Les opposants à Ahmed Ouyahia reprennent «du service» pour lui faire savoir qu'ils prévoient d'organiser des rencontres wilayales et nationales, en vue de «convaincre les militants de continuer à faire face à ses effractions et à ses violations des lois et règlements.» Ils sont seize cadres, militants et représentants du RND dans les wilayas de l'Est, l'Ouest, du Centre et du Sud, qui ont signé, hier, un communiqué, à l'issue d'une réunion, pour rappeler qu'ils restent opposés aux résultats du congrès extraordinaire que Ahmed Ouyahia a tenu, les 5,6 et 7 mai derniers. «Après une préparation d'un congrès qui a été caractérisée par l'exclusion, la marginalisation, la provocation et l'éviction des vrais militants, porteurs des idées et des principes du RND, après le choix de délégués désignés soumis à une seule condition, celle du plébiscite de la personne d'Ouyahia, l'adoption du principe de la désignation, au lieu de l'élection, au niveau de la base militante, en plus des démarches dictatoriales et d'exclusion menées par Ouyahia, nous dénonçons ces pratiques scandaleuses qui lui ont permis d'écarter les membres fondateurs, cadres et militants intègres et fidèles, à la ligne politique authentique du parti, au profit de l'allégeance d'intérêts, de la médiocrité et des affairistes (besnassia),» lit-on dans le communiqué signé par, entre autres, le Professeur Mustapha Yahi, élu de Batna, Smati Kamel Zoghbi de Bordj Bou Arreridj, Nouria Hafsi de Saïda, Tayeb Zitouni et Abbas Boutouiga de Tiaret, Kacem Kebir de Tindouf, et Mokhtar Boudina d'Alger ( ). Communiqué dans lequel ils mettent en exergue dix points par lesquels ils dénoncent et condamnent «la main mise d'Ouyahia sur le RND.» Ces derniers et bien d'autres militants du parti affirment, ainsi, que : «c'est une opération d'épuration politique que Ouyahia a menée pour édifier une nouvelle configuration du Rassemblement.» Ils expliquent que «cette opération méthodique d'Ouyahia est pour vider le parti de toutes les compétences intègres ( ) et de faire prendre en otage le parti, par un clan d'intérêts qu'il a imposé à la base militante.» Ils pensent que «c'est une opération programmée pour ligoter le parti et l'éloigner de la société, sans vision politique et sans avenir.» L'exclusion du congrès extraordinaire, de figures connues, fondatrices du parti, issues de la famille révolutionnaire et des organisations nationales de masse, écrivent les opposants à Ouyahia, «est une autre face de l'exclusion qui a touché les éléments d'autodéfense, les présidents des délégations communales, ceux qui ont combattu pour la sauvegarde de la République.» Le «timide» appel des opposants à Bouteflika Pour eux, c'est là une méthode «pour couper le parti de son histoire et de sa mémoire et un reniement des principes et objectifs qui ont prévalu à sa création.» Les signataires du communiqué pointent du doigt, encore une fois, « les violations du statut et du règlement intérieur du parti qui ont émaillé les préparatifs et le déroulement du congrès extraordinaire,» et rappellent que «ce congrès devait se tenir juste pour un seul point, le remplacement du secrétaire général démissionnaire, sans attenter à la légitimité du Conseil national qui lui, a été élu par le 4ème congrès du parti, donc n'était pas arrivé à la fin de son mandat.» Ils affirment, alors que «c'est une atteinte et une violation de la Constitution et des lois de la République.» La transformation d'un congrès qui devait être extraordinaire «en un autre ordinaire, l'interdiction faite aux cadres et ministres d'assumer des responsabilités au sein des instances du parti et leur désignation es qualité, ainsi que le recours à la falsification des pseudo élections, sont une autre forme d'exclusion et d'accaparement du parti pour la réalisation d'intérêts politiciens personnels à Ouyahia, connus par tout le monde,» écrivent ses opposants. Ces derniers nuancent leurs propos, au point 7 de leur communiqué, en soulignant que les congressistes remercient le prédisent de la République de leur avoir adressé une lettre de félicitations et «réaffirment leur soutien et leur contribution à la mise en œuvre de son programme et œuvrent pour que le parti reste un des piliers soutenant ce programme sur le terrain.» Ils mettent, cependant, une sorte de bémol à ce soutien en précisant que «les pratiques scandaleuses d'Ouyahia ont fragilisé le parti.» Ce «oui mais» se veut comme un timide appel au Président Bouteflika pour agir contre «les méfaits» de son directeur de cabinet. Les signataires appellent, par ailleurs, «les cadres et militants victimes de pressions et de marginalisation, à la mobilisation.» Ils font savoir à Ouyahia que «les commissions de discipline, installées dans les wilayas, pour continuer les exclusions ne nous font pas peur parce qu'elles sont frappées de nullité.» Quand la présidence souffle le chaud et le froid Ils assurent l'opinion publique qu'ils continueront «de faire face à toutes les dérives et violations, par tous les moyens légaux et pacifiques possibles y compris par le recours à la justice qui, soulignent-ils, n'a pas, encore, tranché dans le fond de l'affaire (de l'illégitimité du congrès extraordinaire) mais juste dans la forme.» Dans le dernier point de leur communiqué, ils prévoient des rencontres dans les wilayas et «une autre nationale, dans les prochaines semaines.» Ces opposants qui ont été contre «toutes les pratiques anti-démocratiques qui ont prévalu, à l'organisation du congrès extraordinaire du parti», reviennent, aujourd'hui, au-devant de la scène après s'être éclipsés devant l'intransigeance d'Ouyahia d'aller jusqu'au bout de sa logique de «seul maître du RND.» Il est même avancé que «Ouyahia a reçu le soutien de la présidence de la République pour écarter tous les cadres du parti qui ont eu, à un moment ou à un autre, à assumer de hautes fonctions de l'Etat.» C'est ainsi qu'il ne s'est pas empêché d'évincer Bensalah et l'ensemble des ministres y compris ceux encore en poste, du Conseil national alors que les textes réglementaires du parti ne lui en donnent pas le droit. En fait, l'on avait déjà avancé, dans ces mêmes colonnes, qu'instruction avait, aussi, été donnée à ses opposants pour «temporiser» leurs actions, le temps de laisser tenir son congrès extraordinaire. Si aujourd'hui, ils ont décidé de reprendre, publiquement, leur opposition, «c'est que les choses ont évolué et l'on s'achemine vers des changements de premier ordre,» entendons-nous dire auprès de hauts responsables. L'on susurre, en effet, que ce nouveau communiqué des opposants, au secrétaire général du RDN, laisse penser que cette fois, le feu vert leur a été donné pour le «gêner» dans tout ce qu'il compte entreprendre. La présidence de la République est la première et seule institution à être concernée par «le sort» qui pourrait être réservé à Ouyahia, par ce mouvement de contestation. Il est certain qu'elle n'est pas étrangère à ce branle-bas de combat. Habitué à souffler le chaud et le froid, quand il s'agit de redéfinir des équilibres impératifs, le clan présidentiel n'a jamais hésité à mettre, dos à dos, différents milieux d'influence. Quid du triptyque El Mouradia - Les Tagarins - Saâdani ? De nombreux éléments coïncident, entre eux, dans cette phase aussi fragile pour le pays. Il est clair que l'approche des élections législatives et communales de 2017 n'en est pas la seule raison. Les attaques sournoises et inattendues contre le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, les éloges soutenues à l'ANP et particulièrement à son chef d'état major, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, laissent croire que d'éventuels changements, au sein des plus hautes institutions civiles et militaires, à l'approche du 5 juillet, date de l'Indépendance, pourraient provoquer le mécontentement de hauts responsables et gradés. Le caractère «urgent» donné à l'examen pour adoption du texte de loi, instruisant au silence les militaires à la retraite, pourrait en être la meilleure preuve. L'on sent, incontestablement, qu'un vent de panique a soufflé en haut lieu, ceci, probablement pour réussir, en un temps record, une nouvelle redistribution de cartes à de nouveaux acteurs dont la mission est de renverser l'ordre ambiant qui a fait d'un Amar Saâdani, par exemple, s'improvise comme un facteur clé dans le bouleversement et le pourrissement de diverses situations. Le triptyque El Mouradia- Les Tagarins-Amar Saâdani pourrait changer de rotation, «si ce n'est pas déjà fait,» nous disent des responsables. La tendance risque d'être orientée vers un champ politique débarrassé des anciennes figures, ou du moins, de ce qui en reste, afin, nous dit-on, encore, «de freiner les ambitions démesurées des plus importantes d'entre elles, en prévision de 2019.»