Malgré la fierté de voir leur progéniture emprunter de nouveau le chemin de l'école en quête de science et de connaissances, les parents, ceux de condition modeste s'entend, sont quoi que l'on dise bien moins excités que leurs enfants par la rentrée scolaire. L'heure de la rentrée des classes a sonné et pour de nombreux parents c'est l'éternel recommencement de l'achat de fournitures scolaires de plus en plus chères. A Constantine comme ailleurs, ils ont sacrifié à la tournée des grandes surfaces et des magasins spécialisés pour que leurs chérubins soient prêts le jour J, mais toujours en se posant cette question lancinante : le coût de la rentrée scolaire, après les dépenses du ramadhan et de la fête de l'Aïd el-Fitr (en attendant, dans quelques jours, celui de l'Aïd El-Adha), pourra-t-il être supporté par le budget familial? C'est la question qui n'a pas cessé de tourmenter Amina, une mère de trois enfants dont deux inscrits au collège et le dernier à l'école primaire. «C'est un véritable casse-tête pour mon mari qui est le seul à travailler et qui ne sait plus où donner de la tête», se lamente-t-elle. Il faut dire qu'au milieu des stylos, crayons de couleur, trousses, calculatrices et autres compas et règles, elle a dénombré une vingtaine de cahiers de grand format, de 96 pages et de travaux pratiques. «Cela représente déjà un total de 9.500 dinars, sans les tabliers ni les cartables, et l'on ne se rend pas compte tout de suite que l'addition grimpe à grande vitesse», se plaint Amina. Les tabliers réglementaires, roses pour les filles et bleus pour les garçons, atteignent (et quelquefois dépassent) les 1.500 dinars dans les magasins. Quant aux cartables, ils sont rarement affichés à moins de 2.000 dinars. De nombreux citoyens se rabattent sur les marchés de la cité Daksi Abdeslam (Constantine), d'El-Khroub et d'Aïn Smara où la friperie oppose une rude concurrence aux enseignes des grandes artères. «Pour échapper à la frénétique augmentation des prix enregistrée au début de chaque rentrée scolaire, j'essaie d'apprendre à mes quatre enfants scolarisés à réutiliser certains articles scolaires de l'année dernière, mais ce n'est jamais facile de les convaincre», lance Inès, une autre mère de famille rencontrée dans un marché de la nouvelle ville Ali-Mendjeli. Ce qui n'arrange rien. Les jeunes aujourd'hui veulent tous avoir des fournitures neuves et n'hésitent pas à «jouer sur le moral» de leurs parents qui, le plus souvent, flanchent devant la mine triste de leurs petits. Miloud (45 ans) dont les quatre enfants de 7 à 12 ans vont à l'école, tente malgré tout de résister. «Mes enfants gardent leurs cartables de l'an dernier. Ils sont encore en bon état et cette année j'achèterai juste les cahiers et autres articles nécessaires», jure-t-il, provoquant un petit sourire sur la face pouponne de Rahma, sa petite dernière de 7 ans qui lorgne un sac à dos à l'effigie de Dora l'exploratrice, exposé dans une vitrine, et qui semble lui dire : «Cause toujours, tu m'intéresses !» Son papa doit aussi prévoir un budget pour les manuels scolaires, mais cela, Rahma n'en a cure. Pourtant, les pouvoirs publics font ce qu'ils peuvent pour contrecarrer la surenchère, la spéculation et ce qu'on appelle ici, le «profitage». Vingt-huit (28) brigades d'inspection chargées de contrôler la qualité et les prix des fournitures scolaires ont été, en effet, mobilisées dans la wilaya de Constantine. «Ce contrôle vise surtout à garantir le respect des normes de qualité et conformité des produits commercialisés», affirme Abdelhakim Merad, chargé de l'information et de la communication à la direction du commerce. «Mais question prix, à part la vérification des factures d'achat, ..», dit ce responsable dans un haussement d'épaules. Fort heureusement, des milliers d'écoliers issus de familles démunies bénéficient, au titre la solidarité nationale, de trousseaux scolaires comprenant des fournitures, des tabliers et des cartables. A Constantine, 37.000 trousseaux scolaires sont en cours de distribution en faveur de cette catégorie sociale, selon les responsables de la direction de l'Action sociale (DAS). Le problème est que dans la wilaya de Constantine ils sont près de 200.000 à devoir rejoindre, dimanche, leurs écoles, leurs collèges et leurs lycées. C'est dire que la solidarité nationale devrait se situer un cran au-dessus. Une solidarité sous le signe de laquelle, d'ailleurs, la ministre de l'Education nationale devait présider, à Skikda, la cérémonie officielle de la rentrée scolaire 2015-2016.