Dans la maison de l'UGTA, des portraits. En mode gris, presque vieillis, pauvres et chétifs, les portraits de Aïssat Idir le fondateur de l'Union et celle de Benhamouda, le premier assassiné. Et au beau milieu, énorme, indécent par ses proportions, ridicule par son emphase, le visage de Sidi Saïd. Mangeant tout l'espace du cadre. Un peu plus loin, le même Sidi Saïd à côté de ses ancêtres syndicaux. Mais là où les deux premiers ont des portraits en papier, le sien est en métal, en rond, énorme comme une pièce d'argent du pays des géants. A la façon « Massinissa » comme l'a qualifié un ami. Pourquoi parler de ces précieuses ridicules du 4ème mandat et ses déclinaisons? Parce qu'il s'agit d'un étrange souffle à Alger : le désir d'être Roi. Le Quatrième mandat de Bouteflika est curieusement le 5ème mandat possible d'une dizaine de candidats rampants. Le portrait gonflé de Sidi Saïd est une tendance esthétique des fins de règnes dans la vie des pays. Au moment où le Roi est malade, son harem a toujours tendance à la féodalisation. Le Roi est faible et donc chacun se dessine, dans son territoire, comme un Roi ou une sorte de seigneur propriétaire des fermes. L'Alger de ces jours est donc traversé par une étrange passion chez certains : être l'héritier de Bouteflika. Le « Pourquoi pas moi ? » mêle à la fois astrologie, ambition, vantardise risible et portraits à la Massinissa assis. C'est ce qu'on raconte d'un ministre qui voulait sa propre police, d'un policier qui veut être Président ou d'autres qui, sourdement, manœuvrent dans le dos de l'Assis pour réunir soutiens et adhésions tout en surveillant le fax et les délateurs. Le temps de la régence est toujours fascinant du point de vue de l'intrigue. La logique profonde est que « ce peuple qui a voté pour une photo, peut voter pour moi ». Une conviction lourde, aveugle, méprisante mais prégnante. On est vraiment dans le bien-vacant. Et la fin de l'Etat se voit autant dans la bousculade des policiers mutins au portail de la Présidence que dans cette tendance monarchiste du Roi Sidi Saïd et son impudence et portraits en bronze compensatoire. Ce dernier n'est qu'un détail mais il est le détail de cette inflation qui aujourd'hui prend le palais pour une pantoufle et le pays pour un terrain vague avec un drapeau et un puits. Donc Sidi Saïd en Massinissa et les autres en Bouteflika, Boumediene, Abane ou l'Emir Abd El Kader ou son cheval. Il y a même un ministre célèbre pour son amour de la fanfare qui est désigné comme Jésus par ses pairs : pour sa façon de marcher sans toucher terre et d'annoncer son règne imminent. Retour au portrait de Sidi Saïd en Roi : à voir au siège de l'UGTA. La chronique étant publiée sans photo.