Le procès de l'affaire de l'autoroute Est-ouest revient aujourd'hui à la barre après un premier report, du reste attendu le 25 mars dernier en raison de l'absence de Me William Bourdon, l'avocat de Chani Medjdoub, principal accusé dans ce dossier. Le prévenu refusant que le tribunal lui désigne un avocat d'office alors que la défense des 22 autres accusés a insisté sur le renvoi du procès à la prochaine session du tribunal criminel d'Alger. La défense des entreprises étrangères a estimé, quant à elle, que le parquet doit prononcer « l'extinction des poursuites judiciaires» car l'accusation n'a désigné aucune personne morale ou physique représentant ces entreprises. La participation à ce procès du Trésor public en tant que partie civile, récusée par la défense, a également été au centre d'une bataille procédurière sans pour autant être tranchée. Le président du tribunal estimant que cette demande «doit être présentée au début de l'action civile qui commence à la fin de l'action publique». Pourtant, l'audience d'aujourd'hui risque d'être houleuse à la lumière de ce qui vient de se passer ces dernières 48 heures. Ainsi, le torchon brûle entre les avocats de Chani Medjoub, rapportait hier «El Watan», après que le bâtonnier, Abdelmadjid Sellini, a saisi le procureur général et le président de la cour d'Alger pour leur notifier son opposition à la constitution de l'avocat au barreau de Paris, William Bourdon, pour « avoir violé les règles d'éthique et les pratiques d'usage» relatives à l'exercice de la profession dictées par l'accord judiciaire algéro-français. Me Sellini explique sa démarche par le fait que l'avocat n'a pas rendu une visite de courtoisie au bâtonnier pour l'informer de l'élection d'un domicile, dans le cabinet de Me Khaled Bourayou, qui lui permet d'obtenir une adresse et donc d'être autorisé à plaider. Le bâtonnier d'Alger campe sur ses positions et menace de se présenter aujourd'hui à l'audience et d'« exiger la sortie de Me Bourdon de la salle si jamais ce dernier se présente comme si de rien n'était». Tayeb Belarif, membre du collectif d'avocats de Chani, tout en rappelant que les règles de courtoisie n'ont pas force légale obligatoire, accuse Me Sellini de « dépasser ses prérogatives». L'autre actualité relative à ce procès est la lettre publiée par le collectif de la défense de M. Chani où est dénoncé l'enlèvement de leur mandant et les tortures qu'il a subies. Le document estime que des conditions minimales doivent être réunies pour que le procès « se déroule dans le respect des conditions de régularité et d'équité». Parmi ces conditions on retiendra que «l'ensemble des preuves, pièces et documents sur lesquels s'appuie l'accusation doivent être exposés et discutés à l'audience» ou encore la présence de tous les témoins cités au besoin « amenés à comparaître, y compris par la force publique». Par ailleurs, la défense du principal accusé aurait, selon «El Khabar», déposé plainte auprès de trois institution internationales dénonçant les « dépassements» dont a été victime Chani Medjdoub. Parmi les griefs soulevés par la défense, les lieux de détention de leur client qui a duré plus de 20 jours contrairement au code pénal algérien. Rappelons que 16 personnes, dont deux sont en fuite et quatre en détention, et sept entreprises étrangères (en tant que personnes morales) sont accusées de plusieurs chefs d'inculpation dont la corruption, le blanchiment d'argent ou encore la dilapidation de deniers publics. Citic-CRCC (Chine), Cojaal (Japon), SM Inc (Canada), Isolux Corsan (Espagne), Pizarotti (Italie), Garanventas (Suisse) et Coba (Portugal) devront répondre de plusieurs délits criminels. Selon l'arrêt de renvoi, les accusés avaient reçu des pots-de-vin versés par des compagnies étrangères en contrepartie de l'attribution des marchés dans les secteurs des travaux publics et transports. Cela concerne les projets de réalisation de l'autoroute Est-ouest, le barrage de Kef Eddir dans la wilaya de Tipasa, de tramways et enfin des projets d'ascenseurs à Constantine, Tlemcen, Skikda et Oued Qoreich à Alger. La défense avait introduit, à l'automne dernier, un recours pour que l'affaire soit jugée par un tribunal correctionnel, estimant que les crimes économiques reprochés à leurs clients sont des délits. Sollicitée pour arbitrage dans ce dossier, la Cour suprême avait invalidé la requête de la défense et maintenu le procès devant le tribunal criminel en ne requalifiant pas l'affaire en tant que délit. Initialement, le projet de l'autoroute Est-Ouest avait bénéficié d'une enveloppe globale de six milliards de dollars environ. De réévaluations en réévaluations, avec d'importants retards dans la livraison des sections du projet, l'enveloppe financière avait atteint, de l'aveu même de l'actuel ministre des Travaux publics, les 13 milliards de dollars.