Dans son dernier rapport, Amnesty international Algérie dresse un bilan catastrophique et fait état de «failles béantes» des droits de l'homme dans le pays. Rendu public hier, le rapport de l'ONG évoque des «restrictions croissantes à la liberté d'expression imposées en cette période préélectorale en Algérie» qui «font apparaître des failles choquantes dans le bilan global des droits humains dans le pays». L'ONG estime que les autorités n'ont pas cessé leurs «efforts visant à réduire les opposants au silence et à étouffer les troubles sociaux». «La stratégie des autorités algériennes a été d'étouffer dans l'œuf toute tentative visant à les défier ou à remettre leur bilan en question» et «montrent qu'elles ne tolèreront aucune critique publique, à quelque niveau que ce soit», a déclaré Nicola Duckworth, directrice générale chargée des recherches à Amnesty International, citée dans le rapport. Pour AI, «l'absence de débat public et les restrictions pesant sur le droit de critiquer ou de protester pour exprimer des revendications sociales ou des exigences politiques font planer le doute sur cette élection». L'ONG note que «plusieurs journalistes étrangers attendent toujours» les visas «pour se rendre sur place et couvrir l'élection» et rappelle que les ONG de défense des droits humains «tel qu'Amnesty International, se voient refuser des visas pour l'Algérie». Le rapport cite le cas «récent» et «très choquant», de «l'épouse d'un journaliste ayant couvert des manifestations d'opposition» qui «a été agressée par trois individus vêtus en civil qui appartenaient, semble-t-il, aux forces de sécurité. Ils l'auraient menacée de leurs armes et auraient exigé que son mari cesse de critiquer les autorités sur Facebook, avant de l'ébouillanter avec de l'eau brûlante». Toujours concernant les médias, AI rappelle que le mois dernier, «les forces de sécurité ont effectué une descente à Al Atlas TV, une chaîne de télévision privée qui avait critiqué les autorités dans ses émissions», avant de la forcer de «suspendre ses activités». «S'attaquer à une chaîne privée simplement parce qu'elle se fait l'écho d'opinions différentes est une atteinte répréhensible à la liberté d'expression», a déclaré Nicola Duckworth. En matière de législation, l'ONG rappelle les restrictions de la loi de 2012 sur les associations. «Un certain nombre d'associations ayant critiqué la politique du gouvernement, notamment celles œuvrant contre la corruption et les violences sexuelles, ou celles réclamant vérité et justice au sujet des disparitions forcées, n'ont pour l'instant pas été en mesure de s'enregistrer». Par ailleurs, Amnesty estime également que «les autorités algériennes n'ont pas non plus suivi les recommandations des Nations unies les engageant à combler les lacunes des lois en vigueur, qui permettent que des actes de torture et d'autres formes de mauvais traitements aient lieu. Les garanties contre la torture inscrites dans le droit algérien à l'heure actuelle sont terriblement insuffisantes», a ajouté Nicola Duckworth. A propos de la prise d'otages à l'usine de gaz d'In Amenas, de janvier 2013, Amnesty parle de «bilan lamentable des forces de sécurité». «Les forces algériennes de sécurité se sont rendues coupables de violations graves, dont des actes de torture, des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires et des détentions secrètes, au nom de la lutte contre le terrorisme. Ce bilan n'a cependant pas été pris en considération dans le cadre d'actions de coopération mises en place avec les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni dans le domaine de la sécurité», ajoute le document. Amnesty affirme qu'il «reste encore à introduire des réformes de grande ampleur pour en finir avec les discriminations et les violences dont les femmes sont victimes, mais aussi pour respecter les droits des migrants». «En dépit de nombreuses promesses de réforme, les failles béantes que présente le bilan de l'Algérie en matière de droits humains persistent, même dans les domaines que les autorités affirment avec fierté avoir améliorés. Les discriminations et violences faites aux femmes restent monnaie courante», a déclaré Nicola Duckworth.