Benyounès est bien seul aujourd'hui. Entre la suppression d'autorisation pour les commerçants grossistes pour les boissons alcoolisées et l'inquisition du système binaire national hallal/haram. Il est pris entre le Daech culturel et la nécessité d'organiser ce commerce. Et c'est tout le paradoxe que vit cet homme : il soutient un système politique, un Président qui a passé un deal avec les islamistes au point de composer avec eux jusqu'à la compromission et en même temps, il en fait les frais sous la confusion institutionnalisée entre péché et délit. Benyounès veut incarner un courant moderniste, une vision, mais à l'intérieur d'un système qui produit ces Daech en mode journaux, TV, sectes, imams et salafistes. Ce même système qui offre d'une main à Benyounès la possibilité de régenter un commerce, et de l'autre accueille en tenue afghane un assassin de l'AIS qui avoue ses meurtres à la télé, en live, en direct et avec un bras d'honneur dans les yeux et un thé offert par Ouyahia. Dans le tas, c'est le Benyounès qui sera sacrifié bien sûr. Les islamistes sont désormais forts et se sentent impunis. Ils brament dans les parlements, menacent dans les rues, imposent lois et us. Ils ont même des journaux avec des stratégies qui nous mènent vers la guerre civile à la manière de la radio des mille collines du Rwanda : appels à la haine, violences, mensonges, diffamations et impunité, manipulations et bourrage de crânes. Quand il s'agit de discuter des lois, ces journaux recourent désormais aux imams, zaouïas et pseudo-savants placés comme source de souveraineté et d'autorité, et posés en contrepoids de la décision publique, républicaine et de citoyenneté. La république se talibanise et on laisse faire. Arrêté à Relizane, à l'Ouest, un charlatan a été relâché après soupçon de meurtre et a été accueilli par un cortège en klaxons et des youyous comme un prophète. Benyounès a raison de croire que l'on doit défendre ce qui reste de républicain dans ce pays, mais il se trompe d'arène : cela est impossible de défendre Bouteflika et de subir son œuvre avec les islamistes. Benyounès payera la contradiction : le FIS a pris le pouvoir et Benyounès sera soumis au sort de Chadli un jour ou l'autre. Le Daech algérien est presque désormais irréversible : il fait subir l'inquisition à ses ennemis, le lynchage médiatique, il soumet les lois et les économies, installe les « imams » et les chouyoukh comme source d'autorité politique et morale et défend des modèles sociaux : femmes talibanisées, chanteurs repentis, modèles tchador, attaques en meutes contre ceux qui pensent autrement et régence de la vie quotidienne : couple, sexe, femmes, code de la famille, vêtements, calendrier des fêtes, etc. Et ce Daech fait son chemin, criminalise les laïcs, la Kabylie, les autres religions d'Algérie, joue sur la division sunnites/chiites, calomnies et installe la violence. Bienvenue donc à la république Daech algérienne pour ce ministre qui a fermé un peu trop les yeux sur cette monstrueuse contradiction du système Bouteflika. Ceci en attendant l'annexion à l'empire de Baghdadi. Et dans ce jeu, Benyounès est l'incarnation de cette illusion qui croit que l'on peut sauver quelques meubles de l'intérieur. Il résiste mais il n'a pas les moyens d'une Arabie saoudite ni la couverture d'une loi sur la réconciliation. C'est le poids d'un colorant alimentaire contre un califat rendu insolent. Conclusion ? Des journaux lâchés en meurtres islamistes ne vont pas le lâcher. Ce ministre sera mangé vif. Et entre lui et le Daech, leurs journaux, habits et « imams », Bouteflika fera son choix selon ses intérêts à lui. Car Bouteflika, en politique, est grossiste, pas détaillant.