Alors qu'à l'appel du général de corps d'armée Salah Gaïd pour la constitution d'un front commun contre les menaces qui guettent le pays le peuple se mobilise comme un seul homme derrière l'ANP, des tentatives pour saper le moral des citoyens sont enregistrées ici et là à travers le pays. Curieusement, c'est au moment où l'ANP et la gendarmerie rétablissent totalement la confiance entre elles et le citoyen, après deux décennies marquées par le doute et la suspicion, par des larmes et des souffrances, que des voix synchronisées montent à nouveau au ciel pour dénoncer des abus dont auraient été responsables ces deux institutions de la république. Le plus étrange dans cette histoire, ce discours ne provient plus des milieux de l'opposition attachés aux valeurs des droits de l'homme, acquis désormais à la thèse d'un front commun autour du chef de l'Etat, de l'ANP et de la gendarmerie, mais il provient de cercles occultes dont on a de la peine à cerner les contours. Depuis l'arrivée de Bouteflika aux plus hautes fonctions du pays, et il ne faut pas avoir peur de le dire, l'armée et la gendarmerie se sont orientées vers la professionnalisation et la modernisation de leurs structures, tout en étant comptables devant les représentations du peuple, conformément aux principes qui fondent l'Etat de droit. Plusieurs écoles de perfectionnement militaire répondant aux normes universelles ont vu le jour au cours de ces dix dernières années. En effet, c'est au moment où le peuple fait bloc derrière son armée qu'il y a irruption soudaine d'abord d'un discours qui incite à l'émeute et à la révolte et ensuite d'une cascade d'événements, d'une série de faux barrages, d'une manipulation hautement scientifique qui supposent que celles-ci ont pu recevoir d'ici et d'ailleurs un coup d'accélérateur, un coup de main conséquent, une phase de dopage intelligent. Les traces de cette aventure qui vise à embraser de nouveau le pays se retrouvent peut-être dans ce qui s'est passé tout récemment en Kabylie, lorsque simultanément à Ain El Hammam et à Makouda d'étranges événements ont failli remettre sur orbite les Aarouchs. Sans nous en livrer toutes les réponses, ces deux événements nous offrent au moins des indices sur la volonté de ces milieux occultes à démoraliser et démobiliser le citoyen, en le poussant vers une démission collective de ces devoirs élémentaires. Ils sont nombreux les outrecuidants de l'ombre à attendre les bavures de militaires et de policiers pour aller ensuite ameuter la foule en l'imbibant de haine, de colère et souvent de sentiments antinationaux, pour aller surfer sur le web, à dégainer ces brèves de comptoirs qui, bulle d'Internet oblige, s'invitent désormais hors des troquets. Des bavures, qu'on se le dise bien, il y en a eu et il y en aura d'autres encore. L'Algérie est un pays jeune en pleine construction qui a de grandes ambitions. L'Algérie évolue dans un univers dominé par des menaces invisibles et des rivalités régionales. Les militaires et les gendarmes, grâce à la lutte contre le terrorisme, sont entraînés depuis plusieurs années au combat en zone urbaine et en zone rurale, dans différents types de quartiers, au milieu d'une population qui risque d'être la victime « collatérale » des affrontements, ou qui prend fait et cause pour un camp ou l'autre. Mais ils le sont dans une optique d'affrontement avec un ennemi plus ou moins identifié, ou dans un contexte de restauration de la paix et de la stabilité -le tout justifiant l'emploi de moyens lourds et de personnels entraînés au combat de ce type. Entre les militaristes à outrance regrettant amèrement l'état d'urgence et les antimilitaristes patentés parlant le plus sérieusement du monde de choses qu'ils ne connaissent absolument pas, les plus méconnus demeurent nos soldats. «Nos» car, militaires de la république algérienne, ils sont avant tout au service de leurs concitoyens. Et ils sont des centaines de milliers à être dans ce cas, au service d'une population qui les déconsidèrent et, parfois même, les ringardisent par la faute de nouveaux prophètes qui prêchent le changement à tout bout de champ. Les corps de sécurité n'ont pas d'ambitions politiques. Les récents remaniements intervenus au sein de l'ANP ne sont pas une manœuvre visant à faire oublier aux citoyens la demande du changement ; ils relèvent plutôt d'une exigence imposée par la conjonction de plusieurs facteurs, induits par la situation régionale et internationale. Dans le cas du déploiement essentiellement sécuritaire qui se poursuit avec la même abnégation, il s'agit d'une présence en principe dissuasive, face à un adversaire invisible et le plus souvent inexistant : c'est un travail de veille « au cas où », souvent statique ; ou de patrouille, qui vise à protéger des sites dits « sensibles » (centres de pouvoir, édifices publics, nœuds de transports et communication, écoles, etc.), et à assurer la sécurité de leurs occupants, tout en rassurant si possible les populations. Certaines poches réfractaires d'ici et d'ailleurs doivent comprendre que l'armée algérienne est une institution populaire, moderne, républicaine et citoyenne qui ne peut être exclue de l'architecture de l'Etat avant la transition démocratique, elle fait donc parité des institutions plus ou moins privilégiées par la situation. Il est donc logique que certains de ses membres adoptent des attitudes conservatrices. L'attitude des militaires face au processus de démocratisation est largement conditionnée par l'attitude des forces sociales en présence sur la scène politique. Les rapports que la société et l'armée entretiennent figurent au nombre des facteurs déterminants. D'une part parce que l'armée n'évolue pas en vase clos et donc les représentations sociales de l'armée auront un impact en son sein et d'autre part car la hiérarchie militaire doit évoluer et s'adapter en fonction de ces représentations. Et cela, l'armée algérienne l'a bien compris.