Tout régime autocratique craint le jeu libre et totalement transparent. Autant que faire se peut, il évite de composer tranquillement avec celui purement démocratique, dans l'espoir d'une rallonge immodérée ou excessive de sa vie politique, à laquelle, désormais, tout reste suspendu dans le pays. La règle coutumière consiste donc à impulser une dosée et très ordonnée métamorphose, au sein de la vieille garde par le truchement des tout jeunes soldats, en leur qualité de chérubins politiciens, appelés à suppléer, au pied levé, ces vieilles guimbardes, usées et lessivées, lesquelles refusent catégoriquement de céder le flambeau à ces autres « inconnus » du bataillon du vrai pouvoir. C'est inévitablement dans la nature même des systèmes despotiques. Et même si les procédés parfois changent, les objectifs à atteindre, eux, sont très souvent les mêmes, car figés dans une ancienne philosophie qui prône pérennité et continuité d'une caste qui sent sa fin si proche ou son avenir en réel danger. Par souci de protection, la vieille garde résonne en vase clos, en terrain conquis ou en toute propriété acquise, entre membres d'une même famille, cherchant à lire subtilement, dans la pensée de l'opposition, l'itinéraire à prendre au lever du jour suivant, de manière à s'y interposer, fermement, au cas où elle se sentirait en être « tout légitimement piétinée » dans sa manière de gérer la chose publique et surtout moduler le comportement citoyen. « Agir tout le temps sur sa défensive » est désormais une pratique assez courante dans les mœurs politiques d'un système obnubilé par le seul objectif de se métamorphoser très rapidement, faute justement d'alternative à s'adapter réellement à cette nouvelle conjoncture qui le hante à tout moment jusqu'à le pousser à verser dans la folie de ses, bien souvent, intempestives réactions. Gagnée par l'âge et surtout à travers l'atermoiement inconsidéré dans ses prises de décisions puisque manquant visiblement de vrais repères dans ses futures projections-, la vieille garde se tourne dorénavant vers ces jeunes soldats du pouvoir, dans sa quête d'améliorer substantiellement la façade officielle grâce à ce « sang neuf » qui ne saurait trahir l'étiquette et le fanion solennellement exhibés par la Maison, en tout lieu et en toute occasion. Ne rien changer qui puisse apporter cette idée du renouveau tant attendu par des pans entiers de la population est, d'ailleurs, cette seule devise à laquelle le pouvoir aura toujours travaillé à la concrétisation de sa réelle expression, maintenant, coûte que coûte, un statu quo à très haut risque quant à son avenir et continuité. Bien se tenir sur ses gardes est une position qui sied à merveille à la vieille garde. Elle en fait d'ailleurs son véritable crédo. Son vrai numéro. Elle l'adopte comme échappatoire de salut et n'en considère que le volet apparent qui la montre si haut perchée comme seul maître à bord d'un navire qui malheureusement, attaque de front la haute vague et va droit vers la dérive. Cette vieille garde sent son heure si proche. Totalement épuisée, elle agonise. Inéluctablement affaiblie, elle craint cette fin imminente et terrible qui l'effacera, définitivement, de la carte de l'Humanité. Sérieusement menacée dans sa composition, organisation et consolidation, elle craint le pire lui arriver, celui qui mettra fin à un règne qui aura longtemps duré. Le délire en constitue son repas fretin ou celui festin. La maladie la ronge et son avenir la dérange. La nuit, elle fuit ses mauvais songes. A mesure que l'heure de vérité approche, son destin se précise et ses cartes maîtresses, devenues caduques, tombent les unes après les autres comme des feuilles mortes à l'automne de leur vie, au crépuscule de leur règne. Est-ce le champ des cygnes ? Tout le mode en est vraiment conscient, hormis celui qui en est le tout indiqué, celui en premier lieu concerné. Biologiquement usée à la trame, elle est donc hantée par cette mort naturelle que lui impose une fin de génération qui arrive à son terme. Juste quelques instants à en profiter pour plier bagages et faire ses adieux, et le rideau se ferme sur une vie qui refuse, manifestement, de passer aux placards de l'histoire ! Longtemps accrochée au pupitre d'un pouvoir autrefois savouré et croqué à pleines dents, elle ne pouvait donc imaginer en être un jour exclue. Solidement vissée à son siège, elle ne pouvait, toutefois, juste concevoir la bonne raison d'en être déchue. Défiant le flux du temps ou le courant des tout puissants torrents, elle aura vainement tenté d'arrêter le premier de s'égrener et de détourner la direction des eaux, coulant à flots, du second. Fixer celui-ci à son seul profit et avantage, le pousse si souvent à détourner le courant en vue de déliter cet autre puissant vagabond qui échoue dans les mers et océans. Toute succession naturelle désordonnée (ou empêchée) n'est qu'une dure épreuve supplémentaire à longtemps endurer. Certainement très difficilement à la supporter, souvent au prix de lourds sacrifices, plus tard consentis. Elle n'est qu'une rallonge de temps indûment gaspillé pour tenter de s'accrocher à des reliques que le temps a déjà complètement réformées, sinon totalement soustraites à l'actualité. Et comme toute réforme non engagée dans les délais légaux ou prescrits, elle crée ce décalage inévitable qui bloque si longtemps l'évolution rapide et tout à fait naturelle des sociétés modernes, soucieuses, avant tout, de ne jamais se tromper de marche ou de verser dans la stagnation des idées infécondes qui tuent le progrès et hypothèquent leur remarquable avancée. Mais le propre des vieilles gardes est surtout de s'oublier, trop longtemps, sur le douillet fauteuil de leur règne, bien au-delà des limites accordées à la fonction exercée, souvent bien illégalement et sans le moindre ménagement. Par leur comportement si inconvenant, trop longtemps, ils ne font que provoquer cette guerre de succession, laquelle travaillera à d'abord détruire les fondements mêmes de leur propre pouvoir bien avant de penser à celui qu'elle lui en substituera. Ainsi, au lieu de projeter leur réflexion et action dans la durée, ils traitent toujours de ces menus détails qui ne touchent qu'à l'actualité, sans jamais modifier profondément leur présent et surtout entrevoir leur avenir. Plutôt que de se doter d'une vision futuriste, réaliste et éclairée, ils versent, si intempestivement, dans ces considérations de pure forme qui n'engagent en rien leur devenir. De l'Algérie, ils n'en ont fait qu'une Nation à l'arrêt et qu'un pays en panne sèche d'idées, celles tenues vraiment pour être novatrices et très salvatrices, miné de l'intérieur même de son âme par des crises cycliques et épisodiques qui risquent, à la longue, de le plonger dans un inextricable guêpier, au regard des nombreux écueils qui bornent la voie qu'il se doit d'emprunter et y persévérer. De son considérable potentiel économique et surtout humain, non seulement assez riche mais également très varié, ils n'en ont réellement exploité que cette couche plutôt visible ou aspect très apparent, ne comptant que très faiblement dans sa composition et formation, laissant tout le reste à l'état sauvage ou en jachère, hormis cette richesse fossile surexploitée à dessein, faute de vrais repères stratégiques dans son développement et évolution. Pour une Nation si dispendieuse, mangeant en plus à ce pain dont elle ne sait cultiver dans ses champs le grain de blé qui en donne la baguette tant désirée -à texture de sol pourtant riche et varié- et s'habillant de ces étoffes tissées à l'étranger, il est inadmissible que de telles opportunités au demeurant inestimables et incomparables- ne soient si utilement mises à profit dans ce, tout de même, grand intervalle de temps séparant la période du début de son indépendance avec celui de l'époque actuelle. Devant l'impasse inéluctable dans laquelle se trouve, désormais, engagée cette vieille garde, ce sont donc de jeunes soldats -de seconds couteaux- qui sont manu militari appelés en catastrophe à la rescousse d'un régime chancelant et finissant, dans la perspective de lui sauver les apparences et d'éviter au navire d'atteindre le fond de l'abîme. Une entreprise somme toute- si difficile à réaliser que les paris les plus optimistes ne sont pas en mesure de prévoir, dans une conjoncture assez complexe, à élucider où l'espoir de redresser une situation si compromettante pour l'avenir du pays, demeure très minime sinon carrément absent, au regard des nombreux retards affichés, sur tous les plans et surtout au plan de la tendance générale, plutôt propice à la faillite d'un régime, devenue désormais plus que probable ou si imminente. Mais que peuvent bien faire ces « jeunes soldats » travaillant à la solde d'une « trop vieille garde » qui a déjà un genou à terre ? Sauver le régime en place dune imminente catastrophe ? Lui prolonger démesurément sa durée de vie contre toute logique biologique et nature humaine ? Le recycler de l'intérieur même de ses arcanes et dédales à l'effet de pérenniser sa philosophie et de l'imposer au peuple comme mode de pensée et outil de gouvernance ? Le projeter dans une opération de douce métamorphose, de manière à en conserver l'essentiel de ses aspects sans avoir à en opérer une brutale rupture avec les pratiques de sa méthode de gouvernance du passé ? Ce faisant, ces « jeunes soldats » ne seraient-ils pas tentés par l'aventure de jouer aux rôles dangereux de ces « jeunes loups » aux dépens de ces reliques de « lions finissants et agonisants », les sachant, physiquement, très diminués et politiquement hors sujet, dès lors qu'ils sont investis de cette confiance d'un « patriarche arrivé au bout des ses forces » et au crépuscule de sa vie ? Comment donc arriver à mettre tout cela en musique, à un moment où le niveau de suspicion, entre réels prétendants au pouvoir, demeure assez élevé quant à une probable « succession au trône » laquelle ne tient nullement compte, depuis très longtemps déjà, des voix des électeurs, eux-mêmes d'ailleurs, faisant l'école buissonnière sinon considérés comme grands déserteurs de ces mascarades de scrutins-alibis à répétition. Il est fort à parier que ces « jeunes soldats du régime » risquent, à leur tour, à la faveur d'une quelconque opportunité à saisir au vol, de se transformer, de façon si surprenante ou très calculée en ces, désormais, « vieux loups » qui feront vraiment peur aux tenants des règnes du pouvoir. Aussi, pour la conquête du pouvoir, tous les moyens ne sont-il pas bons pour y parvenir, car seul le résultat compte, finalement. Quoiqu'on dise quoiqu'on suppute à loisir, chez nos voisins de l'Est et l'Ouest notamment, l'avènement du Printemps arabe' a mis un terme définitif à la fraude électorale qui maintenait très longtemps, sous profusion ces régimes autocratiques et despotiques, encore florissants, en Asie et en Afrique. Chez ces deux pays frères et voisins, le résultat de l'urne n'obéit plus, comme autrefois, à une quelconque formule tirée des sombres laboratoires et discrètes officines du pouvoir qui dictaient leur loi, sous le couvert d'une comédie électorale à consistance plutôt théâtrale et de pure forme. Il s'en trouve qu'elle est, désormais, réhabilitée dans son rôle de véritable baromètre de la vie politique, sans laquelle on ne peut vraiment parler de démocratie. La fraude électorale, tout comme d'ailleurs le mensonge politique, sont désormais bel et bien rayés de leur pratique quotidienne et passés propre à ce registre du passé au sein de ces sociétés qui font leur apprentissage démocratique progressif et connaissent une véritable mue politique de nature à les transformer radicalement durant les tout prochaines années à venir. A la traîne, encore et toujours, l'Algérie, ne pouvant malheureusement, retenir les leçons dictées par le 5 octobre 1988, accuse en revanche un net recul sur l'histoire et surtout par rapport à ses voisins immédiats, cherchant probablement à faire l'histoire, à sa manière, pour tenter de défier le temps et de naviguer à contre-courant de la logique métamorphose du monde et du progrès des sociétés humaines, aspirant à la modernité. Toute société en mutation génère un résultat en instance d'affectation. Il en résultera à terme une génération future qui prendra en charge ces mêmes aspirations pour s'imposer à elle-même une mouvance en adéquation avec le train de son évolution ordonnée et coordonnée. Forcer le destin de manière à faire -par le truchement de la ruse politique ou la contrainte liée à son exercice- pérenniser un système qui a déjà fait son temps, car faisant surtout dans l'exclusion et la sélection qui a mené le pays vers l'impasse, n'est qu'une perte considérable de temps et d'argent, à un moment où les véritables ressorts de la société nous indiquent forcément d'autres pistes à explorer, immédiatement , à l'effet de permettre à la société algérienne de se régénérer, logiquement, en fonction de ses réelles valeurs et sérieux repères. La mue du pouvoir politique se trouve être désormais à la croisée des chemins. Une nouvelle ère se dessine à l'horizon. Des contre-chocs s'annoncent, ça et là, faisant surtout de la résistance à ce changement social plutôt imminent. Travailler dans la perspective de le différer, très subtilement, ne traduit nullement les intérêts supérieurs de la Nation. S'y opposer par d'autres moyens ne fera que compliquer davantage une donne, plus que jamais, confirmant toutes les appréhensions. Résister au changement est une position que la nature humaine et des choses ne sauraient cautionner, car le fleuve de l'Histoire risque de tout balayer dans son élan et courant furieux, à mesure que sa provocation se précise et se dessine dans le temps. Aucun soldat zélé ne peut sauver une vieille garde arrivée au bout de son règne, puisque naturellement impuissante ou désintégrée. Les quelques opportunistes qui s'affichent ostentatoirement, sous l'auvent du pouvoir, croient encore en cette lueur d'espoir, de profiter du vide laissé, en haut de la sphère de ce même pouvoir, à l'effet de paraître comme les nouveaux parrains d'un peuple gagné par le désespoir. Dans un monde où tout se joue dans les coulisses, la moindre fumée de cigare est suspectée de couver un coup fomenté dans la totale discrétion. Aussi, les rêves les plus fous trouvent le prolongement de leurs illusions au chevet d'un grand patriarche gagné par la maladie et n'ayant pu préparer son éclipse en douceur et dans la dignité. Demain sera un autre jour. Une nouvelle page d'Histoire s'ouvrira. Il reste à espérer que le peuple algérien profitera de cette expérience malheureuse qu'il a péniblement endurée. Le temps, ce fleuve éternel, sera-t-il en crue ? Sinon coulera-t-il en douceur et bien tranquillement ? De nos comportements du moment se décidera l'avenir de nos jeunes générations. Y croire n'est-il pas déjà un début de solution ?