes de la civilité et du respect de la chose publique, les responsables n'ont pour choix, que la démission. Voilà un beau geste dont il faudra bien s'en inspirer, si l'on veut instaurer chez nous, l'autorité morale de l'Etat ! C'est à partir de cet état d'esprit, qu'au fil du temps, les Suédois et dans la foulée, les Nordiques d'une manière générale ont réussi à se convaincre et à convaincre le reste du monde qu'ils étaient dépositaires du " mètre étalon " du bien-être social. Ce qui est extraordinaire chez ces gens du Nord, c'est que le sentiment collectif d'un avenir partagé, toujours meilleur, tient au fait que la société est réellement ancrée dans l'entente générale, qui fait sa cohésion et préserve ses valeurs. L'INDICE DE PROSPERITE ET DE BIEN-ÊTRE ! L'indice de prospérité et de bien-être établi en 2013 par Legatum Institute basé à Londres, tient compte des performances économiques, de la gouvernance, de l'entreprenariat, des opportunités d'affaires, de l'éducation, de la lutte contre la corruption, de la santé, des libertés individuelles, de la sécurité et du capital social. Dans le classement des pays arabes, selon cet indice, les Emirats Arabes Unis arrivent en tête, suivis du Koweït, de l'Arabie Saoudite, du Maroc, de la Jordanie, de la Tunisie, de l'Algérie et de l'Egypte. Sur le plan mondial, l'Algérie occupe la 99ème place sur un total de 142 pays. Les Emirats Arabes Unis se classent à la 28ème place et mènent le peloton arabe, devant le Koweït (33ème), l'Arabie Saoudite (50ème), le Royaume Hachémite (88ème), la Tunisie (91ème), l'Algérie (99ème), l'Egypte (106ème) et la Mauritanie (125ème). La Norvège arrive bien évidemment en tête du classement mondial pour la cinquième année consécutive, suivie par la Suisse, la Nouvelle Zélande et le Danemark. Sur la base de ce classement, l'on s'aperçoit que notre pays qui a consenti d'énormes efforts au plan social ne mérite pas cette position peu enviable dans le classement mondial et encore moins, dans celui des pays arabes où, il doit être plutôt dans le peloton de tête ! En effet, l'on ne peut pas croire que des pays à faibles revenus font mieux que l'Algérie, qui pourtant a consenti plus d'efforts qu'eux tous réunis, tout au moins en matière de logement, d'énergie et de développement humain où son indice (0.72) est supérieur par exemple, à celui de la Tunisie (0.71), de la Jordanie (0.70) et du Maroc (0.59). Alors ! L'explication est certainement à rechercher ailleurs, comme dans cette prédisposition à plus d'ouverture au monde des affaires et dans l'émission de signaux forts au plan de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, pour lesquelles, il est vrai, nous n'arrivons pas à donner suffisamment de lisibilité, à ceux qui nous observent, nous jugent et nous classent, selon leurs propres standards d'appréciation. Quoiqu'il en soit, ce classement à caractère indicatif, qui peut paraître subjectif, ne doit pas nous faire perdre de vue l'essentiel, à savoir que notre pays a tous les moyens pour être tiré vers le haut ! LE BIEN-ÊTRE SOCIAL MADE IN ALGERIA ! À bien y réfléchir, au-delà des besoins sociaux, ce dénominateur commun à tous les individus quelque soient leurs origines, le bien-être est plus une prédisposition de l'esprit, ou tout un chacun peut se sentir bien dans sa peau comme on dit, sans avoir à courir derrière des choses factices qui renvoient à une forme de mimétisme à caractère artificiel. Il ne relève donc pas de la seule responsabilité de l'Etat, même si les pouvoirs publics sont interpellés par rapport à la couverture des besoins basiques des citoyens, objectif largement atteint. Nous pouvons même dire, sans choquer personne, que cette Algérie qui ne compte pas ses " sous " quand il s'agit de soulager la mal-vie et la détresse de sa population, est à considérer comme la " championne du social " ! C'est là sans doute, un élément de fierté nationale, même s'il faut songer à revisiter l'action de l'Etat providence ! Chacun de nous pourra apprécier à sa manière ! Par contre, la où l'Etat prête le flanc à la contestation populaire et au discrédit des institutions internationales, c'est dans ses pratiques de gestion des affaires publiques, qui restent marquées par un déficit de gouvernance et de communication, un manque de transparence et une attitude laxiste, par rapport aux scandales liés à la corruption. C'est à ces niveaux, qu'il est attendu plus de détermination et moins de complaisance ! Le citoyen est aussi, cette autre partie prenante qui a sa part de responsabilité ! Oui ! Il est trop facile de dire que les autres n'ont rien fait pour nous, quand nous mêmes nous ne faisons rien pour rendre quelque peu, notre vie agréable. Le bien-être, c'est aussi ces choses simples qui nous rattachent au bonheur de cette vie agréable faite : d'une sécurité retrouvée à l'échelle nationale qui incite au voyage et à la découverte de notre si beau pays, de villes à visage humain disposant de toutes les commodités, sans stress ni pollution et où il fait bon vivre, de convivialité partagée à l'échelle d'une communauté de quartier, d'une diversité culturelle, architecturale et artistique, d'une vie de nuit et d'un accès à la nature, de solidarité et de regard magnanime en direction des humbles, de tolérance et de prédisposition citoyenne. C'est à travers l'esprit civique que sont interpellés les citoyens ! Cela est en rapport avec la culture et l'éducation, c'est à dire avec cette symbiose qu'il convient d'établir au sein du couple : famille-école, d'où la nécessité impérative de restauration du système éducatif et celui de la formation professionnelle qui doit anticiper sur l'échec scolaire, en offrant aux jeunes de nouvelles formes d'insertion qui soient plus attractives. C'est là, une toute première priorité à inscrire dans le prochain quinquennat, dans la mesure où la question de l'emploi doit se poser plus en termes d'égalité des chances, autrement dit d'accéder à un métier, que d'octroi de crédits au profit de jeunes ne disposant d'aucun savoir-faire. Indépendamment du rôle que doivent jouer les citoyens, l'implication des pouvoirs publics sur plusieurs fronts, de la vie économique, sociale et culturelle, suppose bien évidemment, une mobilisation de toute la ressource humaine, y compris celle mise en retraite prématurément, ou négligée, qui doit être non seulement réhabilitée, mais aussi, constamment sollicitée par notamment, les collectivités territoriales. C'est là, une nécessité absolue. A défaut de cela, il est à craindre que nous soyons condamnés " à boire notre vin jusqu'à la lie ", comme dit le proverbe ! Il faut qu'on puisse sortir rapidement de ce complexe qui nous hante et nous habite et qui consiste à souligner les performances des autres, comme-ci par dépit, nous soyons arrivés à cette conclusion : qu'il n'y a rien à faire chez nous, comme si nous étions démunis de créativité, sans talent, son savoir-faire et sans ambition ! Cette attitude défaitiste qui porte atteinte au moral de toute une nation, nous fait courir vers les autres, dans cette quête de bien-être, le temps d'un voyage, comme pour se rappeler qu'on a les mêmes besoins de vie agréable. Mais jusqu'à quand devrions-nous rester dans cette situation de peuple " aliéné " sur la culture des autres ? Le bien-être peut être aussi personnalisé à travers la beauté des paysages où les gens font aussi de chaque endroit, un lieu spécial à y vivre et de ses référents sociaux tels : l'Ourit, Lalla Setti, le Mausolée de Sidi Boumediène et les grottes d'Ain Fezza, pour les Tlemcéniens, le Mémorial de l'Emir Abdelkader, Bouhanifia et le Mausolée de Sidi Kada, pour les Mascariens, le Mausolée de Sidi Lakhdar Benkhlouf et la Salamandre pour les Mostaganémois, Béni-Haoua et les plages paradisiaques pour les habitants de Ténès et de Chlef, Chréa et les gorges de la Chiffa par les Blidéens, la Casbah, le jardin d'essai, le mausolée de Sidi Abderrahmane, Notre Dame d'Afrique, le bastion 23 et l'Amirauté pour les Algérois, le Tombeau de la Chrétienne et les ruines romaines pour les habitants de Tipaza et de Cherchell, les villages typiques et solidaires de la convivialité et de la touisa, Sidi Beloua, et l'atmosphère de sérénité du Djurdjura, pour les gens de la grande Kabylie, Yama Gouraya, la Casbah pour les Bédjaouis, Ain el Fouara et le festival de Djemila pour les Sétifiens, les Grottes Merveilleuses et la Côte turquoise pour les Jijelis, le Pont suspendu, Sidi Rached et Djebel Ouahch pour les Constantinois, Stora et les plages de Collo pour les Skikdis, les ruines Romaines et les Thermes pour les Guelmis et les habitants de Souk-Ahras, le Tombeau de Massinissa et le Festival de Timgad pour les Batnéens, le Mausolée de Sidi Okba et les gorges d'El Kantara pour les Biskris, la Basilique de Saint Augustin, Séraidi et le Parc National pour les Annabis et les habitants d'El-Kala, les Fantasias et les Waadates pour les gens des Hauts-Plateaux, les Festivités du Maoussem Annabaoui pour les gens du Touat-Gourara et de la Saoura, le Ksar de Béni Izguen et la palmeraie pour les Mozabites, l'Assekrem et son coucher de soleil et le refuge du père Foucault pour les Touaregus et bien d'autres lieux et rituels aussi merveilleux et riches les uns que les autres, dans cette si belle Algérie, " carte postale " des noms et des lieux, ici évoqués. Oui ! Chacun a sa propre évaluation du bonheur ! Les gens heureux sont connectés à leurs familles, leurs voisins et leurs communautés ! Les gens heureux savent serrer les dents face à l'adversité, pour avoir compris que la vie ne peut pas être un long fleuve tranquille ! Les gens heureux sont ceux qui ne permettent pas qu'un problème dans un domaine précis ne vienne contaminer le reste de leur existence ! Les gens heureux savent que c'est bien de faire le bien et sont disposés à aider les autres ! Tout ceci pour dire, que dans le bonheur qui habite le cœur, les richesses n'occupent qu'une petite part de l'équation ! Alors ! Pourquoi ne serions-nous pas heureux, sans chercher à courir partager le bonheur des autres ! Oui le bonheur in situ est possible ! Il faut juste avoir la volonté collective d'y croire pour le construire ! * Professeur