Comme tous les membres du gouvernement, Amar Ghoul aime bien les chiffres et en donne beaucoup dans cette interview. Mais il en a un qui donne à réfléchir sur l'état des «lourdeurs» d'Air Algérie dont il en annonce l'impérative restructuration sinon, dit-il, «la compagnie ne pourra plus bouger». Le Quotidien d'Oran : Vous êtes ministre des Transports depuis un an, qu'est-ce qui continue à vous tenir à cœur ? Amar Ghoul : Tout. Je tiens à vous donner le bilan d'une année d'un secteur dont les projets étaient nombreux mais aucun n'avait été réalisé. Un secteur pour lequel nous avons organisé en décembre dernier les grandes assises des transports et tenu durant l'année 17 rencontres spécialisées pour examiner et appliquer les recommandations retenues. Nous nous sommes penchés tout de suite sur l'état du transport maritime et portuaire et pris l'engagement de lancer concrètement son programme d'investissement pour le renforcement et la modernisation de ses capacités. Il fallait concrétiser le contrat d'achat des 27 bateaux (25 pour la marine marchande et 2 pour le transport de voyageurs) pour un montant de 120 milliards de dinars. L'objectif est de récupérer d'ici à 2020, 25% du fret maritime de marchandises au profit du pavillon national. D'ici à la fin de l'année, nous aurons reçu 6 bateaux et les autres le seront durant l'année 2015-2016. La ligne maritime Skikda- Gênes (Italie) a été ouverte. Nous avons aussi lancé le transport maritime urbain par la mise en service de la desserte Alger (la Pêcherie)-El Djamila (La Madrague), et consolider le dossier d'engagement pour la réalisation à Cherchell d'un grand port régional méditerranéen. Nous avons procédé au lancement de l'extension du port d'Alger et de Djen Djen, engagé le programme du guichet unique électronique à travers le lancement de 5 opérations pilotes au niveau des ports, et celui de la réalisation de 4 gares maritimes. D'ailleurs, le transport maritime national a enregistré en 2014 des chiffres importants par rapport à 2013 à raison d'une évolution globale de +5,28%, le trafic hors hydrocarbures a augmenté de +10,63% en raison de l'augmentation des importations des équipements pour la réalisation des nombreux chantiers et aussi l'exportation de certaines marchandises. Le transport hydrocarbures a augmenté de 2,95% parce qu'on exporte plus en volume, les carburants a eux seuls ont enregistré +11%. Le chiffre d'affaires total des ports a augmenté de +4%. Le temps d'attente des bateaux en rade a diminué de -22% parce qu'on s'organise mieux et on a de nouveaux équipements pour un déchargement rapide des marchandises. Le temps moyen de séjour à quai a diminué à -13%. Pour le transport aérien, nous avons pris en charge le programme d'acquisition des 16 aéronefs (8 Boeing, 3 Airbus, 3 ATR, 2 cargos aménagés pour un montant de 70 milliards DA) pour renforcer les capacités d'Air Algérie, avec en face le lancement des travaux de l'extension de l'aérogare internationale d'Alger. Le programme du gouvernement a aussi retenu la qualification de 20 aéroports internationaux en système ILS (possibilités d'atterrissage en toutes conditions), il y a eu l'ouverture de nouvelles lignes domestiques ainsi que 20 autres à l'international. La compagnie nationale Tassili Airlines est engagée pour la première fois sur le domestique et l'international. Au titre du transport urbain, on a réceptionné la télécabine Oued-Koriche-Bouzaréah et Bab El Oued-Zghara. 5 autres ont été retenues pour d'autres wilayas comme Tizi Ouzou, Médéa et 2 sont en étude pour Tissemsilt. Nous avons mis en marche le tramway d'Alger, engagé trois extensions de son métro et lancé les travaux de 6 tramways dans d'autres wilayas. Les chemins de fer connaîtront la réalisation de 2000 km et la SNTF a acquis 17 autorails (120 milliards DA) pour desservir les grandes lignes en plus de 20 trains électriques et 50 locomotives. Le transport routier de voyageurs bénéficie d'une vaste opération de réorganisation soutenue par la réception et l'engagement de réalisation de 200 gares routières. Le Sud n'a pas été du reste puisque il bénéficie de projets de trams (comme Ouargla) et engagement a été pris pour la réalisation l'une des plus importantes-, à Tamanrasset du CCR (Centre de Contrôle Régional). Q.O.: Vous reconnaissez que ce sont d'anciens projets qui avaient été mis dans les tiroirs. Qu'est-ce qui a fait que dès votre arrivée, vous avez pu les en sortir et mis à exécution ? A. Ghoul : Nous avons décidé d'insuffler une nouvelle dynamique de coordination et d'organisation du secteur. Nous avons donc installé une commission nationale de suivi pour chaque sous-secteur, mis les dossiers au point, levé toutes les réserves en associant les autorités locales et des bureaux d'études, aplani la quasi-totalité des différends. Les assises que nous avons tenues du 3 au 5 décembre 2013 nous ont permis de lever pas mal de contraintes parce que nous avons mis face à face tous les concernés et situé les responsabilités de chacun d'entre eux. Pour chaque dossier, un planning a été établi avec à l'appui un ultimatum pour sa réalisation Q.O.: Ceci n'a pas empêché que dans la réalisation de plusieurs de ces projets, les cafouillages n'ont pas manqué ? L'ouverture de la ligne maritime urbaine en a été noyée A. Ghoul : on reconnaît que cette ligne, qui est une opération pilote, a été comme «assiégée» par le nombre important des passagers qui ont tenu à la prendre dès son ouverture. Mais il faut admettre que c'est par pure curiosité, tout le monde voulait essayer cette nouveauté, l'engouement avait dépassé toute attente. C'est le meilleur test de faisabilité et de besoin du marché que l'on a pu avoir. Nous avons d'ailleurs inscrit un programme de nouvelles liaisons maritimes urbaines pour chaque «port» de la capitale et de ses environs. Nous nous engageons à le réaliser à très court terme. Alger-Tipaza est la première liaison pour laquelle on a fait des prospections en vue de lui construire des gares et lui établir des dessertes. On est au stade de la construction des infrastructures d'accueil comme pour relier les Sablettes, Lido, Pins maritimes, Tamentfoust, Aïn Benian, Raïs Hamidou, Sidi Fredj, Bouharoun, Tipaza avec en fin de boucle d'établir la ligne Cherchell-Dellys. L'étude a été lancée pour Aïn Taya-Alger-Boumerdès, c'est la première phase du programme. En parallèle, des études vont être lancées au profit d'autres wilayas côtières (Oran, Annaba, Skikda, Bejaïa ). La 2ème phase consistera en la création d'un transport maritime inter-wilaya. Q.O.: Vous savez que ce genre de transport n'est pas nouveau puisque Alger avait un aéroglisseur qui la reliait aux Pins maritimes (la Safex). Pourquoi avoir pris tout ce temps pour le réhabiliter ? Avez-vous fixé des échéances pour la réalisation de ce programme ? A. Ghoul : C'est un programme qui sera doté d'équipements modernes En 2015, nous aurons 5 bateaux pour desservir Alger et ses environs, en 2016-2017, on aura relié Alger à Boumerdès et à Tipaza. Q.O : Et le reste ? A. Ghoul : Il se fera en parallèle. Q.O.: Si les transports (toutes catégories confondues) acquièrent ainsi de la performance, pourquoi l'aérien et même le terrestre ont-ils vécu de terribles accidents ? A. Ghoul : Toutes les enquêtes sont en cours. Mais je tiens à relever qu'à ce jour, aucun appareil de l'aviation civile algérienne n'a eu d'accident. Ceux qui ont eu lieu au Mali et à Tamanrasset, le premier est espagnol et le second ukrainien. Q.O : On se rappelle du terrible accident d'Air Algérie qui a eu lieu à Tam il y a quelques années dans lequel des analystes ont mis en avant la configuration de la piste qui ne facilite pas les mouvements des avions. A. Ghoul : Ce n'est pas vrai quand on compte les rotations qui se font au niveau de cette piste. Il est vrai qu'à vol d'oiseau, la piste fait face à des petits monticules mais par rapport à celle de Constantine, ce n'est rien du tout. Une telle analyse n'est pas fondée. Chaque accident a ses spécificités, selon l'appareil, son état, son entretien, le personnel de cabine, le climat, la navigation, les infrastructures, le poids par rapport à la destination, le respect de la réglementation de l'aviation civile internationale En général, c'est rare que l'accident soit lié à un seul paramètre mais à une jonction de plusieurs. Les accidents touchent tous les pays du monde, aéronefs anciens et nouveaux. Mais à chaque fois qu'il y en a un, il nous fait sortir des éléments auxquels parfois on n'y a pas pensé, ce n'est pas une science exacte. Q.O.: Votre thèse s'applique aussi au déraillement de trains ? A. Ghoul : Oui, il y en a partout dans le monde mais les statistiques nous renseignent qu'entre 2008 et 2014, ils ont diminué de -20% en raison de la formation des personnels, des travaux de maintenance, de modernisation des rails, et la mise en fonction de nouveaux trains. Chez nous, on a enregistré une nette diminution de l'ordre de -57%. Pour ce qui est de l'accident d'Hussein Dey que nous déplorons et regrettons profondément ce qu'il a engendré comme terribles dégâts notamment humains, les trois commissions (ministère, SNTF et justice parce qu'il y a eu mort d'homme), il y a des travaux de simulation qui doivent être menés, vérification de la signalisation, l'état des rails, l'interrogatoire des personnels Q.O.: Quelles seraient les mesures les plus urgentes à prendre pour éviter de telles situations ? A. Ghoul : Il ne faut pas que les conclusions soient tronquées, l'institution de trois commissions nous permet d'y voir plus clair. Dans l'absolu, à partir de chaque accident, on apprend des choses et devons entreprendre beaucoup d'autres. Même des paramètres éloignés de la sphère où s'est déroulé l'accident doivent être corrigés parce qu'un accident est une sonnette d'alarme. Q.O.: Le tramway a eu aussi son lot d'accidents dès sa mise sur rails. Mais êtes-vous d'accord que l'une des premières mesures à être prise a été de l'obliger à diminuer de la vitesse, ce qui fait que vous passez plus d'une heure pour faire à peine quelques stations ? A. Ghoul : Ce transport est aussi nouveau chez nous. Les gens traversent sans regarder, il y a tout un travail de culture, de civisme, de sensibilisation à faire à l'endroit des citoyens. Ceci relève des missions des collectivités locales, des élus et de la société civile en général. Q.O.: N'est-ce pas avoir mis, comme à chaque fois, la charrue avant les bœufs ? Ne fallait-il pas commencer par cette «morale» ? A. Ghoul : Ça doit se faire en même temps. Il faut assurer une gestion moderne à ces nouveautés chez nous, on ne peut en plus se permettre d'alourdir leurs dépenses en recrutant beaucoup d'agents pour faire respecter par exemple la signalisation, on ne veut plus fonctionner avec ces pléthores paralysantes comme c'est le cas d'Air Algérie. Q.O.: C'est pour cela que ses avions sont toujours en retard ? A. Ghoul : Le respect par la compagnie nationale de ses engagements vis-à-vis de ses passagers, c'est le cœur de la problématique posée. Nous avons engagé un audit et retenu des solutions pour sa restructuration. Un rapport d'étape a été transmis au 1er ministre. D'ici à la fin de l'année, on doit valider tout ce qui concerne la réorganisation d'Air Algérie. En 2015, nous devons entamer un changement important de son cap, elle ne peut continuer d'exister comme elle est, elle doit être réorganisée à tous les niveaux, structures, personnels, encadrement, compétences, gestion et management. Elle doit être convenablement orientée vers sa mission d'entreprise économique commerciale. Elle doit subir une mise à niveau de tous ses sous-secteurs. Air Algérie doit améliorer considérablement son taux de ponctualité qui est actuellement de 61%, pour l'élever au-delà de 75%, et augmenter son taux de remplissage qui se situe autour de 67%. Le plus important et le plus lourd de ses handicaps, c'est ses personnels pléthoriques. Elle emploie plus de 10.000 personnes, c'est énorme ! La compagnie n'arrive plus à bouger comme il se doit. Elle doit être impérativement réorganisée par segments en entreprises indépendantes, en filiales efficaces économiques et commerciales. Il lui faut absolument une filialisation légère et performante. Q.O.: Est-il question de commencer par des licenciements ? A. Ghoul : Pas vraiment Il est plus question d'un redéploiement de ces effectifs, selon la formation, la compétence, la spécialisation et autres critères, rentabilité Les personnels seront affectés au niveau des filiales qui devront être créées selon des fiches techniques précises. Q.O.: Le lancement de la compagnie nationale Tassili Airlines est-il pour la pousser à se jeter dans le jeu de la concurrence ? A. Ghoul : En premier, il est important de créer une intercomplémentarité entre les deux compagnies pour desservir convenablement le marché domestique. Avec l'acquisition des nouveaux aéronefs, elles pourront à deux couvrir le territoire national. Q.O.: L'ouverture d'aéroport dans chaque wilaya même les plus rapprochées les unes des autres, n'est-il pas encombrant pour moderniser l'aviation civile en Algérie ? A. Ghoul : Il est retenu, en parallèle à ce profond programme de restructuration d'Air Algérie, la modernisation de l'espace aérien en prévoyant de l'ouvrir à des petits porteurs pour le transport d'un nombre restreint de passagers et desservir les petits aéroports. L'étude est déjà engagée pour en déterminer les besoins et les adapter en fonction des types de voyageurs. On réfléchit à cet effet pour ouvrir progressivement le ciel au privé national. Le cahier des charges est en préparation au niveau du ministère pour créer un transport bien encadré. Q.O.: Qu'entendez-vous par ouverture «progressive» et «types» de voyageurs ? A. Ghoul : Nous avons des priorités si on opte pour les avions taxis. Nous devons en premier, cibler les besoins des populations en destinations, en nombre, en catégories, ça nous intéresse qu'un privé national dessert par exemple la ligne Ouargla- El Oued. Nous voulons aussi encourager les voyages d'affaires, on peut ouvrir le ciel pour ça sur la base d'une réglementation précise. On tient à ce que les textes et cahiers des charges soient bien précis parce qu'on ne peut se permettre de jouer avec la sécurité et aussi il faut que tout le monde trouve son compte. Q.O.: Annoncé par le 1er ministre, où en est le transport aérien des malades ? A. Ghoul : Au-delà de la police et de la protection civile qui pourraient s'en charger, il faut penser à faire intervenir les hôpitaux en leur donnant les moyens adéquats ou bien en créant des entreprises publiques et privées dont les missions seront dédiées à ce genre de transport sur la base de contrats avec les établissements hospitaliers. Q.O.: Trouvez-vous normal qu'Air Algérie applique des prix exorbitants à ses billets ? A. Ghoul : Nous avons abordé cette question dans l'audit de la compagnie. Mais il faut noter que les billets à l'interne ne sont pas chers parce qu'ils sont subventionnés. Mais à l'international, il ne faut pas s'attendre à ce que leur prix baisse parce qu'Air Algérie est tenue d'équilibrer ses comptes avec ces gains et pendant la saison estivale. Ceci étant, l'audit a retenu les propositions pour diversifier les catégories de vols (normal, charter, Low coast ou last time), Air Algérie n'a jamais configuré les siens selon ces différentes options. C'est en les adoptant qu'elle pourra jouer sur les prix. Pour l'instant, Air Algérie, dans l'état où elle est, ne baissera pas ses tarifs, parce qu'au-delà, elle fera faillite. Pour compenser, elle doit jouer sur le taux de remplissage et la gestion économique de chaque vol. Elle doit réfléchir à comment élever le niveau et la qualité de ses services sans trop débourser, comment rentabiliser le personnel, les rotations de ses aéronefs, elle doit absolument réussir sa mise à niveau aux normes internationales. Q.O.: Elle perd en remplissage parce qu'il y a d'autres compagnies qui la concurrencent en matière de prix ? A. Ghoul : Il y a 25 compagnies en concurrence sur le marché algérien. Mais déjà, Air Algérie propose souvent des prix promotionnels et en fixe d'autres selon une dizaine de catégories de voyageurs (tarif jeune, famille, Ramadhan, étudiants ). Ceux qui prennent leur billet avant plus d'un mois peuvent bénéficier d'une baisse de -84%, c'est important. Air Algérie a en outre supprimé la taxe imposée aux voyageurs en cas de changement ou de remboursement de billet, chose que ne font pas les autres compagnies. Q.O.: Comment pourra se traduire l'apport de Tassili Airlines ? A. Ghoul : Les deux compagnies doivent faire de leur mieux pour créer une intercomplémentarité pour une concurrence positive. Pour Tassili, ses dessertes sont nouvelles, elle doit prouver sa performance. Mais dans l'avenir, une fois qu'on aura totalement maîtrisé les conditions économiques, commerciales et de sécurité du transport aérien, on ouvrira le ciel à l'international au privé algérien. Q.O.: Pourquoi le transport aérien national tourne le dos à l'Afrique quand on sait que les Algériens qui doivent aller par exemple en Gambie doivent passer par Casablanca ? A. Ghoul : Le retour d'Air Algérie vers l'Afrique est stratégique, elle doit l'opérer, il est dans notre intérêt de le faire même avec des subventions. Il y a tout un programme du gouvernement dès lors qu'on acquiert les nouveaux aéronefs. Nos deux compagnies seront obligées de desservir certaines grandes capitales africaines. Il est question de faire d'Alger un hub et l'extension de son aérogare le permet bien. Avec la construction du CCR, Tamanrasset constituera aussi un hub pour pouvoir desservir l'Afrique. Q.O.: Où en sont les discussions sur l'ouverture des lignes Alger-Téhéran et Alger-New York ? A. Ghoul : Pour Alger-New York, l'accord aérien avec les Etats-Unis est en phase de finalisation. Les 16 Boeing que nous allons recevoir sont de gros-porteurs pour ce genre de destination. Celle Alger-Téhéran, on cherche la solution la plus pratique. Ce qui ne peut être trouvé que dans le cadre bilatéral. Par exemple, on peut s'entendre avec l'Iran et les Emirats pour que chacun ait la possibilité de transporter des voyageurs sur ces destinations et plus encore. Ce qui rentabilisera ces dessertes. Au fait, les nouveaux gros-porteurs nous permettront aussi de transporter les pèlerins avec nos propres moyens. En principe, à partir de 2015, l'Algérie n'affrétera plus de gros avions pour la saison du hadj. Q.O.: Le gouvernement a décidé, c'est une première, de faire financer l'extension de l'aérogare d'Alger avec les propres moyens de l'entreprise de gestion et un concours des banques. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait pour la construction de l'autoroute Est-Ouest dont le financement a lourdement coûté au Trésor public ? A. Ghoul : Pour l'autoroute Est-Ouest, il y avait des propositions pour aller vers des contrats BOT et autres mais le gouvernement a décidé d'aller vers le Trésor public parce que les réponses ont trop tardé à venir. Il fallait trancher vite. Le bilan fait par le gouvernement à l'époque a poussé à engager sa réalisation sur le budget de l'Etat. Q.O.: Bien que l'Etat a renforcé le transport terrestre des voyageurs, il est totalement désorganisé et inefficace. A. Ghoul : L'Algérie possède 97 000 bus dont 2% sont privés et d'un âge moyen de 10 ans et plus. Ce qui nous oblige à réorganiser profondément cette sphère. Nous avons 552 000 camions pour le transport des marchandises, d'un âge moyen de 12,5 ans et en majorité privés. Les taxis sont au nombre de 92 000. Le parc roulant national à fin 2013 comptait 7,6 millions de véhicules. Alger et ses environs en comptent plus de 3 millions, tous types confondus. Q.O.: C'est cette «lourdeur» du parc qui contribue aux nombreux accidents ? A. Ghoul : 74,4% sont provoqués par les véhicules légers, 10,85 par les camions, 8,91 par les motos, 3,61 par les taxis et bus. Dans 92 à 95% des cas, la cause revient à l'homme, 2,5 à 4% au véhicule et les mêmes taux à l'environnement. La moyenne mondiale des décès est de 19 cas par an pour 100 mille habitants. L'Afrique en enregistre 32, l'Europe 13, l'Amérique 15, l'Asie 16 et l'Algérie 11 par an et pour chaque 100 000 h. Le monde enregistre 1,270 million de décès par an dont trois quart sont des hommes. Comparé à ceux de 2013, durant les 9 premiers mois de 2014, les accidents ont diminué de -4,22%, le nombre de blessés de -14,35% et celui des décès de -4,21%. Certes, on a eu ces derniers temps des accidents spectaculaires, mais le nombre de décès a diminué par rapport à l'année passée. Le ministère préside une commission multisectorielle et un audit a été remis au 1er ministre. Il est prévu d'alourdir les sanctions. Il a été prouvé que le port du casque pour la conduite d'une moto diminue le risque de décès de 40%. La réglementation va être beaucoup plus rigoureuse. Q.O.: Quid des embouteillages et du plan de circulation ? A. Ghoul : Nous avons gelé l'octroi d'autorisation d'exploitation de bus et de taxis depuis septembre dernier jusqu'à fin décembre 2014. Il y a un plan de circulation pour chaque wilaya. Il est prévu le redéploiement, la réorganisation selon les déficits, les surplus ou la saturation des lignes. On doit remettre de l'ordre, réorienter et réguler le secteur durant l'année 2015. Les 48 entreprises publiques (ETUSA) seront consolidées, dynamisées et prises en charge convenablement à travers toutes les wilayas. Il faut qu'on arrive à l'intermodulation entre les transports publics, on a commencé à Alger. Ce qui nous pose un problème énorme de circulation, c'est le transport de marchandises notamment les matériaux de construction. Le gouvernement veut pour cela privilégier le chemin de fer, nous avons 4000 km de rails, prévoyons la réalisation d'ici à 2016 de 6000 autres, pour atteindre entre 2020-2025, plus de 12 000 km de rails. Ceci, en calculant avec la réalisation des deux grands corridors industriels, le premier, la ligne ferroviaire de l'Est Annaba-Souk-Ahras- Ouargla-Hassi-Messaoud et le 2ème, la ligne de l'Ouest Oran-Tindouf-Ghar Djbilet. Nous devons tout terminer en 3 ans. Q.O.: Le récépissé doit-il remplacer le permis de conduire à points encore pour longtemps ? A. Ghoul : Les wilayas ont trouvé beaucoup de difficultés à appliquer les paramètres que nous avons retenus avec le ministère de l'Intérieur pour la confection du permis à points. Il faut donc affiner certains textes d'application pour avoir trois fichiers importants, la carte grise, le permis et les infractions (pour cibler les récidivistes). Pour la carte grise, ça marche au niveau de l'intérieur, les deux autres sont en cours de finalisation. La solution retenue est d'opter pour le permis biométrique pour y introduire celui à points. La réalisation de ce document électronique se fera par le ministère de l'Intérieur parce qu'il a acquis déjà l'expérience des documents biométriques d'identité. En attendant, on a décidé de garder le permis actuel. Tous ceux qui ont des récépissés peuvent retirer leur permis au niveau des administrations concernées. 1,6 million de permis doivent l'être au niveau national. La demande sera totalement satisfaite d'ici à la fin de l'année. Les permis actuels sont valables jusqu'à l'acquisition du nouveau document électronique.