La visite avortée du secrétaire général des Nations unies M. Ban Ki-moon au Maroc, dans le cadre de sa toute première tournée dans la région avec escale à Alger, pour faire avancer le processus de décolonisation au Sahara occidental, n'a pas encore révélé tous ses secrets, mais ses raisons sont évidentes. Elles sont liées au fait que le royaume chérifien ne veut pas d'une autre solution à cette question de décolonisation autre que «sa solution», celle de la troisième voie, «l'intégration» de ce territoire non autonome, occupé, au Maroc. «Le voyage du secrétaire général (au Maghreb) se fera en deux temps », a expliqué, le 29 février dernier, son porte-parole, Stéphane Dujarric. Et la visite de M. Ban en Algérie, qui a été couronnée de succès, ne semble pas, à l'évidence, aller dans le sens des objectifs coloniaux du Maroc qui a fait récemment un large lobbying auprès des monarchies du Golfe pour investir au Sahara occidental. En fait, les déclarations de M. Ban à Alger sont extrêmement positives pour débloquer ce dossier. Il a notamment, rappelle-t-on, indiqué que les membres de la MINURSO sont « prêts à organiser un référendum s'il y a un accord entre les parties ». Dans la même foulée, il a annoncé avoir demandé à son envoyé personnel, Christopher Ross, de « reprendre ses tournées », avant de déplorer que Rabat et le Polisario « n'ont fait aucun progrès réel dans les négociations devant aboutir à une solution juste et acceptable par tous, fondée sur l'autodétermination du peuple du Sahara occidental». Des déclarations du SG de l'ONU qui ont été violemment critiquées par le Maroc, qui a accusé M. Ban d'avoir commis des «dérapages» lors d'une visite dans la région. « Le gouvernement marocain relève avec une grande stupéfaction les dérapages verbaux, les faits accomplis et les gestes de complaisance injustifiés » de M. Ban lors de sa visite (à Alger), indique un communiqué diffusé par l'agence de presse marocaine MAP. Plus grave, le gouvernement marocain menace de compromettre définitivement les efforts de l'ONU pour clore ce dossier de décolonisation, le dernier en Afrique, en relevant que « loin d'atteindre l'objectif déclaré du secrétaire général durant sa visite, de relancer les négociations politiques, l'ensemble de ces dérapages risque de les compromettre ». Un moment gelées, les tournées dans la région de M. Ross avaient repris en février 2015, mais toute avancée bute sur le refus de Rabat de donner son accord à un processus référendaire au Sahara occidental. Les autorités marocaines, par leur entêtement à braver la communauté internationale et ses décisions sur le dossier du Sahara occidental, ont contrarié cette première tournée dans la région du SG de l'ONU. « Il y aura une deuxième partie pendant laquelle le secrétaire général ira plus tard dans l'année à Rabat et Laâyoune » occupée, où se trouve le quartier général de la Minurso, a précisé par ailleurs Stéphane Dujarric, son porte-parole. Si M. Ban, selon son secrétariat général, n'a pas mis «une croix»sur un retour dans la région, probablement en juillet prochain, il devra cependant se baser sur sa tournée de mars dans la région pour élaborer son rapport sur le dossier «pendant»du Sahara occidental prévu au mois d'avril prochain lors de la réunion du Conseil de sécurité. Il devrait, sans surprise, préconiser une «énième» prolongation de la mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental. L'axe Rabat-Riyad se précise Le Maroc, isolé diplomatiquement au sein des instances internationales sur cette question de décolonisation du Sahara occidental, s'appuie dorénavant sur les monarchies du Golfe, Arabie saoudite en tête, pour faire accepter le «fait accompli» d'une colonisation franche et avérée de ce territoire, au mépris du droit international. Lundi dernier à Rabat, l'ambassadeur saoudien au Maroc, Abdelaziz El Khouja, avait annoncé, à l'issue d'une réunion entre des hommes d'affaires saoudiens et le ministre des Affaires étrangères marocain, Salaheddine Mezouar, qu'une délégation d'investisseurs de son pays se rendra dans les prochaines semaines dans les principales villes du Sahara occidental en vue d'évaluer les opportunités sur place. « C'est un message fort par lequel nous exprimons notre soutien à l'intégrité territoriale du Maroc. Et notre engagement, avec tous nos moyens, au développement de ces provinces », a-t-il précisé, cité par la presse marocaine. Pour lui, « les efforts déployés par l'Arabie saoudite en faveur du développement économique au Maroc contribueront au développement économique de l'Arabie saoudite ». Auparavant, les ministres marocains de l'Intérieur, Mohamed Hassad, et des Finances, Mohamed Boussaïd, avaient fait une tournée dans les pays influents du CCG (Conseil de coopération du Golfe) pour acheter leur soutien à la politique expansionniste du Maroc au Sahara occidental. Selon la presse marocaine, « les deux ministres avaient remis un message du monarque au roi Salman. C'est d'ailleurs le même message qu'ils ont transmis, quatre jours auparavant, à l'émir du Koweït ». « L'engagement saoudien d'investir au Sahara devrait être suivi par l'arrivée de capitaux en provenance du Koweït, du Qatar et des Emirats », relève encore la presse marocaine. Or, au vu des événements politiques et diplomatiques de ces derniers jours, la décision de Riyad, des Emirats arabes unis et, dans une moindre mesure, du Qatar, de s'aligner sur la politique suicidaire et coloniale du Maroc n'est pas fortuite, encore moins sans contrepartie. C'est du moins une des explications du refus du Maroc d'abriter le Sommet arabe, prévu à Marrakech les 7 et 8 mars prochains, après un premier report. Le Maroc aurait négocié le soutien de Riyad à son hégémonisme au Sahara occidental, en s'abstenant d'organiser ce Sommet arabe, selon la presse électronique marocaine. Dans son communiqué, le ministère marocain des Affaires étrangères indique notamment avoir informé le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, de cette décision du Maroc de « céder son droit d'organiser » cette réunion, et qu'il craint la tenue d'un Sommet où les discours donneront « une fausse impression d'unité et de solidarité (...) dans un monde arabe qui traverse une période difficile ». Aux interrogations des observateurs arabes, et même les milieux politiques au Maroc quant à cette décision étonnante à un moment où le royaume chérifien a redéployé sa diplomatie, une source informée au Maroc, citée par le site «Yabiladi», pointe du doigt la responsabilité de Riyad dans cette décision. Selon ce site, cette source « pointe du doigt le contexte belliqueux qui prévaut dans la région arabe. La tenue du Sommet arabe dans une situation pareille n'aurait servi en aucun cas les intérêts de l'Arabie saoudite. Pire encore, il aurait offert une occasion en or pour des représentants de pays proches politiquement ou religieusement de l'Iran, principalement l'Irak et le Liban et, dans une moindre mesure, l'Algérie, de dénoncer à partir du Maroc, son intervention militaire au Yémen et son projet de guerre terrestre en Syrie. Ce qui aurait privé Riyad de l'appui de tous les Etats de la Ligue arabe.» En réalité, à la veille de l'annonce du Maroc de se désister de l'organisation du Sommet arabe, Riyad et ses satellites du CCG avaient classé le Hezbollah libanais comme organisation terroriste et suspendu une aide militaire au Liban estimée à 3 milliards de dollars consentie en 2013, qui devait moderniser l'armée du Liban.