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Sellal s'intéresse à la littérature et au foot !
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 17 - 03 - 2016

En visite officielle à Annaba, le premier ministre, Abdlmalek Sellal, en a profité pour appeler au téléphone l'écrivain et chroniqueur Kamel Daoud. Pour avoir su capter l'intérêt d'une aussi grande personnalité du pouvoir, ce coup de téléphone sonne comme une « intrusion » dans la sortie sur le terrain du chef du pouvoir exécutif algérien, lors de sa visite de travail dans l'est Algérien.
C'est, du moins, ce qu'en pensent les observateurs, au sujet de cette étrange méthode d'approche au plan de la communication officielle, entre le chef de l'exécutif et une plume qui s'est faite tout récemment distinguer ou chahuter, autant par ses écrits -et son prix décerné sur un tout autre continent- que par la polémique qu'elle a suscitée.
Sellal tenait-il à féliciter l'auteur primé au sein de l'hexagone et paradoxalement ignoré parmi les siens ? Tenait-il à l'encourager bien différemment que ne l'avait pourtant si bien fait pour lui Manuel Valls ? Et pourquoi donc le faire avec un si important retard et surtout par un simple coup de téléphone ?
Comment donc interpréter cette relation faite comme par procuration et surtout à distance ? Sans l'intérêt porté à la question plus haut évoquée par Manuel Valls, Sellal aurait-il pu réagir avec autant de célérité et d'abnégation ?
Après les remous littéraires de la France, Kamel Daoud fait donc réagir les arcanes de la haute sphère de la gouvernance algérienne, qui court à son secours.
C'est par ricochet que Sellal s'est donc saisi de l'affaire, voulant sans doute se ressaisir au sujet d'une plume qui fait polémique à l'étranger ; se trouvant, lui-même, pour un temps suffisamment long, être complètement dépassé par le cours des évènements pour avoir tout simplement ignoré localement ses écrits et éventuelles répercussions.
Comme esquisse plutôt tardive d'une réplique à peine voilée aux déclarations vraiment tendancieuses de son homologue français, notamment sur Facebook et lors d'un diner organisé avec la communauté Juive au CIRF, Sellal eut donc ce réflexe ingénieux ou très calculé de lui couper l'herbe sous les pieds, comme pour se rattraper au sujet d'une négligence donnée ou supposée, imputable à la gouvernance algérienne.
Du coup, ici et là, sur cette rive de la Méditerranée comme sur cette autre, de Kamel Daoud, on en fait malgré nous- forcément ou par sordide calcul politique un oiseau à apprivoiser, un ange à posséder, un son très familier, un chant du terroir et de l'espoir, un tempérament à domestiquer, un meuble rustique de la maison, une plume d'appoint de ce coin ou ce patelin, une voie si sûre à emprunter ou à baliser, un écrivain allié et très emballé, une sculpture taillée à notre mesure, un costume de grande cérémonie, un écho en devenir, un écrit à protéger…
Dans la gestion rigoureuse et très sérieuse de la communication à un niveau si élevé, pareille initiative est à inscrire dans le cadre d'une démarche qui consiste à nous rattraper en nous repositionnant stratégiquement, pour s'appuyer désormais sur le bon pied ; à défaut de quoi, il nous sera vraiment impossible de détecter l'odeur du bois qui brûle au sein de notre masure, au travers de la seule colonne de fumée que dégage sa haute cheminée !
L'ayant sciemment provoquée ou intelligemment subie, en usant de ce stratagème de «se consacrer dorénavant à l'écriture romanesque en quittant définitivement le journalisme et la chronique», cette force médiatique dont l'auteur jouit gratuitement et qui vient en appoint à un crédit littéraire en devenir, en rajoute, bien évidemment, à la publicité qu'il recherchait ou qui lui manquait encore, pour désormais le placer sous les feux de la rampe.
Tardive mais aussi décisive, plutôt maladroite que bien inspirée, car à la limite de la chose périmée, l'initiative engagée par Sellal s'oppose cependant frontalement à cette politique de la récupération savamment menée, tambour battant, sur l'autre rivage de la Méditerranée.
Et pour couper court, Sellal lui susurra un peu bruyamment à l'oreille pour juste sortir de cette position inconfortable au sein de laquelle il se trouvait : « Ecrivez en Algérie … pour les Algériens ! Gardez-vous de la manipulation qui peut être faite au sujet de vos écrits !»
Voilà qui est dit juste en deux petites phrases, en tentant d'effacer du coup deux petites semaines de retard dans la communication officielle à ce sujet, dès lors que l'Algérie, ayant trop longtemps cafouillé avant de trouver la formule qui lui convient, s'est sentie plutôt partie prenante d'un débat mettant aux prises l'une de ses plumes, dont elle ne voulait pas des développements ultérieurs de son produit que la scène médiatique pouvait provoquer ou tout logiquement générer.
Tenir court la bride à une plume pour trop longtemps encore la garder à la maison est cette seule potion magique que Sellal a pu trouver après mûre réflexion, maintes atermoiements, beaucoup d'hésitation et un retard vraiment considérable pris sur son homologue français.
La peu subtile formule utilisée, à cet effet, renseignait déjà sur le vrai malaise et la grande gêne dans lesquels se trouvait le responsable algérien. Il aurait probablement aimé ne pas interférer dans ce débat qui mettait si maladroitement d'ailleurs, faut-il en convenir ?!- en cause des constantes de l'Algérie et de son peuple, de confession musulmane, dans le règlement des problèmes quotidiens de l'Occident.
Ayant clos le débat à sa manière, Sellal renvoie donc l'écrivain algérien au manoir. A la maison ! Sachant que la littérature est universelle et qu'elle se moque royalement des frontières psychologiques et physiques des territoires et des hommes, il n'aura fait que reporter le débat à plus tard et sur cet autre continent car, celui-ci est déjà définitivement engagé chez l'occident et bien scellé chez nous !
Au plan de l'utile et la lucide communication, sans apporter quoi que ce soit au débat engagé à ce propos, Abdelmalek Sellal n'aura fait qu'éviter in extrémis ce « hors-jeu » flagrant dans lequel il se trouvait, ne pouvant malheureusement embarquer avec lui, dans sa tardive réaction, tout ce beau monde encore intéressé à la poursuite du débat sur la question posée. Et comme l'artiste de la plume a plutôt beaucoup de choses communes ou de ressemblances avec l'artiste de balle ronde, tous les deux seuls talents ou « produits » encore exportables en ces temps de vaches maigres, après le déclin vertigineux des prix du brut, cet arbre qui nous cachait si longtemps la vraie forêt, Sellal ne pouvait donc se rendre en visite officielle en coquet chef du gouvernement à la coquette ville de Saint-Augustin, sans avoir préalablement désamorcé cette véritable bombe des temps présents dont le spectacle fait haranguer et lever les foules tel un seul homme : le football.
Sur ce plan-ci, le terrain a aussi fait l'objet d'un déminage un peu étrange, en vue de permettre à la visite des lieux de se dérouler bien loin de la houle des vagues de colère que suscite très souvent la grande foule des arènes du football.
A l'encre sont donc écrits nos livres, mais c'est avec nos pieds qu'on joue régulièrement au foot. Une pratique somme toute- à la portée de tout le monde !
Depuis que cette intelligence des pieds a supplanté l'intelligence de l'esprit, tout le monde se détourne volontairement des plumes les plus renommées de la littérature pour en revanche s'accrocher de toute son énergie aux basques des stars de la balle ronde et jouir de la fortune qui leur ouvre les bras !
Sellal en est vraiment très conscient, lui, dont le langage officiel emprunte toujours au ballon ses farfelues trajectoires ou continus croche-pieds, comme signe de divertissement de son auditoire, ou flèches jetées à la face de l'opposition, prenant très franchement le parti du foot aux dépens de celui pourtant très précieux du livre !
Est-il besoin de l'envoyer, lui aussi, refaire ses classes ? D'abandonner momentanément le show du stade pour se consacrer à l'intérêt que l'on doit porter au livre ? De le remettre un peu à sa bonne place ?
Dans l'entourage de ce premier responsable de l'exécutif Algérien, on sait aussi que la colère des foules celle plutôt difficile à contenir ou pouvant tout naturellement déborder de son lit- a pour origine le ballon rond et non le livre ; raison pour laquelle on improvise dans la célérité de la révision de ces procès du monde du foot, dignes d'une véritable « justice de la nuit » comme pour mieux sauver les meubles à une politique dont la pérennité dépend de l'humeur du monde du foot.
Comme résultat final engrangé de l'équation ainsi posée : la polémique que suscite la littérature peut encore attendre ! Même si le débat que celle-ci vient d'enclencher est déjà porté sur les plateaux de l'autre continent ! Quant au foot, on ne badine pas avec une pratique jugée à la fois comme l'opium et le cache-misère de la société ! Quitte à volontairement transgresser les règles universelles, usuelles et les plus drastiques de cette noble discipline !
Que celui qui est à l'origine de cette méchante étincelle, dont la flamme dévore si férocement notre football, ne tente pas de porter le feu de la sale guerre plus loin encore, pour porter atteinte aux bibliothèques et aux librairies jusqu'à calciner nos livres dans leurs beaux linéaires ! Ce jeu de pieds est-il devenu pour la société tel un vrai guêpier ? Un jeu de va-nu-pieds ?
Tant que ces mains assassines ou malveillantes et esprits tordus, retors ou peu intelligents s'intéressent encore à ce pourtant médiocre boulot de nos « sales pieds » d'autrefois ou de toujours, on est sûrs que nos livres en seront épargnés !
Demain, on affrontera probablement un autre danger ! Car l'inculture est déjà à nos portes !


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