Sérieusement affectée par la chute des prix du pétrole, l'Algérie n'est pas à l'abri d'une autre crise qui risque de surgir dans le marché gazier, selon des spécialistes, du fait que le prix du gaz est indexé sur le prix du pétrole. En 2015, l'Algérie vendra moins cher son gaz. Le risque d'une augmentation du prix du gaz et de l'électricité est inévitable, estiment les mêmes spécialistes du marché gazier. C'est ce qui a été annoncé hier lors du workshop organisé à l'hôtel Le Méridien par l'EPSECG (école préparatoire en sciences économiques, commerciales et sciences de gestion) en collaboration avec le laboratoire de recherche sur les économies euro-méditerranéennes (LAREEM) de l'Université d'Oran. Une rencontre qui a souligné les incertitudes que risque de connaître prochainement le marché gazier. Le verdict des intervenants à cet atelier est sans appel. « Le chute du prix du pétrole aura son impact sur le prix du gaz et l'Algérie doit revoir sa stratégie de politique publique et son modèle de consommation énergétique ». L'ALGERIE OBLIGEE DE REVOIR SA COPIE Le vice-président du CNES, Mustapha Mekideche, qui a présenté une communication sur « les tendances des marchés gaziers internationaux : quels impacts sur les stratégies algériennes ?», n'a pas caché son inquiétude quant à l'évolution du marché pétrolier qui peut avoir un impact direct sur le marché gazier. Selon son analyse de la situation, « les prévisions ont été faites sur un prix du baril variant entre 90 et 100 dollars. A moins de 80 dollars, nous sommes obligés d'aller vers le Fonds de régulation des recettes (FRR) et l'exploitation des réserves de changes. C'est une grande pression exercée sur le pays » considéré comme un important fournisseur de gaz. Plus explicite, le représentant du CNES souligne que « les conséquences directes de la chute du prix du pétrole sur le gaz s'expliquent par l'indexation du prix du gaz sur celui du pétrole. Ces indexations seront visibles en 2015. Lorsqu'on vendra notre gaz, on le vendra moins cher. Car sur les contrats conclus, il y a eu indexation sur les prix avec trois mois de retard». Cette situation de crise va-t-elle persister ? C'est ce que craignent les conférenciers. M.Mustapha Mekideche estime que « si une telle situation persiste, il faut revoir très sérieusement la stratégie du pays. Il faut la mise en place d'une loi de finances complémentaire avec plus de rationalisation. Il faut, peut-être, reporter certains projets pour pouvoir maintenir un équilibre et pouvoir gérer en bon père de famille le Fonds de régulation des recettes et également les réserves de changes que nous avons afin de les maintenir plus longtemps ». Le marché gazier sera aussi influencé par la politique adopté par les Etats-Unis qui a fermé son marché et décidé de ne plus importer de gaz. « C'est le seul pays qui a pu avoir une indépendance énergétique », dira le représentant du CNES qui ne voit qu'une solution à cette situation. « Il faut maintenant revenir à la réalité et dire que l'énergie a un prix. Elle coûte cher, donc pas de gaspillage. Il faut rationaliser les prix, diminuer la consommation, revoir les tarifs qui sont trop bas ». Sur la crise du pétrole, le conférencier ouvre une parenthèse en s'interrogeant « pourquoi l'Arabie saoudite et les pays du Golfe n'ont pas de problèmes ?» «Parce que ces pays ont des réserves plus importantes. Ils ont des coûts de production plus faibles. C'est ce qui nous incite à revoir sérieusement nos politiques d'extensions budgétaires et les réduire. Pour l'Arabie saoudite, si elle plaide pour le maintien du plafond de l'Opep à 30 millions Barils/jour, c'est pour éviter que les Etats-Unis ne viennent prendre sa place et pour que le pétrole de schiste ne soit pas exploité puisqu'il revient plus cher». Le vice-président de l'association de l'industrie et du gaz, Abdelmadjid Attar, n'est pas plus optimiste en soulignant que « le marché pétrolier s'est cassé la gueule et le marché du gaz va suivre très bientôt parce que les prix dans les contrats sont indexés. Ces prix vont avoir une influence négative certainement beaucoup plus en 2015 qu'en 2014». «Un fait nouveau pour les pays européens. Selon le conférencier, les marchés de production d'énergie ont augmenté en Europe alors que la consommation a baissé aussi bien pour le gaz naturel que pour l'électricité. C'est paradoxal mais c'est ce qui s'est passé. L'Europe a importé 30% de gaz en moins en 2013. A cela s'ajoute une prise de conscience des effets des changements climatiques ainsi que le poids de la taxe carbone». M.Abderrahmane Mebtoul de l'université d'Oran enchaînera dans le même contexte en insistant sur l'efficacité énergétique et les subventions appliquées en Algérie. Comment peut-on construire 2 millions de logements avec les mêmes méthodes de construction ?, s'interroge-t-il. «L'efficacité énergétique peut faire économiser 30% d'énergie », selon ses estimations. Sur les subventions il dira qu'« actuellement, l'Algérie subventionne tout. Entre les subventions et les transferts sociaux, 60 milliards de dollars, soit 28% du PIB. Je ne suis pas contre les subventions mais il faut qu'elles soient ciblées aux plus démunis et pour les secteurs qu'on veut encourager. Le prix de l'électricité est plafonné depuis 2005. Cela explique le déficit structurel de Sonelgaz. Plus de 44 milliards de dinars en 2012. Chiffre officiel communiqué par le PDG de Sonelgaz ». Il ajoute que « l'Algérie est le pays qui subventionne le plus les carburants et l'électricité. C'est intenable. On doit aller vers un mix énergétique. On ne peut pas aller vers un développement durable sans un minimum de consensus économique et social. Le dialogue est important pour passer de l'économie de rente à une économie hors-hydrocarbures ». Quant au représentant du ministère de l'Energie, M.Ahmed Mechraoui, il s'est voulu rassurant. Pour lui, le secteur des hydrocarbures a sa stratégie. Il vise deux missions principales. «La première, c'est d'assurer la sécurité énergétique du pays. Donner au citoyen l'accès à l'énergie là où il se trouve. Les choses évoluent. La consommation augmente. Le confort augmente aussi. Nous avons plus de 5 millions de climatiseurs qu'il faut faire fonctionner. 40 millions de portables et un programme de logements très développé qu'il faut alimenter en énergie. En plus du parc automobile qui augmente chaque année. La consommation doit être prise en charge par une multiplication de la production et par la mise à disposition du marché national d'une quantité d'hydrocarbures et d'électricité. On compte doubler cette capacité pour le marché national». Sur le projet de gaz de schiste, il a souligné que « le projet gaz de schiste est un projet à long terme. En Algérie, on a démarré avec un processus, une démarche et nous avons en premier lieu réalisé des études pour vérifier le potentiel. Le potentiel qui est affiché est le bon. Sonatrach a entamé l'étape de l'exploitation. Il y a eu des forages verticaux pour vérifier les caractéristiques pétro-physiques des roches. Et maintenant, Sonatrach est en train de faire son premier forage horizontal avec fracturation hydraulique. Donc, on va attendre les résultats».