Le gouvernement libyen, installé à Tobrouk dans l'est du pays pour des raisons sécuritaires et n'ayant aucune emprise sur le pays, a reconnu hier, sans les nommer, que les milices armées contrôlent désormais les sièges des ministères et des services publics dans la capitale Tripoli. Dans un communiqué rendu public dans la nuit de dimanche à lundi dernier, le gouvernement de Abdallah al-Theni a précisé que ces milices empêchent, sous la menace, les services de l'Etat de fonctionner dans la capitale libyenne. Le chef du gouvernement fait certainement allusion aux miliciens islamistes de «Fajr Libya» venus majoritairement de Misrata (est de la capitale) qui ont pris l'aéroport de la capitale des mains de leurs rivaux nationalistes de Zenten (ouest) après dix jours d'intenses combats qui ont vu l'intervention d'avions de chasse émiratis pilotés par des Egyptiens, selon la version des miliciens islamistes, dans l'enceinte aéroportuaire. Contrôlé par les miliciens nationalistes de Zenten depuis la chute du régime de Kadhafi en 2011, la perte de l'aéroport, situé à 30 km au sud de la capitale, est l'un des plus sérieux revers pour les alliés de Hafter. Rappelons que M. Theni avait accusé, aux lendemains de la prise de l'aéroport, les hommes de «Fajr Libya» d'avoir incendié et pillé sa résidence dans le sud de Tripoli. Depuis la chute de Kadhafi, des dizaines de milices formées d'ex-rebelles, dont nombre d'islamistes, font la loi dans le pays s'entretuant pour le contrôle des villes stratégiques et des puits de pétrole. Par ailleurs, et réagissant à l'information de l'occupation de son ambassade à Tripoli, l'ambassadrice américaine Deborah Jones, réfugiée à Malte depuis l'évacuation le 26 juillet dernier de l'ensemble du personnel diplomatique de l'ambassade, a précisé que seule une annexe résidentielle semble avoir été prise par des miliciens. De son côté, un porte-parole de la faction, la «Brigade Al-Halbous», a démenti tout envahissement du complexe de l'ambassade américaine par ses hommes, expliquant leur présence dans l'annexe «pour le sécuriser» et empêcher tout éventuel pillage. Au plan politique, les milices de «Fajr Libya», forts de leurs succès militaires, ont annoncé leur intention de former un gouvernement parallèle à Tripoli après avoir remis en selle l'Assemblée sortante, le Conseil général national (CGN), dont le mandat a théoriquement expiré avec l'élection du Parlement le 25 juin dernier. Cette bataille autour de l'aéroport de Tripoli a précipité dans la tourmente le processus de transition politique attendu en Libye avec la contestation ouverte de la légitimité du Parlement élu et du gouvernement provisoire par les islamistes qui les accusent d'être complices des raids aériens ayant visé leurs miliciens. Les islamistes de «Fajr Libya» ont ainsi retiré leur confiance aux deux instances dirigeantes et ont demandé, dans ce contexte, au CGN de reprendre du service pour «défendre la souveraineté» du pays. Le CGN, dominé par les islamistes, a tout de suite convoqué ses membres à se réunir d'urgence à Tripoli. Le Parlement libyen a réagi, quant à lui, en qualifiant de «terroristes» Fajr Libya et les djihadistes d'Ansar Charia, qui contrôlent 80% de la deuxième ville de Libye, Benghazi, dans l'Est. «Ces deux groupes sont une cible légitime pour l'armée nationale, que nous soutenons avec force pour qu'elle continue sa guerre jusqu'à les contraindre à cesser les tueries et à remettre les armes», a souligné le Parlement dans un communiqué. Dans ce contexte, la rentrée scolaire programmée pour dimanche dernier n'a pas pu se dérouler normalement. Elle a été reportée à Benghazi pour des raisons de sécurité et à Misrata à cause de l'état dégradé des écoles tandis qu'à Tripoli, peu d'élèves sont retournés à l'école à cause de l'insécurité régnante.