Réunion pathétique, samedi, des syndicats autonomes pour dénoncer la décision de l'exécutif de toucher aux acquis de la retraite, combien révélatrice du profond fossé qui sépare le peuple de ses gouvernants. Car, à l'allure où vont les choses et l'obstination du gouvernement à réformer le régime de retraite, qui ne veut composer qu'avec l'UGTA, un syndicat de moins en moins valorisé et de plus en plus discrédité pour son positionnement antisocial et antidémocratique, à marginaliser des syndicats forts de plusieurs millions d'adhérents, en somme tous les fonctionnaires de l'éducation nationale, la santé et la formation professionnelle, il est fort probable de déboucher sous peu sur une impasse. Et, surtout, un bras de fer entre les syndicats autonomes et le gouvernement sur la révision de la retraite, qui irait vers des manifestations, des sit-in et des grèves dans le secteur de l'éducation, la santé et les centres de formation professionnelle. Peut-être même dans les mosquées puisque les imams ont eux aussi décidé de faire valoir leurs droits à une retraite anticipée. La grogne des syndicats est compréhensible dès lors que l'on se place du côté du 'marginalisé'', de celui à qui on n'accorde pas plus d'importance, malgré sa force. En l'espèce, les syndicats autonomes parlent de hogra ! Pourquoi, estiment-ils, le gouvernement dialogue avec l'UGTA, qui ne représente qu'une infime partie des travailleurs, ceux des usines et des entreprises, alors qu'en face, il y a les syndicats autonomes de la fonction publique, qui représentent l'armée des fonctionnaires des ministères, de l'éducation, de la santé et des centres de formation professionnelle. Avec le patronat, l'Exécutif dialogue bien avec le FCE et les autres organisations patronales, alors pourquoi l'UGTA seule est considérée comme l'interface des travailleurs avec le gouvernement ? Ce sont là autant de questionnements qui fusent du côté de ces syndicats laissés pour compte, ces marginalisés de la gouvernance publique, mais qui ne veulent plus aujourd'hui se laisser rouler dans la farine. El hogra barakat ! Et pour bien se faire comprendre, ils comptent bien monter au créneau pour bloquer cette décision de la tripartite, prise en leur absence sans qu'ils soient consultés, de supprimer la retraite proportionnelle et anticipée. On peut leur faire confiance, car ces opprimés d'une politique syndicale à revoir, iront là où personne n'ose aller : aux confins extrêmes des frontières du connu et du raisonnable. La ministre de l'Education nationale, qui a croisé le fer avec ces armées de syndicats autonomes, sait de quel bois ils se chauffent, même si dans la plupart des conflits qui les ont opposés à leur tutelle, ils ont toujours eu raison. Et gain de cause. Leur cri, leur revendication est simple : M. Sellal ne touchez pas à l'actuel régime de retraite, c'est le seul acquis des travailleurs algériens, et surtout de ces milliers d'enseignants, qui encadrent, pour le meilleur et pour le pire, les enfants des Algériens. Que l'UGTA en fasse son cheval de bataille, que le patronat applaudisse, ce n'est pas visiblement la tasse de thé de ceux qui touchent moins de 50.000 dinars par mois. Des salariés de la fonction publique qui veulent défendre le seul privilège qu'ils ont sur les autres catégories sociales de travailleurs : le maintien de la retraite anticipée, ou proportionnelle au bout de 25 années passées à écrire avec une craie de mauvaise qualité sur un tableau usé par le temps pour des élèves dont beaucoup viennent à l'école sans avoir pris leur petit-déjeuner. Pour cette catégorie de travailleurs, le Brexit syndical existe en Algérie depuis la fin de la crédibilité de l'UGTA.