Sonnette d'alarme: la prévalence des troubles mentaux chez les personnes hospitalisées pour des pathologies chroniques (cancer, VIH, hépatites, maladies cardiaques, insuffisance rénale) a atteint des seuils intolérables dans nos hôpitaux. Les participants à la Journée scientifique organisée hier à l'hôpital d'Oran avec pour thème «Les enjeux de la psychiatrie à l'hôpital général» sont unanimes sur la nécessité d'asseoir une stratégie nationale de dépistage, de traitement et d'accompagnement des sujets à risques. La docteur Aïcha Dahdouh Guermouche, psychiatre au sein du Service des Urgences psychiatriques et coordinatrice scientifique de cette journée, estime que la prévalence des troubles psychiatriques chez les personnes hospitalisés pour maladies chroniques est en hausse. «40% des malades suivis en somatique intra hospitalier souffrent de problèmes de dépression comorbide. 40% des cancéreux hospitalisés souffrent de dépression, contre 30% des sidéens et 25% des malades atteints de pathologies cardiaques. Les chiffres sont importants, ce qui nécessite toute une stratégie nationale le dépistage, le traitement et l'accompagnement de ces malades. Nous avons un projet en cours pour la création d'une unité de psychiatrie de liaison à l'hôpital d'Oran», précise notre interlocutrice. Cette future cellule de psychiatre de liaison devra mener un travail de coordination entre les différents services de cet hôpital pour réduire la séparation entre la psychiatrie et les autres domaines médicaux et améliorer la qualité des soins administrés aux patients atteints d'affections psychiques et physiques. L'objectif des initiateurs de ce projet est d'éviter la récidive qui est maximale dans les quatre à six mois qui suivent une tentative de suicide. La docteur Aïcha Dahdouh Guermouche soutient que 98% des malades hospitalisés dans les services de psychiatrie sont «récupérables», mais elle ajoute que nombreux font une rechute après leur sortie, en raison de l'absence d'accompagnement. Le professeur Benatmane du CHU Mustapha Pacha a affirmé, de son côté, lors d'une intervention sur l'impact de la dépression dans les pathologies cardiaques, que le taux de mortalité d'origine cardiaque est plus important chez les malades déprimés. Une étude menée par l'équipe de ce professeur de médecine dans l'hôpital Mustapha révèle que le risque de mortalité est huit fois plus élevé chez les malades déprimés. Il précise à ce propos que 45% des personnes souffrant de maladies coronariennes sont dépressifs. La docteur H. Hocine du CHU Annaba, qui a mené un remarquable travail auprès des hémodialysés, a déclaré pour sa part que la prévalence des dépressions varie de 20 à 56% chez les personnes dialysées. Les différents intervenants étaient unanimes: la dépression altère la qualité de vie, engendre un handicap fonctionnel, réduit l'activité physique, entraîne l'isolement social, la négligence de soi, la mauvaise observance des traitements et l'excès de tabagisme. Quand elle n'est pas traitée, elle aggrave le pronostic des affections médicales et augmente de manière significative le risque de mortalité. Pour toutes ces raisons, la dépression et les autres affections psychiatriques doivent être dépistées et traitées efficacement auprès des patients hospitalisés dans les services de médecine.