Passé l'effroi et la stupeur des premières heures qui ont suivi le terrible assassinat du randonneur français, l'Europe a compris le piège tendu par les terroristes : la peur et une guerre des religions sur son sol. La mobilisation est générale contre l'hydre terroriste. L'odieux assassinat dans les montagnes du Djurdjura du randonneur français, Hervé Gourdel, par des monstres sanguinaires se revendiquant de l'organisation de l'Etat islamique (EI), a provoqué, en Europe, une triple réaction, allant de la stupeur et l'effroi, au questionnement sur la nature du terrorisme perpétré, au nom de l'Islam. Dès mercredi soir, les chaînes de télévisions ouvraient leurs «Unes» sur l'événement tragique, repris par la presse du soir et du lendemain. Les débats se succédaient sur les plateaux de télés et les réseaux sociaux, explosaient, sous le flux de messages et commentaires de citoyens : des messages d'indignation, de solidarité mais aussi de colère et d'interrogation, sur la place de l'Islam, dans les sociétés modernes. Perplexe, la rue européenne observe et regarde, désormais, avec une plus grande inquiétude, plus à l'Est, vers la guerre qui se déroule au Moyen-Orient et découvre que cela la concerne aussi. Puis, dès jeudi, une autre perception de l'effet de l'attentat, commis en Algérie, se manifeste dans l'opinion publique : que cherchent les terroristes, en diffusant la vidéo de l'insoutenable scène du sacrifice d'Hervé Gourdel ? Semer la peur et l'effroi, bien sûr. La réponse est venue des officiels : les gouvernements européens ont, dans leur ensemble, relevé le niveau d'alerte contre des attentats terroristes, d'un cran. Passant du niveau 1 ou 2, au niveau 3, selon les pays, sur des échelles variant entre 4 et 5 niveaux. Autrement dit, un niveau d'alerte moyen. Parallèlement, les médias ont mis, en évidence, tout l'arsenal de prévention élaboré, ces dernières semaines, par les Etats : surveillance accrue des cibles suspectées de proximité avec les courants radicaux de l'Islam ; renforcement des contrôles aux frontières internes et externes de l'Europe ; intensification de la surveillance des réseaux sociaux suspects ; mobilisation des responsables musulmans pour sensibiliser les jeunes tentés par la violence et dans certains pays, tels la Belgique, recrutement d'éducateurs de rues, dans les communes, à forte présence de communauté musulmane, etc. Une batterie de décisions pour contrecarrer l'activisme «clandestin» des radicaux islamistes. Enfin, au soir de jeudi et vendredi matin, la rue européenne semblait revenir, à plus de calme, de «maîtrise» de la situation, évitant de tomber dans une paranoïa de la terreur, recherchée par les terroristes et surtout évitant de verser dans l'amalgame et la condamnation, systématique, de la communauté musulmane, vivant en Europe. Et c'est, sans doute, la meilleure réponse à l'horrible crime commis contre Hervé Gourdel. De leur côté, les responsables des associations musulmanes sont montés, enfin, au créneau pour crier, de toute la force de leur foi, leur indignation et leur colère, face au crime commis au nom de l'Islam. En France, une déclaration du collectif des associations musulmanes, exceptée l'Organisation islamique de France (OIF), a été publiée, dans la presse écrite, avec ce titre interpellant : «Nous sommes aussi de sales Français». Sur les réseaux sociaux, une campagne, partie de Grande-Bretagne, a relié des dizaine de milliers de citoyens musulmans avec le slogan : «Pas en mon nom», entendez le crime. Vingt-quatre heures, après le crime contre Hervé Gourdel, l'effet escompté par les tueurs terroristes, celui de provoquer la haine en Europe contre les musulmans, s'est retourné contre les auteurs du crime : l'opinion publique européenne, exceptés quelques «nids de racistes» minoritaires, manifestait sa compréhension de l'immense douleur de la majorité des musulmans prise en otage par la secte de barbares sanguinaires, commettant des crimes en son nom. Une autre conséquence, et qui tardait à venir, concerne les responsables et intellectuels musulmans eux-mêmes : ils ont décidé d'investir le champ du débat politique et intellectuel, sur le phénomène terroriste, semé au nom de l'Islam. Trop souvent et à raison, cette classe de musulmans s'est tenue à l'écart du débat sur cette question ou s'est peu prononcée ou n'a pas su convaincre de l'irrationalité et l'hérésie de la violence commise au nom de l'Islam. A sa décharge, il faut l'admettre, sa marginalisation par les médias européens et quand elle est invitée, le préjugé est si ancré dans la tête de ses contradicteurs qu'elle peine à convaincre de sa bonne foi. La martyre d'Hervé Gourdel a marqué les consciences des «êtres humains» et annonce, espérons-le, une alliance de toutes les croyances ou non croyances, contre cette secte de monstres tueurs, là où elle se manifeste.