Victime d'un nouveau trou d'air avec la mise en examen de son président Joseph Blatter par la justice suisse, l'avion FIFA risque de perdre son pilote et même Platini, grand favori à la succession du Suisse à la tête du football mondial, est pris dans les turbulences. Démissionnaire depuis le 2 juin, quatre jours après sa réélection à un cinquième mandat à la tête de la Fifa, le Valaisan de 79 ans pensait pouvoir gérer les affaires courantes jusqu'en février et ce Congrès électif qui décidera de son héritier. Mais l'intervention des enquêteurs suisses vendredi pourrait rebattre les cartes. Poursuivi pour soupçon de «gestion déloyale» et «abus de confiance», Blatter peut-il rester à son poste ? Pourquoi pas. Mais ce serait un traitement de faveur, alors que tous les hauts dirigeants de la FIFA interpellés avec fracas le 27 mai à Zurich à la demande de la justice américaine, sur fond de soupçons de corruption, ont été eux suspendus dans les 24 heures par la FIFA. «Dans cette situation de chaos, c'est impossible que le président tienne jusqu'à l'élection du 26 février», veut croire le quotidien espagnol Sport. Et le quotidien suisse Le Matin d'appeler «à la démission (de Blatter), une vraie cette fois, pas un de ces faux départs permettant de continuer à tirer les ficelles». «Cette fois, Sepp Blatter risque la prison», jusqu'à dix ans, assure le quotidien suisse Le Temps samedi, soulignant cependant que si «le vieux lion est blessé, (...) il n'est pas encore mort». Selon le journal, «son sort dépend du comité exécutif de la FIFA, et si celui-ci dit (à la justice suisse) qu'il n'a pas vraiment été lésé dans l'affaire, ce dernier ne pourra pas faire grand-chose. En définitive, si le système juge qu'il est préférable de sauver Blatter, il peut encore s'en sortir. Peut-être une chance sur deux». Si elle se retrouvait privée de son commandant de bord attitré depuis 17 ans, alors qu'elle est déjà sans copilote depuis le 17 septembre, avec le limogeage de son secrétaire général, le Français Jérôme Valcke, quelques heures à peine là aussi après avoir été accusé d'avoir trempé dans une affaire de revente sur le marché noir de billets du Mondial 2014, la FIFA devrait alors se trouver un nouveau patron. En tant que vice-président senior, ce serait au Camerounais Issa Hayatou, patron du football africain depuis 1998, de prendre les rênes. Mais l'ancien coureur de demi-fond de 69 ans n'est pas non plus exempt de reproche. En décembre 2011, le Comité international olympique lui avait infligé un «blâme» ayant valeur de «sanction» pour avoir perçu 100.000 francs en liquide de la part d'ISL, un partenaire commercial de la Fifa, en 1995. Un conflit d'intérêt avait jugé la commission d'éthique du CIO. Encore grandissime favori vendredi matin pour le poste de meneur de jeu du football mondial, à l'issue de l'élection du 26 février, Michel Platini est désormais menacé de ne pas monter à bord depuis les révélations des enquêteurs suisses. Et notamment ce versement de 2 millions de francs suisses (1,8 M EUR) reçu de Blatter en 2011, «prétendument pour des travaux effectués entre janvier 1999 et juin 2002». Face à cette accusation d'emploi fictif, le patron de l'UEFA s'est défendu dès vendredi soir en parlant d'un versement effectué pour «un travail accompli de manière contractuelle pour la Fifa». Mais l'explication n'avait pas convaincu tout le monde samedi. «Le FIFAgate touche Platini», souligne ainsi Sport en Espagne, pour qui «la FIFA est un bunker de corruption prêt à exploser». C'est «la dernière partie du Roi Michel (en français), et il risque de tout perdre», craint même la Repubblica en Italie. Car le doute est là. «Pourquoi payer en 2011 un travail fait pour la FIFA 10 ans plus tôt», s'interroge la Gazzetta dello Sport. «C'est un peu gros», accuse le quotidien bruxellois La Dernière Heure, selon qui il devient «difficile pour Platini de rester un candidat crédible à la succession de Blatter». A la différence de la presse anglaise, qui se focalise surtout sur Blatter, l'éditorialiste du Bild en Allemagne appelle lui à un grand nettoyage: «Blatter, Platini, tous dehors», demande-t-il, en prenant l'exemple de Martin Winterkorn, «qui a endossé le scandale VW et a démissionné». Du côté de la presse française, l'heure est encore à la défense de «l'icône» du foot tricolore, pour reprendre le terme du Parisien/Aujourd'hui en France. «Lorsqu'il s'est lancé, il se doutait bien que les cinq mois de campagne seraient très longs et parsemés de chausse-trapes. Il y est», commente de son côté le quotidien sportif L'Equipe.