La situation est explosive dans l'est de l'Ukraine où les russophones paraissent décidés à tenir tête au gouvernement de Kiev, issu de la «révolution de Maidan» dont ils ne reconnaissent pas la légitimité et donc l'autorité. La menace de Kiev de recourir à la force ne semble pas avoir d'effet sur ces mouvements de rébellion qui essaiment dans l'est du pays portés par des revendications oscillant entre une demande de «fédéralisation» et un rattachement pur et simple à la Russie. Kiev a annoncé une «opération antiterroriste» mais l'ultimatum qu'ils ont fixé, pour hier lundi, s'est terminé sans aucun effet. En réalité, l'Etat ukrainien n'existe plus. Les Occidentaux ont soutenu une «révolution» à Maidan qui s'est faite sur la base du clivage avec les russophones. Celle-ci provoque à son tour une autre révolte de ceux qui se sentent lésés et menacés dans leurs droits par le nouveau pouvoir. Le fait que ce pays soit devenu une ligne de fracture entre l'Occident et la Russie neutralisait la possibilité d'asseoir la «révolution» par la force. Il y avait bien un aventurisme majeur dans une «révolution» qui entraînait une rupture d'équilibre au niveau interne comme dans la situation géopolitique. Une action entraînant des réactions en chaîne avec une possibilité très forte qu'un recours à la violence dérape vers la guerre civile. L'Ukraine est bien dans cette situation. Les réactions en chaîne se poursuivent. La tentation des autorités provisoires de Kiev de recourir à la force se heurte déjà à la désintégration de fait des appareils de sécurité. Les nouvelles autorités ne faisant pas confiance aux russophones qui en ont font partie, ces appareils deviennent d'une efficacité très incertaine. Il restera l'option d'armer les « civils». Option d'autant plus dangereuse qu'elle se fera, immanquablement, sur une base ethnolinguistique. Et comme de l'autre côté on se prépare aussi à cette éventualité, on aura bien une révolution de couleur présumée «bien faite» qui débouche sur un risque de mort d'un pays. Un dialogue de sourds s'est installé entre la Russie et les Occidentaux au sujet de l'Ukraine. Les Occidentaux qui ont ouvertement joué le Maidan, présenté comme expression démocratique, refusent manifestement de comprendre que les russophones font leur « Maidan» à leur tour. Hier, ils se gaussaient de la «paranoïa» de Moscou qui voyait dans la «révolution du Maidan» un coup des services occidentaux, aujourd'hui ils ne voient de leur côté que la «main de Moscou» dans la défiance des populations russophones de l'Est. Et tout comme hier les Occidentaux houspillaient le gouvernement déchu pour le recours à la force contre les manifestants de la place Maidan, Moscou a beau jeu de dénoncer les intentions guerrières du gouvernement provisoire de Kiev contre son propre peuple. «C'est l'Occident qui déterminera si la guerre civile en Ukraine peut être évitée. ( ) Le sang a déjà été versé et il faut éviter d'urgence une nouvelle escalade», a déclaré l'ambassadeur russe Vitali Tchourkine. «Nous savons qui est derrière : seule la Russie est capable d'une telle opération dans cette région», rétorque l'ambassadrice des Etats-Unis, Samantha Power. Un dialogue de sourds alors que la situation sur le terrain se dégrade. Il est difficile de pronostiquer ce que sera l'Ukraine demain. Mais on peut constater qu'une «révolution» fondée, implicitement et souvent explicitement, sur le rejet d'une composante du pays ne peut déboucher que sur le pire.