Le ministère de l'Agriculture vient de lancer une nouvelle mise en garde contre le détournement des terres agricoles, ainsi que des parcelles de terres en zones forestières, dites terres enclavées, à des fins de construction. Cette mise en garde, rendue publique sur le site du ministère sous la forme d'une circulaire envoyée aux directeurs de l'Office national des terres agricoles (ONTA), aux conservateurs des forêts, aux directeurs de wilayas de l'agriculture et aux présidents des chambres de l'agriculture, fait référence à un bilan accablant réalisé par les services du ministère. Et, en particulier, la tendance dangereuse et préoccupante de la distraction des terres agricoles et leur détournement pour des raisons de construction et d'urbanisation. «Les bilans établis dans le cadre des opérations de déclassement des terres agricoles, révèlent, d'une manière claire, une consommation effrénée et sans précédent des terres agricoles à des fins d'urbanisation et d'industrialisation et ce, au mépris, des dispositions législatives et réglementaires en la matière», relève la circulaire qui évoque, face à ce phénomène, «le recours à des poursuites judiciaires à l'encontre des contrevenants». Le ministère de l'Agriculture, devant la généralisation des détournements des terres agricoles, avertit que «si cette tendance venait à être maintenue, la situation risque inévitablement de porter préjudice aux efforts déployés par notre pays dans le domaine de Ia sécurité alimentaire durable». L'Algérie, dont la superficie agricole utile est d'environ 8 millions d'hectares (3,5% de la superficie totale), dont 700.000 hectares seulement en irrigué, ne dispose pas en réalité de grandes superficies agricoles, ni de zones forestières importantes pour faire face à des besoins en nourriture de plus en plus pressants, croissants et diversifiés. Le ministre accuse ainsi «des pratiques condamnables de détournement de la vocation agricole des terres et, par conséquent, par la violation des lois et règlements de la République en recourant par des solutions de facilité et une légèreté sans précédent dans Ia distraction des terres agricoles, souvent parmi les plus fertiles, voire même irriguées ou plantées». Le ministre donne ainsi des instructions fermes aux conservateurs des forêts et des directeurs de wilaya de l'agriculture pour veiller à la protection des terres agricoles et éviter les manoeuvres de détournements. Cette circulaire du ministère de l'agriculture vient en fait à un moment où les terres agricoles les plus fertiles du pays sont soumises à une grosse pression autant en matière d'urbanisation que dans leur affectation à la création de zones industrielles dans plusieurs wilayas. Le phénomène de la distraction des terres agricoles, et plus spécifiquement des surfaces forestières, un phénomène moins visible, est en réalité devenu alarmant. Ceci peut être facilement constaté dans certaines wilayas, agressées par le béton et le détournement de la vocation des terres agricoles vers l'urbanisation et la construction. Il s'agit là notamment des anciennes terres appartenant aux ex-EAC et EAI, détournées et bradées, ainsi que l'affectation non réglementaire de surfaces forestières proches de la côte à des fins de constructions de chalets et cabanons. Dans certaines wilayas du centre-ouest, il y a tout simplement une occupation illégale de terrains forestiers par des indus occupants qui y ont construit des villages entiers, parfois des chalets «les pieds dans l'eau». Il y a certes, la distraction de terres agricoles, et parmi les plus fertiles du pays, comme celles de la Mitidja, et qui ont été réservées à la réalisation de logements dans le cadre de l'AADL, à Bouinan plus exactement, une zone agricole, montagneuse et d'élevage dans la wilaya de Blida, ainsi qu'à Oued El Kerma, près de Birkhadem, à Alger où un opérateur chinois est en train de construire un ensemble de logements sociaux et locatifs pour le compte de l'OPGI d'Hussein Dey (wilaya d'Alger). Juste une précision dans ces cas-là : une instruction du Premier ministre datée du 19 avril 2010 sous le N.01 autorise la distraction de terres agricoles pour les besoins de réalisation d'équipements publics, mais sous des conditions «draconiennes», dont celle du «recours à des assiettes foncières à vocation agricole ne peut être envisagé que lorsque toute autre option de choix de terrain non agricole n'est possible, en raison de son indisponibilité». Par ailleurs, la circulaire du ministère de l'Agriculture explique que «toute saisie de terres agricoles à des fins d'urbanisation ou d'industrialisation doit obéir à des règles strictes et ne doit s'opérer, à l'avenir, qu'avec l'aval des services centraux du ministère de l'Agriculture». Le ministère rappelle en outre qu'à la suite d'une décision du gouvernement mise en oeuvre depuis 2011, l'affectation de terres agricoles au profit des projets de développement se fait par décret. Dès lors, «les autorités locales sont appelées à faire de la sauvegarde des terres agricoles une priorité, une mission qui nécessite l'adhésion de toutes les parties concernées». Selon le ministère, 150.000 hectares ont été détournés de leur vocation agricole depuis l'indépendance.