En dépit du recadrage des débats sur la déchéance de la nationalité des binationaux, condamnés pour terrorisme, par le Premier ministre Manuel Valls, les critiques ne semblent s'estomper au sein de la majorité parlementaire, alors que la droite s'en réjouit. Mettant un terme à l'idée de déchéance "pour tous", le Premier ministre français a déclaré mercredi dans une interview à la chaîne d'information BFMTV que la France "ne peut pas créer des apatrides, c'est-à-dire des personnes sans nationalité". Depuis l'annonce d'inscrire cette disposition dans la révision constitutionnelle, proposée par le président François Hollande, au lendemain des attentats terroristes de Paris, le 13 novembre dernier, plusieurs personnalités politiques, notamment de la gauche, avocats, juristes et organisations, ont dénoncé une discrimination entre les Français avec une seule nationalité et les autres. Au sein du Parti socialiste (PS), son Premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, ne veut ni "discrimination entre les Français" ni "apatrides", appelant ses partisans à mettre un terme à ce "feuilleton" autour de cette réforme très contestée à gauche. "Ça suffit, il faut que ça s'arrête", a-t-il insisté indiquant que son parti a eu "un débat très long et très intéressant", mais, a-t-il averti, "une fois que nous aurons pris une décision, il faudra s'y tenir". Réagissant jeudi aux propos du Premier ministre, l'ancien ministre Benoît Hamon, opposé à l'inscription dans la Constitution de la déchéance de nationalité pour les binationaux nés en France et condamnés pour terrorisme, a estimé que Manuel Valls "ne peut pas dire 'fermez le ban, c'est terminé'". "J'ai déjà dit précisément, avant même que ce débat évolue, que je ne voterais pas la disposition qui consiste à constitutionnaliser la déchéance pour les binationaux, un pour les raisons que tout le monde reconnaît, c'est inefficace, deux, je rappelle les propos de François Hollande et Manuel Valls en 2010, parce que c'est contraire aux principes constitutifs de la Nation", a-t-il expliqué. Hamon propose au lieu de la déchéance "une peine d'indignité nationale, qui n'a pas besoin de modifier la Constitution, qui permettrait de déchoir des personnes symboliquement de droits familiaux, de droits civiques, de leur supprimer le passeport". Le Parti communiste français (PCF) a annoncé jeudi que les communistes voteraient contre le projet inscrivant l'état d'urgence dans la loi fondamentale et élargissant les possibilités de déchéance de nationalité pour les criminels terroristes. Le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, se projetant sur la présidentielle de 2017, est allé plus loin en en déclarant sur France 2 que François Hollande "ne peut pas être un candidat qui propose la déchéance de la nationalité (…)". Dans l'autre camp, même si la droite s'est déclarée opposée à la déchéance "pour tous", elle se réjouit de cette disposition qui vise les binationaux, condamnés définitivement pour actes de terrorisme. Face à la division de la majorité socialiste, le parti Les Républicains, de l'ancien président Nicolas Sarkozy, a apporté un soutien "sous conditions" à la réforme, considérée comme "une victoire idéologique de la droite". Le parti conditionne son soutien par l'établissement d'un calendrier précis de son application, l'élargissement de cette mesure aux délits terroristes et pas seulement aux crimes terroristes, qu'elle soit prononcée dès l'effet de la peine et la pose de bracelets électroniques par décision administrative pour les individus dangereux. L'ancien ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a indiqué que les Républicains voteront "très majoritairement" pour la déchéance de la nationalité. "La déchéance de la nationalité, nous sommes les premiers à l'avoir proposée, et donc nous la voterons et nous sommes pour son application", a-t-il déclaré.