Les choses s'accélèrent -et se dégradent- en Libye avec les violences à Benghazi et l'attaque menée par des milices alliées à l'ancien général, Khalifa Haftar, contre le Congrès national général (CNG, le Parlement de transition). Il devient superflu désormais de se demander si un coup d'Etat est en cours. La seule bonne question est de savoir s'il va réussir ou s'il va réduire la Libye en morceaux. Le général Khalifa Haftar, qui se cherche une destinée nationale libyenne après deux décennies passées en Virginie, non loin de Langley, ou siège de la CIA, est en train de mettre en mouvement tous les détenteurs d'armes en Libye. Derrière un clivage très flou entre «libéraux» et «islamistes», l'action engagée par le général Haftar fait basculer la Libye dans la guerre ouverte. Qui peut facilement se généraliser. Ce ne sont plus les milices présumées islamistes qui sont attaquées mais ce qui constitue, faute de mieux, la représentation nationale, (le Parlement de transition) ainsi que le gouvernement qui en est issu. Aujourd'hui, le coup d'Etat rampant est mené par le général Haftar, qui a obtenu le ralliement de certaines unités de l'armée avec le soutien de la puissante milice de Zenten. A Tripoli, c'est le chef de la Police militaire, le colonel Mokhtar Fernana, qui a décidé, «au nom de l'armée nationale», de renvoyer le Congrès national général. Il existe bien une velléité de coup d'Etat. Le problème est qu'il n'y a pratiquement pas d'Etat. Pas plus qu'il n'existe une armée, instrument par excellence des coups d'Etat ou de «redressement». C'est à ce niveau que la tentative menée par le général Haftar et d'autres milices pour bousculer les lignes relève de l'aventurisme le plus absolu. A moins d'être capables de prendre rapidement en mains le pays, tout recours aux armes n'est, dans le contexte libyen, qu'un facteur d'aggravation de la situation. L'action du général Haftar et de ses alliés de circonstances ne fera que détruire le peu d'Etat qui existe en Libye. On a déjà une plongée dans la guerre des milices sur fond de chaos politique généralisé. La guerre civile ne relève plus du cauchemar qu'on évoque pour qu'il n'ait pas lieu. Les calculs de cet étrange général surfant sur la lutte contre les «islamistes» et les «terroristes» semblent déjà démentis par le cours des évènements. Le chef de l'armée libyenne n'a pas hésité à permettre aux milices islamistes de se déployer dans la capitale au lendemain de l'attaque du Parlement. On est donc dans la configuration d'une guerre des milices, plus tribales qu'idéologiques, et non dans une remise en ordre. Sans surprise, on retrouve la milice de Misrata dans le camp opposé à celle de Zenten. Dans le schéma visible, c'est une bataille entre «libéraux» et «islamistes». Mais la réalité est plus prosaïque, c'est la Cyrénaïque avec ses velléités d'indépendance contre l'Ouest. Le général Haftar s'appuie sur les milices d'Ibrahim Jadhran qui bloquent les terminaux pétroliers du pays. Certains évoquent surtout un rôle souterrain de l'Egypte du maréchal Sissi en guerre contre les islamistes égyptiens et qui ne verrait pas d'un mauvais œil l'action de Haftar. Pour prendre le pouvoir en Libye ou, à défaut, de pousser à la création d'une Cyrénaïque «indépendante» de Tripoli mais très liée au Caire. En Libye, tous les scénarios du pire sont permis.