«On a remarqué qu'il y a une démarche de lobbying au niveau des pouvoirs publics pour que Haddad s'impose comme leader du patronat algérien». C'est ce qu'a déclaré hier le président de la CGEA (Confédération générale des Entreprises algériennes) à la presse qu'il a conviée à son siège à Bouchaoui pour assurer la couverture médiatique de la signature d'un accord le liant à l'IECSM (Chambre de commerce indo-européenne pour petite et moyenne entreprise). « Je vous ai retenus pour débattre d'un problème interne à notre pays, un problème algéro-algérien », a précisé Hadj Yousfi après avoir accompagné ses invités indiens à la porte de sortie. Le problème en question est cette sorte de guerre des mots qui a éclaté entre lui et le patron du FCE (Forum des chefs d'entreprises) depuis peu de temps. «La mission économique qui était présidée par le 1er ministre et qui s'était rendue récemment en Chine avait comme représentant du patronat algérien uniquement les membres du FCE, à l'exception de la vice-présidente de la CGEA qui avait du mal à y être acceptée », a commencé par faire savoir Yousfi. Saïda Neghza dont il raconte « les déboires », qui est aussi présidente du bureau d'Alger de la CGEA, a tenu à en faire part elle-même aux journalistes. « On a été invité officiellement par le ministre de l'Industrie et des mines mais Mr Oumelale, son directeur général des marchés nous a dit, ne partent en Chine que ceux qui signent des contrats ». «ON VEUT FAIRE DE HADDAD UN PHARAON» En répliquant qu'elle était invitée par Abdesselam Bouchouareb, Neghza s'entend répondre, selon elle, par Oumelale que « si tu pars en Chine, je me rase la moustache ». Notons au passage que Bouchouareb a dû inviter la CGEA probablement par amitié puisqu'il en a été membre (en tant que chef d'entreprise) pendant de longues années avant qu'il ne soit désigné comme président du CNES en 1995. La vice-présidente de la CGEA a fait savoir que le DG des marchés du ministère de l'Industrie et des Mines n'était pas à sa première exclusion de patrons algériens des missions économiques officielles pour l'étranger. « Il l'a fait pour la mission de Londres, pour l'Italie et a continué pour la Chine ; ils ne veulent que Haddad », a-t-elle dit. Neghza affirme, convaincue, qu' « on veut faire de Haddad un pharaon ». Ce qu'elle juge « injuste » parce que, explique-t-elle, «il y a des entreprises qui sont mises à mal, d'autres qui ont fermé, Haddad prend tout, de quel droit ? Nous avons des petites entreprises, nous avons travaillé nous aussi, nous avons galéré ». Hadj Yousfi reprend la parole et lance à propos de sa vice-présidente qu'«elle a été considérée comme une étrangère par les membres de cette mission, elle a eu des difficultés à s'insérer dans la délégation et suivre les différentes débats à Pékin ». Premier constat, affirme-t-il, « les ministres et le FCE étaient à la tribune alors que la représentante de la CGEA était au fond de la salle, nous avons accepté la situation pour ne pas montrer un visage de division dans la mission ». Yousfi continue « mais ce qui nous a fait mal, c'était le discours qui comportait quatre mots, du président du FCE ». Pour rappel, selon le président de la CGEA, Ali Haddad a dit aux investisseurs chinois « venez ramasser de l'argent en Algérie, vous pouvez même vous remarier ». HUMILIATION, MARGINALISATION ET GRE A GRE L'on rappelle que le président du FCE a démenti ces propos par un communiqué public en les qualifiant de «fallacieux». Yousfi rebondit alors et souligne «Haddad n'était pas content de ce que nous avons dénoncé. On ne veut pas entrer dans une polémique stérile mais on refuse la marginalisation et l'humiliation et on dénonce la déclaration du président du FCE qui est une atteinte à la dignité des Algériennes ». Le président de la CGEA déclare ainsi avoir remarqué qu' «il y a une demande de lobbying au niveau des pouvoirs publics pour que Haddad s'impose comme leader du patronat». Il dénonce en outre, ses propos concernant la relance de l'économie. «Le président du FCE a dit que tous les secteurs d'activité doivent être ouverts à l'exception du MDN. Je considère qu'il est allé très loin», estime Yousfi. Notre interlocuteur pense que «c'est une prétention de dire qu'il faut l'ouverture de tous les secteurs parce que c'est un pays qui doit passer par toutes les étapes pour atteindre la croissance et ne pas retomber entre les mains du FMI». Le président de la CGEA rappelle qu'«on n'a une économie à caractère social, on a besoin de créer des PME-PMI, nous n'avons aucunement l'intention de créer un patronat de grands trusts à l'image des Etats-Unis». Yousfi ne manque pas de revenir quelques années en arrière pour préciser que «nous sommes plusieurs patronats qui ont signé ensemble le pacte national économique et social de croissance, le FCE à l'époque, était malade». Il s'interroge ainsi: «que représente le FCE sur le plan structures ? Il a 500 ou 600 personnes dont les sociétés sont favorisées par le gré à gré, parmi eux Haddad». Yousfi tient à noter que «c'est toujours lui qui est sollicité alors que nous sommes le doyen du patronat algérien». Le patron de la CGEA a fait savoir qu'il a eu à rencontrer le 1er ministre (avant sa mission en Chine, ndlr). «J'ai eu l'occasion de débattre des problèmes de l'économie nationale, j'ai dit qu'on ne doit pas sortir du cadre du pacte économique et social de croissance, le FCE ne peut constituer la représentation réelle du patronat», fait-il savoir. Il continue sur sa lancée en soutenant que « l'interpellation des ministres par Haddad est une anomalie et sa réception d'ambassadeurs n'est pas sa prérogative à moins que le MAE lui a délégué une partie de ses pouvoirs».