Cet immense marché est caractérisé ces jours-ci par les étals sauvages des vendeurs d'articles scolaires. Gommes, trousses, stylos, cartables, cahier d'écolier… Des objets hétéroclites, de couleurs vives, qui happent l'intérêt des chefs de famille. Pour quelques billets, agglutinés autour d'une grande bâche grise, des hommes et des femmes font les emplettes de la rentrée, comme s'il s'agissait de choisir les bonnes grappes de raisins ou des figues saines. «J'ai un budget de 4000 DA par enfant, une fille et un garçon qui sont encore au cycle primaire. Celle qui est en cycle moyen me coûtera quelque 5500 DA. Je peux mettre jusqu'à 10 000 DA pour les trousseaux de ma petite famille, pas plus. Je ne vis que grâce au crédit. Il m'est impossible de payer le mouton de l'Aïd, sauf si l'entreprise où je travaille avancerait les salaires ! Je suis allé deux fois à la plage cette année avec mes deux petits derniers. La maman et l'aînée, ça a été la maison et le ventilateur !» ironise Abdelhamid, la cinquantaine, qui dit toucher 35 000 DA le mois dans une petite entreprise privée. Il nous montre le sac en plastique bleu. On y aperçoit des stylos à bille, des règles, des taille-crayons en forme de poupée et de jouet, des trousses en plastique transparentes à l'effigie de Barbie et de Spiderman, des gommes et des cahiers de différents formats et de pages. «J'achète l'essentiel du cartable en attendant la liste qui sera remise par les enseignants. Depuis toujours je viens à M'dina Jdida. Ce n'est qu'ici qu'on peut trouver des stylos à 5 DA et des règles à 10 DA.» Certains articles connaissent une flambée des prix relative, allant parfois jusqu'à 15% de hausse par rapport à l'année dernière. Pour les accessoires (gommes, crayons, stylos, trousses, etc.), il y en a pour tous les goûts : des produits bas de gamme, bon marché, qui sont cédés de 10 à 100 DA, et des produits importés, qui se cèdent à 100 DA et plus. Le coût des tabliers, rose pour les filles et bleu pour les garçons, va de 300 jusqu'à 700 DA. Les blouses de l'importation atteignent jusqu'à 1500 DA et plus. Même topo pour les cartables : on peut en trouver à 1200 DA, mais en trouvent également d'autres qui sont vendus à 4500 DA. «Afin de faire face à ce déferlement de dépenses, j'ai décidé de prendre les devants cette année. J'ai alors commencé à acheter les fournitures scolaires de mes deux filles dès le mois d'août. Là, pour cette rentrée, je ne ferai que compléter en achetant les accessoires qui seront demandés par leurs maîtresses», nous explique Hocine, un père de famille, la quarantaine. Un autre nous dit : «Je préfère d'abord acheter les fournitures scolaires pour mon fils, et faire en sorte qu'il ne manquera de rien à l'école. Quant au mouton, on verra plus tard. Mais ce qui est sûr, l'épanouissement de mon enfant à l'école passe en priorité.» Depuis une dizaine de jours, les magasins et autres librairies proposant des articles scolaires ne désemplissent pas. A titre d'exemple, à l'avenue Albert 1er, une grande surface dédiée à la papeterie et aux fournitures scolaires connaît une grande affluence. Il faut dire que le produit chinois est ici le plus prisé. D'ailleurs, on ne pose même pas la question si le produit est chinois. Les prix pratiqués ici à M'dina Jdida ou à la rue marchande de La Bastille défient toute logique. Les marques les plus connues et les magasins ayant pignon sur rue ont beau alerter sur la toxicité des produits chinois ou de leur dangerosité, puisque ne respectant aucune norme, ce sont les articles qui se vendent le mieux parce qu'écoulés à des prix que beaucoup de salariés peuvent se permettre. Il s'agit d'ailleurs d'un business qui s'est développé depuis plus de 20 ans. Une activité qui échappe à tout contrôle où aucune facture ni aucune traçabilité n'est possible. Un revendeur, installé dans le quartier de Saint Pierre, qui s'approvisionne à M'dina j'dia, et qui transforme, fin août et début septembre, une partie des étals de son épicerie en supérette des articles scolaires, se dit étonné lorsqu'on évoque la dangerosité de certains articles scolaires. «Vous voulez dire que cette gomme ne doit pas être mangée par un enfant, que cette règle si elle se casse devient blessante voire mortelle… bof, je crois qu'on a toujours eu ces articles. Moi je me rappelle avoir mangé de la gomme et on s'est disputé avec des compas… et alors ! Je suis là devant vous !» «H'na msakine ! (nous sommes des pauvres). Tu crois qu'on va acheter des cartables qui coûtent 7000 et 10 000 DA parce que c'est de la marque. Les gens qui ont les moyens se fournissent dans les magasins spécialisés et directement de France ou d'Espagne. Nous on achète de la rue et on étudie dans la rue.» Terrible sentence !