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Hollande à 10 mois des présidentielles, les difficultés s'accumulent
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 24 - 03 - 2016

Terrorisme, migrants, crise de l'Europe, croissance plate, chômage et sondages inquiétants
Vendredi 18 mars, Salah Abdeslam, 26 ans, le terroriste « le plus recherché d'Europe » depuis les attentats de Paris du 13 novembre 2015, a été arrêté à Molenbeek, dans la banlieue de Bruxelles. Le seul survivant de l'équipe djihadiste des attentats de Paris a été placé en détention provisoire et inculpé de « meurtres terroristes et participation aux activités d'un groupe terroriste ». Poursuivi par plus de huit cent inspecteurs des polices française et belge, l'homme, d'origine marocaine, se cachait tout simplement dans un immeuble situé à quelques centaines de mètres de chez ses parents. Il n'avait visiblement pas quitté son quartier d'origine depuis sa fuite de Paris. Ce qui nécessitait pour le moins de sérieuses complicités à Molenbeck et dans toute la Belgique.
L'arrestation du suspect-clé des attentats de novembre à Paris est « un coup important porté à l'organisation terroriste Daesh en Europe », avait martelé samedi le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, à l'issue d'un Conseil de sécurité restreint à l'Elysée. « Les opérations de la semaine écoulée ont permis de mettre hors d'état de nuire plusieurs individus qui ont fait la preuve de leur extrême dangerosité et de leur totale détermination », avait-il ajouté. Trois jours plus tard, Daesh montrait que sa puissance destructrice n'était guère entamée : plusieurs explosions ont retenti à l'aéroport bruxellois de Zaventem mardi matin peu avant 8 heures, faisant un 1er bilan officiel de 14 morts et 96 blessés. Une heure plus tard, un attentat est dans le métro bruxellois, à une station proche des bâtiments de l'Union européenne. Au total, les attentats ont fait 34 morts et plus de 200 blessés.
Ces agressions de masse posent de nouveau avec acuité la question de la sécurité face à la menace djihadiste.
Polémiques sur la déchéance de la nationalité
François Hollande manque décidément de chance. Dans une attitude d'opposition un peu systématique, les sénateurs de droite, majoritaires dans cette chambre, ont hier botté en touche en refusant la réforme de la Constitution qui prévoyait notamment la déchéance de nationalité pour les actes terroristes. Au lendemain des terribles attentats djihadistes du 13 novembre 2015 à Paris, François Hollande avait imposé l'état d'urgence et, le 16 novembre 2015, il avait proposé aux sénateurs et députés réunis en congrès, d'inscrire dans la loi fondamentale le principe de la déchéance de la nationalité française pour les auteurs de crimes terroristes dès lors qu'il s'agirait de personnes nées françaises et détenant une autre nationalité. La mesure paraissait être à la hauteur des l'émotion et de l'inquiétude des Français. Hélas, pour François, la mesure a alimenté nombre de critiques dans les rangs mêmes de la gauche où l'on estimait que le dispositif « d'urgence », déjà peu conforme aux canons démocratiques, brillait de surcroît par son caractère plus symbolique qu'efficace : un terroriste prêt à sacrifier sa vie dans un attentat le plus sanglant possible, tremblerait-il à l'annonce qu'il était déchu de sa nationalité française ?
Bon ! Quitte à perdre quelques électeurs à gauche, le président pouvait espérer par cette mesure autoritaire, satisfaire les électeurs de droite et du centre…Patatras ! Les députés et sénateurs des Républicains, la nouvelle appellation de la formation de la droite française et les centristes rechignent.
Or, pour une réforme constitutionnelle, il faut la majorité des deux chambres…
Mardi, les sénateurs de l'opposition ont voté contre. Du coup, la loi est bloquée. Ces élus ont-ils bien pris conscience du danger djihadiste ? Dans le faits, leur vote scelle quasiment la fin du projet de déchéance de la nationalité et met à mal l'état d'urgence et ce, le jour même des attentats de Bruxelles.
De son côté, François Hollande réaffirmait le même jour sa détermination : «la guerre contre le terrorisme doit être menée dans toute l'Europe, notamment en matière de renseignement», a déclaré le président «cette guerre doit être menée avec sang froid et détermination car elle sera longue», a-t-il prévenu avant de souligner que «dans cette période, nous devons être dans le rassemblement, la cohésion et la solidarité». Sera-t-il pour autant entendu ?
Autre souci pour le président français, le conflit syrien a montré le total éclatement de l'UE sur la question des réfugiés. Angela Merkel pilote aujourd'hui seule la politique européenne dans ce domaine quitte à faire adopter à l'UE ses propres changements de position. Au départ, elle a eu l'attitude courageuse d'ouvrir largement ses frontières et a appelé l'ensemble des 28 Etats membres à faire de même. Sans succès. Inquiétée par les attentats de Paris (Daesh sait exporter ses conflits) et par les réactions populaires de refus de l'accueil des réfugiés en Allemagne et dans l'ensemble de l'Europe, Angela Merkel a opté pour un virage pragmatique. Mais elle a négocié seule avec la Turquie sa politique actuelle d'expulsion des « réfugiés illégaux », avec en contrepartie l'accueil des « migrants légaux ». Mais sans aucunement demander leur avis aux 27 autres Etats membres de l'UE.
La panique des pays européens de voir enfler le nombre actuel d'1,2 millions de réfugiés syriens actuellement en Europe (la majeure partie en Allemagne), les a fait céder au chantage d'Erdogan : « Si vous ne faites pas ce que je veux, j'ouvre les frontières et vous verrez ce que vous verrez ». Du coup, le président turc a tout d'abord gagné 6 milliards d'euros pour gérer les réfugiés syriens qui se trouvent sur son sol et ceux qui seront expulsés d'Europe. Recepp Erdogan a également obtenu que soit rouverte la candidature d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne et tous les citoyens turcs pourront librement circuler en Europe sans visas dès le mois de juin prochain. Sur ce dossier, François Hollande est resté plutôt en retrait comme on ne l'a pas beaucoup entendu sur le risque du « Brexit », le référendum qui se déroule en juin au Royaume-Uni pour savoir si ce pays reste ou non dans l'UE.
Chute dans les sondages
Cette prudence fera-telle rehausser la cote de François Hollande dans les sondages ? Si c'est le cas, la remontée sera longue : à treize mois du premier tour de la prochaine élection présidentielle, jamais un président de la République n'a été en aussi mauvaise posture : seulement 15% de bonnes opinions, en baisse de 5 points et un taux de défiance qui atteint 80% (+ 5 points). François Hollande paie l'addition d'une séquence ratée depuis janvier marquée par les déchirements sur la déchéance de nationalité, l'enlisement de la révision constitutionnelle et le projet de loi El Khomri qui achève de décevoir à gauche... Car, ce sont bien les sympathisants de gauche qui font brutalement défaut et font s'effondrer encore un peu plus la cote de popularité du président, note Le Point. Chez les sympathisants PS, François Hollande recule de 52 à 39% de bonnes opinions (-13 points). Son Premier ministre, Manuel Valls, subit lui aussi le mécontentement des Français : 26% de satisfaits (-9% en un mois).
Le terrorisme n'est pas la seule angoisse des Français. Fin 2015, dans un sondage sur leurs principales inquiétudes, le terrorisme, malgré les attentats de Paris tout récents, n'était la principale préoccupation que pour seulement 17,7% de mes compatriotes, loin derrière le chômage (38,3%), et juste devant la peur de la pauvreté (12,1%). Viennent ensuite, la santé (10,6%), la délinquance (9,7%) et, fait notable, l'appréhension devant le développement du racisme et la discrimination (6,4%). L'environnement, malgré la menace d'un réchauffement dramatique de la planète, ne recueille que 3,9% des sondés.
L'économie reste donc la préoccupation principale et la politique menée dans ce domaine par le gouvernement Hollande-Valls ne satisfait qu'un Français sur 6. Selon un sondage des Echos, en effet, réalisé à la mi-mars, 87% des Français jugent mauvaise ou très mauvaise la politique économique du gouvernement. Selon les mêmes sondés, cette orientation favorise surtout les chefs d'entreprise. Les choix de ce gouvernement de gauche ne convainquent guère son camp. Seuls 13% des Français estiment « plutôt en bonne voie » la politique économique du gouvernement. Et combien d'entre-eux voteront pour Hollande en 2017 ?
Un 1er diagnostic trop optimiste
Lorsqu'il a pris son poste en 2012, François Hollande a semblé partager la vision optimiste de certains économistes : en 2008 /2009, l'économie mondiale avait certes frôlé la catastrophe après une crise financière d'ampleur mais la régulation avait joué et on était en train de renouer avec la croissance. Ce fut en partie vrai dans certaines économies asiatiques ou aux Etats-Unis. Ce ne fut pas le cas pour l'Europe qui a vu son économie stagner ; ce fut notamment le cas pour la France qui n'a pas décollé du 0,5% -1% de croissance depuis. Et la régulation de la sphère financière internationale ne s'est pas faite, laissant surgir à tout moment de nouveaux périls.
Mais, pour François Hollande, il fallait avant tout renforcer la trésorerie des entreprises pour favoriser au mieux la reprise de la croissance, et donc obtenir une réduction du chômage. 40 milliards d'euros d'aides ont ainsi été versés aux entreprises, financés pour l'essentiel par des impôts supplémentaires imposés aux ménages. Au résultat : quelque 30.000 emplois seulement ont été créés par ce biais, alors que l'organisation patronale, le MEDEF, en promettait un million, le chômage a augmenté de 700.000 demandeurs d'emploi supplémentaires par apport à 2012, la consommation a baissé. Et au final, beaucoup de mécontents dans toutes les catégories de la population.
Plutôt que de corriger la ligne, François Hollande nomme Manuel Valls 1er ministre et Emmanuel Macron au ministère de l'Economie. Ces deux jeunes responsables sont connues pour leurs positions très « sociales-libérales ». Dernier avatar de cette orientation, la présentation de la loi El Khomri, du nom de la nouvelle ministre du Travail, d'origine marocaine. Les propositions concernant le monde du travail sont toutes, pour leurs adversaires, d'inspiration très « patronale ». Pour ses initiateurs, il s'agit, dans cette période de très faible croissance et de très fort chômage, de donner le maximum de flexibilité aux dirigeants d'entreprise. Ce projet de réforme a été très vivement contesté dans les rangs de la gauche et par l'ensemble des organisations syndicales et des mouvements de jeunesse. Selon les sondages, 7 Français sur 10 sont opposés à cette réforme et, première dans l'histoire française, une pétition sur le Net qui demande l'abandon de celle-ci a recueilli en moins d'un mois 1,1 million de signatures.
2017 : quelle stratégie pour François Hollande ?
Le président croie certainement que sa politique de redressement économique est la seule issue possible. Des indices récents peuvent le conforter : l'Insee, en mars, prévoit une petite inversion de la courbe du chômage grâce à une accélération de la croissance. Le taux de marge des sociétés a connu sa plus forte croissance depuis 1986 et du fait d'une inflation zéro, le pouvoir d'achat des consommateurs a connu une certaine embellie. Cela suffira-t-il à convaincre ses électeurs de 2012 et les autres ? Pas évident, avec une croissance qui ne dépassera pas +1,5% dans les prochaines années.
L'autre difficulté, c'est que la prochaine présidentielle se déroulera autour d'un trio. Marine Le Pen semble déjà assurée d'être au second tour. Une primaire déterminera le nom du candidat Républicain. On comptait chez eux, début mars, au moins 12 prétendants. Si c'est le nom d'Alain Juppé qui sort du chapeau, François Hollande n'a guère de chance. Si c'est Nicolas Sarkozy, il garde une petite opportunité : Nicolas est aussi impopulaire que François et Marine est encore rejetée par une bonne partie de la population. Bref, un scrutin ouvert mais qui reste à hauts risques.


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