Le deuil et le fouet. Vendredi avec ce ciel aux nuages gigantesques: un cerveau aérien de géant. Couleurs fascinantes. L'info du jour, trois jours de deuil en Algérie. Pour l'un des Rois chancelants de cette Arabie qui nous pèse sur l'âme et la racine. Un roi est mort, un autre l'héritera au nom d'Allah pour quelques années. Leurs mandats à vie sont curieusement brefs dans ce royaume de l'éternité. Trois jours de deuil chez nous. C'est alimentaire, de la politique. On le devine. Mais l'autre ? La pensée est en effet pour l'autre, celui qu'un collègue chroniqueur a salué, entre « je suis Charlie » et je « suis Mohammed » : Raif Badawi. Le bloggeur condamné à 1000 coups de fouet et 10 ans de prison pour un blog sur le net. Il en a déjà reçu 50 coups selon les rapports. Il lui reste 950. Et dix ans de prisons. C'est ainsi: le monde dit arabe a désormais des obsessions rageuses et inhumaines: flageller et juger les blogueurs, les dissidents, les gens singuliers et différents, les révoltés, les dignes et les justes. Insulte à l'islam et atteinte à la personne du roi ou du Président sont des crimes plus grands que la saleté, le sous-développement, la lâcheté internationale et la pauvreté ou la corruption nationale. Donc c'est simple pour ce vendredi: dix ans de deuil pour Raïf Badawi. L'esclave qui vaut mieux qu'un Roi et qu'un royaume. Cela fait mode? C'est trop facile? C'est attendu? Bien sur. Continuons à voir dans l'indignation, une mode et dans le devoir de rappeler l'injustice une alimentation générale. Cela dédouane et permet de revenir au statut du mouton sans trop de culpabilité. Ce jeune bloggeur est vivant, il est en prison, il a deux enfants et une famille et tout le reste est blabla cependant. Il ne s'agit ni d'Islam, ni d'insultes, ni de récupération, ni d'autres choses. On pourra déblatérer des siècles, cela ne change pas l'évidence: un jeune saoudien est en prison pour dix ans et pour 950 de fouets. C'est une injustice. Et ceux qui aujourd'hui viennent nous parler de defender l'islam, il est utile de rappeler que la justice est une valeur au dessus de la foi, dans les textes sacrés même. Donc dix ans de deuil. A chacun ses favoris. Face à Dieu, je choisi de soutenir l'humble, pas le roi. Il faut le rappeler aujourd'hui, ici, en ce moment. A ceux qui l'oublient, tentent d'en noyer le scandale. Ceux qui se présentent comme défenseur de Mohammed en oubliant cette injustice. Aux gigolos des mosquées qui y vont faire des « études » et revenir faire les agitateurs dans ce pays et aux admirateurs courbés de ce Royaume. Ce n'est rien, c'est facile, mais c'était juste pour rappeler, ne pas oublier et préciser que « je suis Mohammed » ne sert à rien et ne signifie rien, si on n'est pas Raïf Badawi. Juste le rappeler. Pour qu'on n'oublie pas, entre deux prières et une fatwa contre la fabrication des bonhommes de neige, comme décrété récémment dans ce royaume par un «Savant».