La saison estivale touche à sa fin avec un arrière-goût amer, fruit de l'inconcevable anarchie qui a prévalu sur les plages où l'informel a régné en maître. L'incivisme de la part de pseudo-estivants a contribué en grande partie à ce triste constat, en poussant le bouchon encore plus loin. « Le beau paysage de la côte s'est malheureusement réduit en une peau de chagrin. La fin de la période estivale reflète incontestablement l'image des dégâts laissés par un typhon qui a tout balayé sur son passage. Rien ou peu a été fait pour tenter de juguler cette catastrophe », a déploré, exaspéré au plus haut point, un vieux riverain du chef-lieu de la daïra d'Aïn El Turck. La visite d'inspection, très tardive en fait, effectuée jeudi par les membres de la commission de la direction du tourisme, semble plutôt s'inscrire sur le volet constat des lieux et inévitablement des dégâts causés par la négligence, la complaisance, ainsi que le laisser-aller, qui ont conduit à une situation de pourrissement ayant atteint son extrême limite. Le rush aoûtien des estivants, venus en force des différentes contrées du pays et de l'étranger, n'a finalement pas été géré conformément aux règles élémentaires. Les estivants semblaient livrés, pieds et poings liés, au diktat des exploitants de solariums illicites, des gardiens de parkings, des gérants d'établissements hôteliers, de lieux de villégiature et autres de restauration, ainsi que ceux des activités commerciales liées à cette période, entre autres, qui ont imposé leur propre loi, chacun dans son domaine. Dans cette anarchie, qui ne dit pas son nom, tous les coups étaient permis, même la profération de menaces de représailles à peine voilées, pour saigner à satiété l'estivant. Les gendarmes et les policiers ont eu à intervenir à plusieurs reprises sur les plages pour mettre un terme à des batailles rangées, pour l'accaparation d'espaces destinés à l'installation de solariums, ayant opposé des bandes rivales et au cours desquelles des armes blanches de différentes dimensions ont été utilisées par les belligérants, qui auront fait pâlir de jalousie les gladiateurs de la Rome antique. Ce malheureux état de fait a poussé nombre de responsables de famille, choqués, ayant assisté à ces duels d'escrime, à écourter leur séjour. « Ils étaient des dizaines de jeunes et moins jeunes armés jusqu'aux dents à s'être affrontés sur la plage, dès l'ouverture de la saison estivale, pour s'accaparer des espaces pour installer leurs parasols, leurs tables et autres tréteaux de fortune pour vendre des sandwichs et autres produits alimentaires. Il a fallu l'intervention énergique des forces de la Gendarmerie nationale pour maîtriser la situation. Cependant, de nombreux estivants, consternés au plus haut point, qui étaient présents sur les lieux de cette bataille, ont préféré mettre un terme à leur séjour », a déploré un commerçant de la petite localité des Coralès, sur le territoire de la commune de Bousfer. Le calice a été bu jusqu'à la lie par les estivants avec l'augmentation unilatérale des prix de produits à large consommation, qui s'est manifestée dès l'entame du mois en cours pour atteindre graduellement les pics les plus élevés dans les communes côtières de la daïra d'Aïn El Turck, notamment dans les localités situées sur le territoire du chef-lieu et ce, en violation des règles élémentaires en vigueur du code du commerce. Cette infraction, très répandue, a été relevée chez les établissements dont les activités commerciales sont directement liées à la période estivale. ENTRE «RACKET» ET MARCHE INFORMEL L'informel, qui s'est accaparé de larges espaces sur les plages et leurs abords immédiats, a également profité de cette aubaine. Dans cette cohue, il est utile de noter que les agissements des gérants de solariums, installés sur les plages des localités côtières essaimées à travers le territoire de la daïra d'Aïn El Turck, n'ont pas hésité à exiger entre 600 et 1.200 dinars de droits d'accès, ce qui a surpris le plus imperturbable des estivants. Cependant, la nouveauté s'identifie à travers la taxation illégale de la mise à l'eau des embarcations par les gérants de ces solariums, qui oscille entre 2.000 et 2.500 dinars pour les glisseurs et autres bateaux et entre 1.000 et 1.500 dinars pour les jet-skis. En effet, il a fallu aussi débourser de l'argent pour prendre la mer sur une embarcation à partir de n'importe quelle plage de cette daïra côtière. Ceci s'est ajouté évidement aux droits du parking pour les véhicules tractant des embarcations. Les gardiens exigent aussi 150 dinars, voire jusqu'à 300 dinars à certains endroits pour la voiture et 150 autres dinars pour l'embarcation. Le long du boulevard longeant le site des Andalouses et les parkings de Bomo-Plage, les lieudits L'Etoile et La Grande, entre autres, le droit de stationner est fixé à partir de 200 dinars, et le soir c'est carrément le double. « Le plus aberrant, cependant, est l'accaparation de pratiquement tout l'espace des plages, en violation des notifications du cahier des charges, par les solariums autorisés et/ou clandestins et ce, à tel point que pour fouler le sable nous devons mettre la main à notre proche. Bien sûr, l'idée d'installer notre propre équipement de plage est vite repoussée, lorsque les exploitants des solariums, des individus au louche acabit, vous le font comprendre à leur manière », a déploré un quinquagénaire, vraisemblablement dépité, venu sur cette côte en famille de la ville de Mascara pour respirer l'air iodé et goûter aux bienfaits que procure une journée ensoleillée au bord de la mer. Des témoignages similaires ont été formulés par la plupart des estivants abordés à ce propos. Quant aux locations, pour les résidences huppées (villas et autres) il faut compter entre 30 et 60 millions de centimes pour un mois. Pour le reste, la nuitée se négocie entre 5.000 et 18.000 dinars, selon l'endroit et la qualité de la résidence, de l'hôtel ou du complexe touristique. « C'est plus cher qu'en Espagne, par exemple, dira un estivant établi en France, sachant qu'une maison moyenne en zone touristique en Espagne s'est vendue à moins de 20.000 euros, il n'y a pas longtemps». Selon des sources concordantes, cette anarchie, qui ne dit pas son nom, a poussé le chef de l'exécutif à effectuer au début du mois en cours une visite surprise dans cette daïra et ce, après le compte rendu établi par une commission de l'APW. Le wali a donné des instructions strictes à ce sujet et a mis en garde contre toute infraction aux règles de l'hygiène alimentaire, notamment les activités liées à la saison estivale et plus particulièrement la commercialisation des glaces. Malheureusement, les commerçants n'ont fait qu'à leur tête, sans que personne n'ait osé crier au scandale. Ce triste constat a poussé un ancien habitant de la commune d'Aïn El Turck à conclure qu'il « ne fait plus bon de vivre dans notre région côtière ». Des déclarations similaires ont été formulées par d'autres riverains de cette partie de la wilaya, qui ont évoqué également, avec une pointe de nostalgie, les beaux panoramas dont jouissaient cette côte, obstrués depuis par le béton. Beaucoup reste à faire, notamment en matière de lutte contre les actes d'incivisme et d'atteinte aux mœurs, pour tenter, un tant soit peu, de redorer le blason de cette région côtière qui n'avait rien à envier, dans un passé encore vivant, aux stations balnéaires de renom du Vieux Continent. Rappelons que la direction du tourisme a lancé une opération d'inspection, quoique un peu tardive, des différents établissements hôteliers et infrastructures touristiques de la wilaya. Selon le chef de service du tourisme de la direction du tourisme et de l'artisanat de la wilaya d'Oran, une commission mixte composée d'inspecteurs du commerce et du tourisme sillonne les communes côtières afin de traquer et déceler les éventuelles anomalies et autres pratiques ne cadrant pas avec les normes requises édictées par le ministère du Tourisme. Les membres de cette commission de contrôle ont aussi pour mission de vérifier l'application du plan de qualité et recenser les structures qui ont adhéré à ce programme. Aussi, sur instruction du wali, trois commissions du tourisme et de l'artisanat ont été installées le mois dernier pour le suivi et la sensibilisation durant la saison estivale dans les communes côtières de la wilaya. Ces commissions d'inspection, deux à la corniche Ouest et une à la corniche Est, sont composées du chef de daïra et du président d'APC de la commune côtière concernée, d'un élu local et autres membres dont des officiers de la Gendarmerie nationale. Pour la saison estivale 2013, Oran a été classée première sur les 14 wilayas côtières du pays. Toutefois malgré ses résultats, beaucoup de contraintes restent à lever. Le rapport sur la saison estivale de la commission du tourisme de l'APW a été accablant, il relève, comme toujours, l'exploitation anarchique des plages à travers la corniche oranaise. Notons que la Protection civile de la wilaya d'Oran a enregistré plus de 5,6 millions d'estivants dans les plages depuis le début de la saison estivale qui avait connu trois morts par noyade alors que près de 550 personnes ont été sauvées. Quatre millions ont été enregistrés durant ce seul mois d'août.