Le marché des devises est au plus haut, au moment où la monnaie nationale, le dinar, dégringole dans les cotations. Le trou d'air provoqué par la baisse des cours du brut a donné des motifs supplémentaires aux marchés financiers internationaux de procéder à des corrections de marges sur les grandes valeurs de cotation, avec un glissement des intérêts des cambistes des valeurs minières vers d'autres traditionnelles, comme l'or et les produits dérivés. Sur le marché des changes donc, les deux grandes devises servant au négoce international, l'euro et le billet vert, sont pris dans la tourmente autant de la crise économique que de la baisse de la croissance mondiale que symbolise, par ailleurs, la chute des cours pétroliers. Fatalement, cette situation de stress monétaire touche directement le dinar, ballotté depuis novembre dernier par le dualisme euro-dollar. Au point que des experts financiers algériens et même certains anciens responsables de la Banque d'Algérie n'hésitent pas à parler de dévaluation indirecte du dinar face aux principales devises. Le mouvement est en fait automatique car, à chaque remontée de l'euro face au dollar sur les principaux marchés des changes, la monnaie nationale se déprécie encore plus et, à contrario, lorsque le dollar reprend quelque vigueur, la valeur du dinar reprend du poil de la bête. Pour autant, la valeur du dinar est au plus bas, autant sur le marché noir qu'au marché officiel. La Banque d'Algérie, dans ses cotations hebdomadaires allant du 15 au 22 février, communiquées dimanche dernier, établit la valeur du dinar par rapport à l'euro à 104,88 pour l'achat et à 111,30 pour la vente. Pour les cotations du dollar, un dollar vaut en achat 92,67 dinars et 98,33 dinars pour la vente. Au marché noir, les cotations sont en hausse. A Alger, dans un marché populaire servant de lieu de négoce des devises, l'euro se négociait à 16 dinars alors qu'il était, quelques jours auparavant, à 15-85/90à 95 dinars. Cette décrue de la valeur du dinar a vite fait de nourrir certains commentaires d'experts, notamment le fait que la Banque d'Algérie a dévalué le dinar. Une hypothèse que le ministre des Finances, Mohamed Djellab, a réfutée hier. Il a expliqué à des journalistes, qui s'interrogeaient sur une hausse fulgurante des prix de plusieurs produits, que l'Etat n'a pas recouru à une dévaluation du dinar. Catégorique, il a répondu qu'il n'y a pas eu de dévaluation du dinar, ajoutant « posez la question au gouverneur de la Banque d'Algérie ». « Je peux vous poser la question inversement: pourquoi les cours des matières premières qui ont baissé sur les marchés internationaux n'ont pas été répercutés sur le marché intérieur? », a par ailleurs rétorqué M. Djellab en marge de la 9ème rencontre de l'Union des régulateurs boursiers arabes (UASA) qui se tient à Alger. Dans son dernier bilan de conjoncture économique, la Banque d'Algérie avait déjà affirmé n'avoir jamais dévalué le dinar. Pour autant, elle a confirmé qu'elle procède, quand c'est nécessaire, «à un ajustement du taux de change nominal» de façon à ce que le taux de change réel soit à son niveau d'équilibre qui est déterminé par les fondamentaux de l'économie que sont le prix du pétrole, le différentiel de la productivité avec les partenaires et le niveau de la dépense publique. La Banque centrale d'Algérie a également expliqué que la dévaluation d'une monnaie s'exerce dans le cas des taux de change fixe, alors que le taux de change du dinar est fixé, plutôt, selon un flottement dirigé et par rapport à un panier de devises. Pour autant, les autorités monétaires nationales interviennent de temps en temps, quand cela est nécessaire, pour effectuer une légère dépréciation, et non pas une dévaluation, du dinar pour le replacer par rapport à certaines valeurs nominales, selon un ancien gouverneur de la Banque d'Algérie. Car une dépréciation donne un caractère attractif à une monnaie qui est ainsi moins évaluée, et donc peut servir de base pour des transactions financières, car plus avantageuse sur le marché des changes. Une situation en fait qui alimente le marché parallèle des devises en Algérie, puisque la vente de devises n'est pas encore ouverte aux citoyens et aux opérateurs, à l'exception de l'allocation devises qui est accordée une fois par an. Ce qui, fatalement, est de nature à faire « apprécier » l'euro et le dollar sur le marché noir, dont les importateurs seraient les principaux clients et fournisseurs, selon certains cambistes du Square Port-Saïd qui précisent que « le gros des devises du marché noir provient surtout des mandats de pensions envoyés de France aux retraités et autres RMistes ».