Monsieur le premier ministre en visite à Sétif a profité pour rassurer les citoyens en « tentant » de clarifier le contenu des articles 66 et 71 de la loi de finance pour l'année 2016. Avant lui son ministre de finance devait multiplier des sorties médiatiques pour créer tout haut que les entreprises stratégiques comme Sonatrach, Sonelgaz, Naftal et bien d'autres ne « seront » pas concernées par cet article mais s'applique au reste des entreprises d'Etat sans en citer un exemple. L'objectif visé selon le gouvernement est d'encourager les 3 P (Partenariat Public-Privé) afin de produire national et, partant, faciliter l'exécution du programme quinquennal. Quant à l'article 71, il s'agit selon eux d'un simple artifice financier loin de donner les coudées franches au ministre des finances qui devra soumettre ses propositions au premier ministre pour toute prise de décision. La centrale syndicale s'est réveillée après le mouvement de protestation de la SNVI Rouïba pour emboiter le pas aux membres du gouvernement pour dire nous sommes là et nous nous opposerons à toute tentative de privatisation des grandes entreprises étatiques comme on l'a fait auparavant en sous entendant durant l'ère de Chakib Khalil. Le commun des mortel, quand il assiste à ce genre de débat stérile, peut être délibérément provoqué se pose la question en s'appuyant sur l'adage populaire « pourquoi prendre un fil très fin pour coudre une déchirure et être obligé de le mettre en deux dans une aiguille ? »En effet, si le législateur ou le commanditaire de cet article avait des intentions correctes pour ne pas utiliser le terme « honnêtes » pourquoi n'aurait-il pas formalisé noir sur blanc cette réserve ou exception pour être contraint de l'expliquer verbalement plus tard ? Et avec quelle garantie ? L'article 66 stipule clairement sans aucune ambigüité qu'il s'agit là de toutes les entreprises économiques qui réalisent des opérations d'ouverture du capital social. Pourquoi juridiquement Sonatrach ou Sonelgaz et encore plus Naftal en tant filiale de Sonatrach ne le feraient pas puisque l'exception n'est pas notée ? Le verrou des 51% est descendu à 34% sans distinction d'une activité stratégique quelconque. Leur cession totale est acquise après cinq ans sous forme d'une option d'achat. Dans l'exposé des motifs, on ne souffle pas un mot des entreprises stratégiques comme on est en train de faire maintenant à travers une phraséologie qui se dit rassurante. Bien au contraire, cet exposé des motifs dit indirectement être mis devant un fait accompli parce que cette disposition figure sur les modifications en cours du code des investissements (ordonnance 01-03). Quant à l'article 71, le débat ne touche en rien le citoyen puisque le ministre des finances sera chargé de présenter des rapports de l'évolution des recettes de l'Etat et s'il les juge en déca de ce qui est prévu, il fera des rapports sur des gels éventuels des projets en cours ou programmés et ils seront discutés au niveau du conseil du gouvernement pour procéder à des coupes par décret. Combien même, on attendra la loi de finance complémentaire pour 2016 pour le faire, on se demande pourquoi ils ne passeraient pas le pouvoir législatif? Donc, on aurait pu économiser la salive d'un débat à côté de la plaque. Que cachent ces manœuvres ? Pourquoi les membres des gouvernements se justifient-ils autant ? Assiste t-on à l'achèvement des grandes entreprises nationales en Algérie. 1- Y a-t-il un bilan sur la privatisation en Algérie ? Ce processus de privatisation sous toutes ses formes : cession directe, partenariat a commencé sa mise en œuvre tout au début des années 90 sans pour autant tirer un bilan crédible qui permettrai une mesure aussi expéditive que celle d'ouvrir des options d'achat après cinq ans d'exploitation dont on n'a pas encore apprécié sa rentabilité. En effet, Le processus commence avec les lois de 1988 qui érigent les entreprises du secteur industriel en sociétés par actions régulées par huit fonds de participations. Leur statut juridique est codifié par les différentes ordonnances, signées entre 1995 et 2002. Aux fonds de participation succèdent les holdings. Le nouveau cadre juridique, adopté en 2001, facilite le processus de privatisation en simplifiant les procédures. Ce dernier n'étant pas clair et difficile à mener car la notion d'entreprise publique est un concept complexe à cerner. Il est néanmoins possible de la définir comme une entreprise où l'Etat exerce un rôle d'actionnaire qui veille à la santé financière de celle-ci et à la juste rémunération des capitaux investis par la collectivité. Sa privatisation s'inscrit en toute cohérence avec l'ordonnancement des réformes structurelles, d'autant plus que depuis sa création le secteur public marchand domine l'économie nationale et c'est lui le principal pourvoyeur de l'emploi. La stratégie adoptée limite, momentanément, le domaine des privatisations par une définition des secteurs concernés. Elle procède selon une méthode graduelle, qui doit être adaptée aux caractéristiques de chaque pays. En effet, ce processus n'a pas eu les mêmes résultats selon certaines expériences nationales. L'analyse sectorielle, menée par de nombreux auteur montre que les industries et les services à forte valeur ajoutée restent sous-représentés dans l'économie algérienne. Les secteurs les plus importants de l'économie algérienne sont des secteurs vulnérables à croissance extensive car dépendant soit directement des prix du brut soit de la fluctuation du dollar comme monnaie de facturation ou éventuellement de la pluviométrie pour réguler ses importations alimentaires. L'analyse du rapport entre croissance et régime de propriété, basée sur l'évolution des valeurs ajoutées courantes entre 1994 et 2015, on fait ressortir que généralement les secteurs à forte «intensité capitalistique restent encore à dominance publique et ne semblent pas attirer suffisamment les capitaux privés. S'agissant de l'analyse de l'expérience algérienne de privatisation, la situation qui prévalait dans les entreprises d'Etat est plutôt liée à l'inefficacité productive et les déficits financiers qui justifient leur le désengagement des pouvoirs publics vis vis d'elles. L'Etat a pompé des dizaines de milliards de dollars pour les assainir en vain. Selon une thèse soutenue à la Sorbonne nouvelle (1), l'Etat en optant pour la privatisation du secteur public s'est fixé cinq objectifs, montrant l'ambition affichée par le gouvernement dans sa démarche de privatisation. C'est précisément dans cette ambition que s'est incrusté l'échec du programme de privatisation. En voulant en faire une panacée, le gouvernement algérien a rendu le programme de privatisation très difficile à concrétiser. Un bilan éclair établi sur la période 1995 à 2006 est bien décevant. Le nombre des entreprises cédées est faible et il s'agit de petites unités. Selon cet analyste, l'Etat à raté trois facteurs qui constituent des pré-requis pour une privatisation réussie : la construction d'un système de financement efficient, la consolidation d'un tissu d'entreprises compétitives et la construction d'un vivier de managers. Par ailleurs, il faudrait améliorer le climat des affaires pour favoriser l'apparition de champions locaux et faire de l'économie algérienne un pôle attractif d'investissement dans la région où se situe le montage de partenariat. En attirant les investissements stratégiques comme les sièges régionaux de groupes multinationaux. La stratégie industrielle pourrait constituer un complément utile aux privatisations et permettre l'apparition de champions locaux ou régionaux. 2- L'exemple du partenariat public-privé Groupe Amor Benamor /Eriad est édifiant Il faudrait peut être souligner que le citoyen qu'on tente de rassurer et de convaincre n'est pas dupe, il constate de visu les échecs sur le terrain pour ne citer qu'un : celui que vient de monter le groupe ERIAD avec celui de Amor Benamor sur le complexe de Corso. En déplacement officiel en Algérie, le président du Sénat français, Gérard Larcher, s'est rendu, le jeudi 10 septembre, à Corso, dans la wilaya de Boumerdes pour visiter le complexe Mediterranean Mills Company, issu de la réhabilitation du complexe de l'ex-Sempac de Corso. L'invitation à visiter cet ensemble industriel versé dans l'agroalimentaire, qui est, rappelons-le, en cours de réhabilitation complète, grâce au partenariat entre le Groupe Benamor et Eriad Alger, a permis aux autorités algériennes de démontrer à leurs hôtes que le pays est en mesure d'intégrer dans son tissu industriel des processus de production modernes et de réaffirmer par ailleurs leur volonté de développer le secteur de l'agroalimentaire. Cette visite fortement médiatisé a fait dire au leader du groupe Amor Benamor en plaisantant avec le responsable politique français que les Algériens ne différent pas des français dans la consommation des baguettes car ils consomment prés de 40 000 000 par jour. La boulangerie industrielle d'une capacité de 460 000 baguettes/jour soit 150 tonnes de farine est opérationnelle depuis fin 2014 avec l'acquisition d'une ligne complète acquise par le groupe privé et une avance sur achat pour une minoterie de farine pour assurer ses propre « input » Les équipements hérités de l'ex-Sempac ont été complètement renouvelés, font partie d'un complexe qui s'étend sur prés de 14 hectares comprenant une minoterie, une unité de fabrication de pâtes alimentaires et de couscous, une biscuiterie et une immense batterie de silos dont la capacité dépasse les 120 000 tonnes. Un visiteur dans la wilaya de Boumerdes constatera que durant l'été et le Ramadhan 2015, les baguettes de pain inondaient les épiciers de la wilaya jusqu'à le distribuer dans les parcs. A peine un mois après plus rien, on apprend que le complexe est à l'arrêt, les contrats annuels des travailleurs ne sont plus renouvelés et ceux qui sont sur place restent dans des vives inquiétudes parce qu'ils ne comprennent pas pourquoi. Selon toute vraisemblance, le groupe privé réputé champion dans l'agroalimentaire et notamment la conserve de la tomate a ramené de l'argent frais en engageant les actifs de son groupe. Alors on est en droit de se demander qui d'ERIAD ou du groupe privé tire l'autre vers le bas. Quelqu en soit les raisons de cet arrêt effectif, elles ne peuvent justifier un tel montage qui devait servir d'exemple. 3- Ce n'est pas la première fois que Sonatrach est convoitée Sonatrach a été créée par le décret présidentiel n° 63-491 du 31/12/1963 portant agrément de la société nationale de transport et de commercialisation des hydrocarbures, approuvant ses statuts, sous la forme juridique de «Société anonyme à capitaux publics», régit par les lois qui étaient en vigueur s'inspirant fortement de droit français car le premier code de commerce algérien n'a vu le jour qu'en 1966. Depuis ses statuts se modifie par décret présidentiel dans le dernier est celui signé par Bouteflika le 23 septembre 2000 dans une vision de donner une portée stratégique à son organisation et surtout de définir les procédures de nomination de son management à commencer par son PDG et ses vices présidents. La première tentative de privatisation de Sonatrach a commencé avec les technocrates des années 90 qui voyaient en elle un géant aux pieds d'argiles, une structure résiduelle après sa restructuration organique et financière en 1982 voire même une coquille vide. Le feu Benhammouda, alors secrétaire réformateur de l'UGTA, s'est intercédé auprès de Liamine Zeroual alors Président de la République pour la verrouiller afin de l'éloigner de ces convoitises à la solde des compagnies américaines. Il a signé un décret le 11 février 1998 portant statut de la société nationale. Ce décret défini dans son article 05 son capital social de deux cents quarante cinq milliards de dinars répartis en deux cents quarante cinq milles actions d'un million de dinars chacune entièrement et exclusivement souscrit et libéré par l'Etat. Pour pousser le verrou à un maximum de cran de sécurité, l'article précise que ce capital est Inaliénable, Insaisissable et Incessible. La ruse de Chakib Khalil par sa loi sur les hydrocarbures de 2005, de suite modifiée a été justement de déverrouiller Sonatrach en supprimant ces « 3I » de son statut. Elle n'a pu le faire face à un syndicat impliqué avec sa base mais, est-ce le cas aujourd'hui ? Il faut aussi préciser par ailleurs que cette disposition dans la loi des finances ne changera pas grand-chose et n'est pas du tout opportune car dans le secteur industriel, et nous venons de le montrer il ya très peu d'entreprise d'Etat « mariables » malgré les sommes importantes englouties. Donc les seules visées sont celles à fortes croissance comme justement Sonatrach, Sonelgaz, Naftal, et celles de télécommunication. Donc ceux qui ont poussé à faire figurer cet article savent bien qu'une loi peut abroger un décret mais le contraire ne l'est pas. En dépit de la bonne volonté de Monsieur Sellal, il n'est pas immuable dans sa fonction. La seule assurance aurait été de faire figurer ces exceptions expressément dans cette loi. Auquel cas, on aurait économisé de la salive pour un autre débat plus productif. * Consultant et Economiste Pétrolier Renvoi : (01)- En absence de rapport exhaustif officiel, la thèse soutenue par Abdeljalil BOUZIDI à la Sorbonne nouvelle offre une analyse pertinente à lire