Le classement de l'Algérie sur une «liste noire» des pays qui ne respecteraient pas « les règles » en matière de lutte contre le blanchissement d'argent et le terrorisme établi par les autorités saoudiennes selon des révélations du journal saoudien Mekkah qui a puisé ses sources de documents des services diplomatiques royaux, fait encore l'objet de mise au point des autorités algériennes. Ce n'est pas une réplique d'une manière aussi directe que l'a été la réaction à ces propos du porte-parole du ministère algérien de l'Intérieur qui a souligné dans un communiqué rendu public le jeudi 21 mai 2015 que « l'Algérie a, de tout temps, été à l'avant-garde de la lutte anti-terroriste », mais la sortie médiatique du président de la Cellule de traitement du renseignement financier (Ctrf), M. Abdenour Hibouche, faisant état dans une déclaration à l'agence de presse officielle Aps de « 82 affaires de blanchiment d'argent transmises à la justice depuis 2005 jusqu'à ce jour», n'est qu'une autre note d'éclaircissement plus concrète quant à la volonté des autorités algériennes d'œuvrer à l'édification d'un système juridique visant à éradiquer le financement du terrorisme. Plus explicite, M. Hibouche dira dans ce contexte que « la grande majorité de ces dossiers provient des déclarations de soupçon adressées par les banques à la Ctrf, tandis que le reste, près de 10%, émane des douanes et de la Banque d'Algérie sachant que cette cellule, placée auprès du ministère des Finances, n'est pas habilitée à procéder par auto saisine ». Ajoutant que « jusqu'à 2011, seulement trois affaires de blanchiment ont été transmises à la justice par la Ctrf, même si le nombre des déclarations de soupçon envoyées à cet organisme avait atteint 3.188 entre 2007 et 2011 avec un «pic» enregistré en 2010 lorsque la Banque d'Algérie a entamé une large opération de contrôle au niveau des banques et établissement financiers ». Sur l'année 2014, précisera-t-il encore, la Ctrf avait reçu « 661 déclarations de soupçon émanant de banques, contre 582 en 2013, ainsi que 1.698 déclarations de soupçon adressées par des établissements financiers non bancaires, contre 1.828 en 2013 ». A noter que les rapports envoyés par les banques et établissements financiers à la Ctrf sont appelés «déclarations de soupçon» alors que ceux de la Banque d'Algérie, des douanes et de la direction générale des impôts (DGI) sont intitulés » rapports confidentiels». Mais selon M. Hibouche, contrairement aux banques, « les rapports envoyés par les établissements financiers ne sont, malheureusement, pas conformes au modèle de déclaration exigé par la loi (décret de janvier 2006), empêchant leur exploitation par la Ctrf qui tente de remédier à cette situation en sensibilisant ces établissements sur le respect des normes obligatoires précisées par la législation ». Par ailleurs, le même responsable constate « une baisse, depuis 2012, du nombre de déclarations de soupçons » du fait, selon ses explications, « des mesures de vigilance et des procédures de contrôle édictées par la Banque d'Algérie ainsi que de la sensibilisation des banques pour une transmission sélective des déclarations à soumettre à la cellule excluant, de ce fait, toutes les opérations sans lien avec le blanchiment ». Mais si les établissements financiers non bancaires ne respectent pas les normes exigées dans l'élaboration de leurs rapports, «les banques, par contre, font preuve davantage d'efforts » suite aux mesures de vigilance édictées par la Banque centrale à travers la nouvelle approche basée sur le risque, l'acquisition d'outils spécifiques de détection des infractions et les actions de formation de leur personnel, souligne le même responsable. «Ces affaires prises en charge par les banques sont, parfois, étayées par d'autres renseignements et indices émanant principalement des douanes et de la Banque d'Algérie », relève M. Hibouche pour mieux décrire la collaboration de plusieurs autorités compétentes en la matière. Non sans indiquer que «l'ordonnance de février 2012, modifiant et complétant la loi de 2005 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, a conforté l'autonomie de la Ctrf en l'érigeant en une autorité administrative indépendante, placée auprès du ministère des Finances». Une autonomie qui lui a permis «d'améliorer ses performances, de lui conférer des prérogatives plus étendues vis-à-vis de ses partenaires nationaux et étrangers et de la doter d'un mode de fonctionnement et de gestion encore plus souple conformément aux standards internationaux», soutient le président du Ctrf. Interrogé sur l'écart important entre le nombre des déclarations de soupçons transmises à la Ctrf et celui des dossiers soumis à la justice suite à ces rapports, il explique que les banques déclarent, souvent, les dépôts financiers importants qu'elles jugent suspects, alors que la Ctrf se prononce uniquement sur les affaires de «blanchiment avéré» en coordination avec d'autres institutions nationales concernées. En effet, explique-t-il, le montant d'un dépôt bancaire, qui interpelle souvent les banques lorsqu'il est important, ne constitue pas une preuve irréfutable d'une opération douteuse. Seul point noir dans le système de contrôle, « l'absence de collaboration » de certaines professions libérales dont l'activité est, pourtant, de nature à être particulièrement utile pour débusquer les blanchisseurs d'argent, telles les professions de notaires, agents immobiliers, concessionnaires automobiles, huissiers, avocats, experts comptables, commissaires aux comptes et les commissaires en douanes. Alors que la loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent les soumet à «l'obligation de déclaration de soupçon», rappelle M. Hibouche, «aucune déclaration de soupçon n'a été émise par ces professions depuis 2005 ». Un large tour d'horizon pour montrer à quel point l'Algérie est attachée à l'application des règles du Gafi (Groupe d'action financière), un organisme des Nations unies qui s'occupe de la lutte contre le blanchiment d'argent et de la lutte contre le terrorisme et auquel on doit particulièrement toute la transparence.