Ecrire encore et toujours sur Ghaza, c'est le risque de vomir ses propres mots, revenir sur un décompte macabre qui ne veut plus s'arrêter et insister sur les mêmes condamnations sans équivoques mais ô combien stériles. Ne plus parler des martyrs de Ghaza, des enfants et des femmes assassinés, de tout un peuple qu'Israël extermine en toute impunité équivaut à un silence douteux frère des silences complices des médias occidentaux. Hormis une poignée d'irréductibles défenseurs de la démocratie et de pourfendeurs de la politique génocidaire de Tel-Aviv, rares sont les voix discordantes qui viennent remettre en cause la version officielle de l'Etat sioniste pour justifier un massacre à échelle industrielle. Edwy Plenel fait partie de ces gens qui ont le courage de leurs opinions et qui se font entendre malgré toutes les pressions, surtout économiques, qui accompagnent une telle démarche. Le patron moustachu de Médiapart a accusé François Hollande d'avoir égaré la France. Dans une lettre adressée au chef de l'Etat, l'ancien directeur de la rédaction du quotidien Le Monde stigmatise la position de la France de Hollande et de son «alignement préalable sur la droite extrême israélienne» qu'il compare, à juste titre, à la France de Guy Mollet qui a fini par perdre la gauche. «C'était, dans les années 1950 du siècle passé, celui de l'émergence du tiers-monde, du sursaut de peuples asservis secouant les jougs colonisateurs et impériaux, bref le temps de leurs libérations et des indépendances nationales», écrit Plenel. Le parallèle entre ces deux politiques, que plus de cinquante ans séparent, est cet entêtement à travestir l'Histoire du moment, à s'engouffrer jusqu'à arriver dans une impasse dans le déni de réalité. Plenel renvoie Hollande à son propre livre écrit en 2006 «Devoirs de vérité», où il affirme que la gauche française a vécu vingt-cinq ans de «pénitence», parce que la SFIO, l'ancêtre du PS, «a perdu son âme dans la guerre d'Algérie». La convergence est toute trouvée puisqu'en 2014, une autre guerre, si l'on peut appeler le massacre d'une population civile comme tel, risque à force d'assimiler cette solidarité pro-palestinienne à de l'antisémitisme maquillé en antisionisme. Plenel avertit Hollande de cette voie où il s'est engagé lui prédisant dans le meilleur des cas de ne gagner que le déshonneur politique en perdant «à coup sûr» la France. Dans son réquisitoire, le journaliste reproche à Hollande sept péchés capitaux, si on peut résumer ainsi la liste non exhaustive des fautes «stupéfiantes» accumulées par le locataire de l'Elysée «face à ce énième épisode guerrier provoqué par l'entêtement du pouvoir israélien à ne pas reconnaître le fait palestinien». Parmi cet inventaire, un alignement aveugle sur la droite israélienne qui cohabite avec «une extrême droite explicitement raciste, sans morale ni principe, sinon la stigmatisation des Palestiniens et la haine des Arabes». Plenel reproche à son pays d'avoir trahi la «position traditionnellement équilibrée de la France face au conflit israélo-palestinien». Il s'attaque ensuite à cet amalgame créé et entretenu entre antisémitisme et antisionisme. «Assimiler l'ensemble des manifestations de solidarité avec la Palestine à une résurgence de l'antisémitisme, c'est se faire le relais docile de la propagande d'Etat israélienne», écrit-il encore. Il qualifie également d'«indigne» et de «ridicule» le comportement de Valls, le grand ami d'Israël, qui avait brandi cet argumentaire «aux cérémonies commémoratives de la rafle du Vél' d'Hiv', symbole de la collaboration de l'Etat français au génocide commis par les nazis». Il dénonce aussi une atteinte sécuritaire aux libertés fondamentales en interdisant les manifestations populaires pro-palestiniennes. Notre propos n'est pas de rapporter en intégralité cette lettre courageuse, mais de dire qu'il existe encore des hommes et des femmes de par le monde qui n'ont pas peur de dénoncer la politique d'Israël malgré tous les dangers que cela peut représenter. Malheureusement des Edwy Plenel n'existent pas ou peu dans le monde arabe et musulman qui est le nôtre, qui doit avoir le courage moral et la volonté politique de rééquilibrer les forces quitte à ce qu'une troisième guerre mondiale éclate.