Noureddine Boukhatem a cassé le tabou : « Des mauvais payeurs parmi les locataires de nos biens jouissent de la couverture de certains responsables communaux. Se sentant immunisés, ils ne s'inquiètent pas d'avoir une lourde ardoise parce qu'ils se savent être dans les bonnes grâces de certains gestionnaires. On va intenter des actions en justice et on verra si de tels privilèges leurs garantiront l'impunité. Tout le monde étant averti, chacun assumera ses responsabilités ». Charité bien ordonnée commence par soi-même, le premier magistrat de la ville d'Oran s'est occupé des défauts propres à son administration avant de s'en prendre aux « autres ». Et il a passé, le plus clair du temps consacré à la 5ème session ordinaire de l'APC, tenue avant-hier jeudi, en son cabinet, à s'autocritiquer. Car le mal endémique de la plus grande commune du pays, en matière de capitalisation de son propre patrimoine, le président de l'APC l'incombe -à raison- à des « dysfonctionnements internes » aggravés par certains « agissements sournois », qu'il n'a pas d'ailleurs hésité à qualifier de « complicité ». Le fait est là : considéré comme étant riche par son sommier de consistance, Oran est pauvre par ses recettes. Cette réalité amère, le maire ne s'en est pas détournée, en puisant l'ordre du jour de la dernière session 2015, par une analyse tendre et caressante du projet du budget primitif 2016. Au contraire, des décisions ont été prises. Celle revêtant plus le caractère « urgent » d'entre elles : le recouvrement des créances. Ainsi, les instances concernées, dont le service des contentieux, ont reçu pour ordre de procéder, séance tenante, à des sommations interprétatives, à l'encontre des mauvais payeurs, parmi les locataires et les concessionnaires. Aucune voie administrative légale, permettant à la commune de récupérer ses redevances ne sera contournée, à cet effet et, en ultime recours, les PV sur lesquels seront consignés les réactions (défavorables) des contractants, interpellés par voie d'huissier de justice, feront foi, en tant que preuves à charge, devant les tribunaux. Un responsable du recouvrement débriefé, en cours d'audience, et qui a brillé par son air zen et son ton léger à l'évocation de certains « cas extrêmes » de débiteurs récalcitrants, à l'image de ce concessionnaire d'une gare routière dont les dettes frisent la ligne de 2 milliards, en 2015, a eu droit à une diatribe, en règle de la part de M. Boukhatem. « D'ici au 31 décembre, vous avez des comptes à me rendre sur chaque dossier. Plus que vos postes qui sont en jeu, vous risquez des poursuites judiciaires, si votre négligence, pour ne pas dire connivence, sera avérée », a mis en garde le maire. « Nous sommes dans une conjoncture de rationalisation budgétaire. Il faut faire fructifier, de manière rigoureuse et optimale, toutes nos ressources, dont en premier lieu notre sommier de consistance. Il faut se serrer davantage la ceinture. Oran est une commune riche, elle ne doit pas plus être une municipalité budgétivore et dépendre des subventions de la wilaya », a-t-il enchaîné un peu plus loin. UN BUDGET PRIMITIF 2016 DE 501 MILLIARDS En fait, l'APC table, dans son projet de budget 2016, sur 30,2 milliards de centimes, au titre des recettes, soit plus que le double (précisément 217%) par rapport aux prévisions de l'exercice en cours 2015, dont le total des recettes globales seront de l'ordre de 87,7 milliards. Un chiffre qui reste bien en-deca de la valeur réelle du patrimoine municipal mis en concession et autres ressources de la trésorerie communale (frais de cahiers de charges, voie publique, terrasses, kiosques, gares routières et parkings, taxes sur permis de construire, droit de voirie et DVC, droit de garderie DAS, billetterie, location et abonnement de stades et salles de sports, fourrière communale, auto et DHA, logements, locaux loués aux administrations et aux œuvres sociales externes, marchés et centres commerciaux, pépinières, abattoirs, salles de cinéma et autres locaux gérés par les services de la Culture, etc.). Ceci d'autant qu'il y aura un déficit (pour l'année 2016 par rapport à 2015), en termes de recettes fiscales (taxe sur l'activité professionnelle, taxe foncière d'assainissement, taxe sur la valeur ajoutée, retenu locatif IRG foncier, impôt forfaitaire unique) de l'ordre de 17 milliards. Pour le recouvrement direct de la commune (le patrimoine communal, la taxe d'abattage, la taxe de séjour, les 40% de la subvention pour faire faire à l'augmentation des salaires et les 50% de la moins-value 2015, inscription par anticipation), le tableau des recette fait état d'un déficit de 77 milliards. Le budget primitif 2016 de la commune d'Oran s'élève à 501 milliards de centimes, dont 410 milliards sont consacrés au fonctionnement (81%) et 91 milliards à l'équipement (19%). Sur les 410 milliards réservés au fonctionnement, 157 milliards sont mis à part pour faire face à la masse salariale, sachant que la commune compte 5.350 salariés titulaires, 401 agents saisonniers, 900 contractuels, 80 agents de sécurité, 75 chauffeurs contractuels, 680 gardiens, le reste des saisonniers auprès des différentes divisions : DVC, DPE, DHA..., soit au total 8.860 salariés. Il faut, également, relever un déficit assez important en budget d'équipement, de l'ordre de 83 milliards (91 milliards en 2015 contre 174 milliards en 2016), sachant, par ailleurs, qu'a été octroyé, en 2015, un montant global de 37,3 milliards au titre de subvenions aux différentes entreprises publiques EPIC de la wilaya et autres actions sociales.