La dissidence à la direction du FLN a réussi à unifier ses rangs sans pour autant afficher une volonté ferme de changement dans le parti. C'est ce qui ressort de la réunion d'une centaine de membres du Comité central du parti qui s'est tenue samedi dernier dans un restaurant de la côte ouest algéroise. Les groupes qui affichent leur rejet de l'actuel secrétaire général du FLN et de la tenue du congrès à la date qu'il lui a arrêté se sont en effet retrouvés autour d'un déjeuner dans un restaurant aux alentours du complexe touristique de Sidi Fredj. Goudjil, Abada, Belayat, des membres du Conseil de la nation et d'autres de l'APN ainsi que des anciens ministres (Tou, Hraouabi, BenaIssa ) ont voulu débattre du climat de tension qui règne au sein du parti et initier des démarches pour l'apaiser et changer ce qui doit l'être selon ce qui leur semble approprié. L'on rappelle que les groupes dissidents à Amar Saïdani demandent, en prime, l'annulation du congrès parce qu'ils réfutent la manière avec laquelle il a été décidé. Prévu pour le 28, 29 et 30 mai prochain, cette instance suprême du parti est, selon eux, «otage des desseins du seul secrétaire général et de ses commanditaires.» La demande d'annulation qu'ils ont introduit auprès du parquet il y a de cela plusieurs jours devait être tranchée mercredi dernier d'autant qu'elle a été retenue sous le sceau du référé. Le «verdict» a été cependant reporté pour mercredi prochain. En attendant, les dissidents à Saïdani qui se sont réunis samedi dernier ont réussi une première, celle d'unifier leurs rangs alors qu'ils étaient totalement dispersés. Le report de la décision de la justice leur donne l'espoir de voir leur demande d'annulation du congrès aboutir parce qu'ils doivent certainement penser que le ministre de la Justice, bien qu'il reste très discret, «n'est pas loin d'eux, et n'est pas absent des affaires du parti.» Il est même permis, selon eux, de penser que «si la justice a retardé sa décision, c'est qu'on ne pense pas à liquider cette dissidence, autrement le pouvoir aurait agi vite dans ce sens.» Les échos qui nous sont parvenus de la réunion de samedi le laissent, en tous cas, entendre. Si certains membres du CC qui se sont joints à ce rendez-vous ont confirmé toutes ces idées en gardant l'anonymat, d'autres les soutiennent et diagnostiquent ouvertement les visées des unes et des autres parties en conflit. C'est le cas de Cheikh Hafsi qui avait défrayé la chronique en août 2013 lors de la réunion du CC qui a propulsé Saïdani à la tête du FLN. C'était le seul membre du CC qui avait voté contre et à main levée. Un haut responsable à la présidence de la République l'en avait même remercié en lui disant qu'il avait ainsi sauvé la démocratie. Aujourd'hui, Hafsi qui a été aussi pendant de longues années, expert des questions des hydrocarbures au sein du FLN, est persuadé qu' «il a été demandé à Saïdani d'aller vite pour la tenue du congrès.» «LE REMANIEMENT EST UNE GIFLE POUR SAIDANI» Qui le lui a demandé ? Cheikh Hafsi n'en dit pas plus ou lance simplement, «des cercles en dehors du parti.» En tout cas, ce qui est évident pour lui est, dit-il, que «le dernier remaniement au sein du gouvernement Sellal est une gifle pour Saïdani, il n'y a rien de positif pour lui, il ne faut pas oublier qu'il n'a eu de cesse de réclamer plus de pouvoir pour le FLN au sein du gouvernement et même de lui donner le poste de 1er ministre.» Il note en outre que «le passage éclair de Sellal au FLN pour un entretien avec Saïdani n'a rien donné.» Au siège du parti ou ailleurs, la rencontre entre les deux personnes a bien eu lieu, selon certains membres du CC, mais n'a pas agi en faveur du SG. «On pense que Saïdani n'est plus un élément important dans la stratégie du pouvoir, cela se voit parce qu'il a mis de l'eau dans son vin, il ne dit plus n'importe quoi», indique Hafsi. Mieux encore, notre interlocuteur affirme que «les députés ne suivent plus Saïdani, ceux qui étaient présents à la réunion de samedi disent qu'ils sont prêts à créer un groupe parlementaire indépendant, d'autres les soutiennent et estiment qu'il est hors de question de laisser le parti entre les mains de Saïdani.» Les groupes dissidents sont persuadés, nous dit Hafsi, que «Saïdani veut liquider les caciques du FLN au nom de son rajeunissement, ce qui est ridicule, le rajeunissement en politique est une absurdité.» Ceux qui ont convoqué la réunion du samedi dernier voulaient, selon Hafsi qui y était présent, élaborer une plate-forme commune dont l'objectif principal -après unification de leurs rangs- est d'élire un nouveau SG du FLN. «Cela aurait été possible s'ils avaient constitué les deux tiers des membres du CC, mais ce n'était pas le cas, on était une centaine alors qu'ils avaient annoncé 220 membres, c'est-à-dire ceux qui ont signé la demande d'annulation du congrès introduite auprès de la justice.» Les absences ont été, selon lui, justifiées par le fait que «certains étaient en voyage, d'autres étaient occupés alors que nombreux disent soutenir de loin toute action des contestataires de Saïdani.» «LES INTERETS PERSONNELS» EN PREMIER Ce qui semble irriter Hafsi c'est que, dit-il, «les groupes dissidents, bien qu'unifiés, n'ont pas de stratégie et manque atrocement de leadership.» Il affirme à cet effet, qu' «ils n'ont ni processus décisionnel ni volonté réelle d'aller vers le changement, encore moins le charisme.» Il note que «tous ont déclaré qu'ils ne sont intéressés ni par des portefeuilles politiques ni par le poste de SG du FLN mais qu'ils veulent juste sauver le FLN des griffes de Saïdani.» Hafsi fait remarquer que «si le SG garde le silence, c'est qu'il y a quelque chose derrière.» Autre chose dont il est sûr et qu'il dit conforter l'idée que quelque chose se trame : «le congrès est déjà préparé, les textes sont prêts mais ils n'ont pas été préparés par les militants.» Il fait savoir que les 7 groupes de travail installés par le SG pour la préparation du congrès ne se sont jamais réunis. «Ces groupes sont constitués d'à peine quelques membres qui n'ont jamais travaillé sur le congrès, ce sont des coquilles vides sans aucun pouvoir,» ajoute-il. Si, enchaîne-t-il, «Saïdani s'est réuni avec les mouhafedh, beaucoup d'anciens n'étaient pas présents.» Pour lui, «c'est clair que les décisions du parti ne sont pas prises à Hydra, le FLN n'y a aucun droit de regard, il doit exécuter.» Il rappelle en même temps que «Belkhadem est autorisé à réagir mais il n'a rien fait, il doit attendre les instructions d'en haut.» La situation est celle qui prévaut actuellement au RND. «En prévision d'un quelconque changement, d'élections ou de nouveautés dans l'exercice des pouvoirs et de ses équilibres, le centre de décision a toujours manœuvré au sein de ces deux partis, soit pour brouiller les cartes, soit pour en sortir le mieux qui préserve ses intérêts, ou alors les deux,» soutiennent des membres du CC. L'on avance dans la foulée que «Belkhadem a repris langue avec les zaouia du pays et il y a à peine un mois, il a rencontré par ailleurs, des responsables américains à Washington.» Les plus futés de nos sources affirment même que Belkhadem a eu à s'entretenir avec Kerry, le secrétaire d'Etat américain «Ce qui se passe est complexe, ceux en place veulent consolider leur place au sein du pouvoir et ceux qui sont à l'extérieur veulent l'intégrer, » pense Hafsi. Dernière proposition des dissidents «unifiés» samedi dernier, «la création d'un groupe de travail composé de Goudjil, Abada, Belayat, un membre du Conseil de la nation, un autre de l'APN pour suivre ce qui va se faire, mais beaucoup disent qu'on doit arrêter de palabrer, on n'a plus le temps de faire quoi que ce soit,» lancent nos sources. Les dissidents s'entendent au moins sur une chose selon Hafsi, «ils ne veulent ni Saïdani ni Belkhadem, mais en gros, ils agissent pour des intérêts personnels.»