Le secteur automobile ne sortira pas indemne de la crise majeure que traverse le pays depuis la chute du prix du baril. Demande en berne, chiffre d'affaires en chute, perspectives maussades, cahiers de charges contraignants, véhicules bloqués dans les ports, taxes salées, importations en baisse ces mauvaises nouvelles sont inhabituelles dans un secteur qui a connu une rentabilité à deux chiffres ces quinze dernières années. Le boom des ventes et les temps de prospérité c'est désormais de l'histoire ancienne. L'annonce du plan d'austérité budgétaire par le gouvernement a finalement enterré les derniers espoirs des concessionnaires. Cependant, c'est le gel des importations de véhicules et la dépréciation sévère du dinar qui ont été l'ultime coup de couteau assené à un secteur en difficulté depuis deux ans. L'essoufflement des ventes de voitures en 2014 a été un signe avant-coureur de la crise sans précédent que traverse le secteur. Les prémices du ralentissement de l'activité dans ce créneau n'avaient pas été prises au sérieux par les concessionnaires qui se trouvent ainsi pris par surprise par la récession. Les concessionnaires, qui sont écartés des cercles de décision, se contentent de réagir après coup à ce fléchissement de leur activité économique en optant pour des solutions radicales : hausse des prix sur tous les modèles, boycott des salons et manifestations économiques, réduction des dépenses publicitaires, licenciement économique des CDD et révision de la stratégie commerciale. DES HAUSSES DE 30 A 50% DES PRIX SUR PRESQUE TOUS LES MODELES Un climat morose règne depuis fin 2014 dans l'ensemble des showrooms. Les rares clients qui s'aventurent à l'intérieur des espaces de vente sont rapidement découragés par les nouveaux prix pratiqués par les concessionnaires. Nombreux ont été contraints de reporter leurs achats pour la fin d'année pour profiter des promotions, alors que d'autres ont tout simplement abandonné leur rêve d'acquérir une voiture neuve. Cette contraction de la demande a été confirmée récemment par une étude de l'Association nationale des concessionnaires automobiles (AC2A) qui a révélé que 100.000 Algériens ont procédé à l'annulation de leurs commandes d'achat de voitures qu'ils ont passées voici quelques mois. Certains citoyens auraient même versé la première tranche auprès des concessionnaires. Les Algériens ne sont plus intéressés par l'achat des voitures en raison non seulement de la flambée des prix des véhicules neufs, mais également à cause des prochaines hausses sur les prix de l'essence et du gasoil. La flambée vertigineuse des prix des voitures neuves dissuade les acheteurs les plus téméraires. Les prix des voitures ont ainsi enregistré en moyenne des hausses allant de 30 à 50%. Cela représente en argent comptant des majorations allant de 40 à 100 millions de cts, voire plus pour certains modèles de luxe. Les prix pratiqués aujourd'hui frôlent souvent l'insolence, sinon comment peut-on justifier un prix de 111 millions de cts pour une petite citadine animée par un moteur trois cylindres ? L'exemple le plus éloquent est la nouvelle Alto K 10 de Suzuki qui a vu son prix progresser de 71 millions de cts fin 2013 à 111 millions de cts actuellement. Certes, la nouvelle Alto K 10 a été dotée de l'ABS et d'un double airbag, mais ces nouvelles «options» peuvent-elles justifier une majoration de 41 millions ? La Suzuki Swift avec un moteur de faible cylindrée (1.2) est proposée à 142,7 millions de cts (+32,7 millions de cts), contre 133 millions de cts pour sa jumelle Dzire (+34 millions de cts), 153 millions de cts pour la Suzuki Ertiga et enfin 204 millions de cts pour la Ciaz. Il faut dire qu'avec ces prix, les clients ne se bousculent pas dans les showrooms de la marque japonaise qui propose toutefois une livraison immédiate. Chez Nissan, l'autre marque japonaise, les prix ne sont pas plus accessibles. En l'espace de trois mois, le prix de la Micra est passé de 105 millions de cts à 146 millions de cts, soit une hausse de 41 millions de cts. Quant à la nouvelle Micra MC, elle est proposée à partir de 149 millions de cts. La Nissan Sunny, en fin de série, a enregistré une légère hausse de 4 millions de cts soit un prix de 139 millions de cts contre 135 millions de cts il y a quatre mois. Concernant le showroom de la marque au losange, le stock de la nouvelle Renault Symbol (Dernaha Djazairia avec son faible taux d'intégration de 17% !) est totalement épuisé. «Il faut attendre l'approvisionnement du showroom pour passer votre commande. Vous devriez ensuite patienter 20 jours pour la livraison. Il existe toutefois la Symbol Diesel fabriquée en Roumanie. Son prix avoisine les 143 millions de cts et il faut attendre 45 jours au moins pour la livraison », affirme ce commercial. Les prix de la Symbol made in Oued Tlélat varient entre 126 et 136 millions de cts selon les modèles et la motorisation. Avec un budget de 130 millions de cts, un acheteur potentiel n'a plus l'embarras du choix. Il peut néanmoins se rabattre sur l'édition run-out ou «fin de série» Hyundai Accent «Last Edition» qui s'est forgée une solide réputation de fiabilité dans notre pays et dont les prix ont légèrement flambé ces derniers mois pour passer de 106 millions à 128,9 millions de cts, soit une différence de 23 millions de cts. Outre son prix abordable, cette robuste voiture est disponible dans l'immédiat. Le constructeur sud-coréen propose aussi le modèle I 10 GL clim. plus à 117,9 millions de cts. Des prix de ces deux modèles ont certes enregistré de légères hausses, mais ils restent cependant abordables par rapport à ceux pratiqués par les autres concessionnaires. Il faut toutefois préciser que les prix des modèles de luxe de ce constructeur sont hors de portée pour la plupart des acheteurs potentiels. Le Hyundai Santa Fe est proposée entre 317 millions et 444,9 millions de cts, selon la motorisation et selon les options offertes. Le prix du I 40 SW commence à partir de 366,4 millions de cts, contre 288,9 millions de cts pour la Sonata. Quant au concessionnaire Sovac qui fait partie du réseau du groupe Volkswagen et commercialise plusieurs marques de voitures, il semble le plus pénalisé par cette récession économique. Dans le showroom de ce concessionnaire, presque tous les modèles du groupe Volkswagen étaient non disponibles. La cause n'est sûrement pas le scandale qui a ébranlé le constructeur allemand après la découverte par les contrôleurs américains du logiciel secret qui fausse les résultats des tests antipollution vu que la quasi-totalité des acheteurs potentiels algériens se soucient peu de l'impact des émanations toxiques sur l'environnement. Selon un commercial, qui a souhaité garder l'anonymat, les importations des véhicules ont été suspendues en raison de la dépréciation sévère du dinar qui a perdu près de 30% de sa valeur en l'espace de quelques semaines. La suspension provisoire des importations aurait été prise en raison de la dégradation continue du pouvoir d'achat des couches moyennes en Algérie et qui représentent le plus gros potentiel du marché automobile. «Avec la dépréciation continue de la monnaie nationale, les voitures allemandes seront inaccessibles pour les couches moyennes. Un modèle de base devra coûter désormais pas moins de 200 millions de cts. Le stock a été totalement épuisé et nous avons des milliers de véhicules touristiques bloqués aujourd'hui dans les ports depuis mars dernier. Nous allons même boycotter le salon AutoWest en décembre prochain vu que nous n'avons rien à vendre», confie notre source. Le groupe Sovac qui a réussi ces dernières années à recadrer sa stratégie marketing en ciblant davantage les couches moyennes subit de plein fouet les affres de la récession économique. Il n'est pas le seul d'ailleurs vu que de nombreux concessionnaires de marques européennes et japonaises risquent de pâtir de cette baisse du pouvoir d'achat des Algériens. Dans certains showrooms que nous avons visités la semaine écoulée aucune voiture n'est exposée, à l'exemple du concessionnaire du constructeur italien Fiat. L'étendue de la crise du marché automobile commence à se faire pleinement sentir sur l'économie nationale et aura des répercussions immédiates sur d'autres secteurs d'activités à commencer par la publicité et les manifestations économiques. LE SALON AUTOWEST 2015 AURA-T-IL LIEU ? L'annulation pure et simple de la prochaine édition du salon AutoWest 2015 est une option à prendre au sérieux, et ce au vu de la situation particulière que traverse le secteur de l'automobile en Algérie. Les défections seront nombreuses et le salon risque d'être réduit à quelques marques françaises et asiatiques. Plusieurs représentants de constructeurs automobiles devront boycotter cet événement annuel pour des causes économiques. «La situation est particulière et complexe sur le marché automobile. Il y aura certainement quelques marques qui seront absentes du salon AutoWest 2015. Le marché manque terriblement de visibilité. Les organisateurs de l'événement sont en train de faire le maximum pour que le salon se tienne en décembre prochain. Il n'est pas annulé pour l'instant et il ne devra pas être reporté», déclare une source autorisée et proche des organisateurs salon. Les concessionnaires préfèrent faire leur salon dans les showrooms plutôt que sous les pavillons du Palais des Expositions du CCO. Les raisons du boycott du salon sont multiples : blocage des importations, non disponibilité des voitures, contraction de la demande, coûts élevés de la participation et impact minime du salon sur les ventes de voitures.