Patrimoine historique ou tribune privée ? L'argenterie ou à jamais l'oubli ? Les archives nationales ou le classement vertical ? La mémoire collective ou l'alibi de la supercherie ? Le fonds commun historique ou le levier de la pirouette politique ? Le parti des rassembleurs ou celui des dribbleurs ? Le choix s'impose donc à nouveau après celui raté en 1962 et en 1992. A vrai dire, ce parti de tous les Algériens, l'âme de notre grande révolution, n'aura finalement profité qu'à une poignée de gens, se considérant les tuteurs éternels de tous leurs concitoyens. A l'Indépendance, le pays devait maladroitement rater un grand rendez-vous avec sa mémorable histoire. Le pouvoir politique d'alors avait tout simplement opté en faveur de ce même parti unique qui devait de facto exclure tous les autres courants politiques, et étouffer dans l'œuf les sensibilités internes à son organisation, nées de ses propres soubresauts. Un semblant de consensus aura donc permis à cet appareil de longtemps végéter artificiellement jusqu'à l'avènement des douloureux évènements d'octobre 1988, pour le faire exploser en une multitude de constellations de courants politiques, parfois très proches les uns des autres, si ce n'est partageant les mêmes idéaux, intronisés alors aux côtés d'autres voix, enfin admises à s'exprimer publiquement après avoir été longtemps tues, et ce, depuis le recouvrement de l'indépendance du pays. On cultivait alors cet espoir fou de voir enfin ces trois lettres transcrites en or, ayant brillamment accompagné le peuple algérien dans son long et héroïque combat contre le colon français d'autrefois, afin d'intégrer définitivement la mémoire collective, l'histoire de gloire de toute une nation, le patrimoine collectif de tous les Algériens en vue de recouvrer à l'histoire algérienne ses moments de gloire et au parti de tout le peuple algérien ses lettres de noblesse. Que non ! à cette époque-là, seule une poignée de responsables, n'ayant pourtant jamais participé à la guerre de Libération nationale – puisque étant très jeunes, sinon pas encore nés – avaient donc refusé la salutaire et très sage initiative au motif inavoué d'avoir tout le temps fréquenté son giron, longtemps été couverts par son chaud duvet et amplement profité de son douillet confort. Ils devaient donc décider autrement, sous prétexte de maintenir contre vents et marées le parti sur le haut de la pyramide du pouvoir, et bien évidemment se maintenir avec. Ce ne fut donc qu'une faute de plus ou de trop ! Mais comme le temps passe vite et que le train avait encore une fois redémarré, était déjà parti, pour paraphraser Ali Abdallah Salah, il fallait donc se donner encore rendez-vous à l'autre gare : celle du printemps arabe en l'occurrence ! Mais là aussi, c'est une bonne partie de ses plus fidèles voyageurs aux côtés de ses clients d'occasion qui descendirent encore de l'appareil, les uns le quittant à jamais, presque tout naturellement, les autres le faisant, par contre, de lassitude ou à contrecœur, puisque non encore satisfaits de leur long voyage très bénéfique et surtout gratuit ! Ainsi, à l'épreuve du temps, le parti de tous les Algériens devint – grâce à la bêtise humaine – celui de tous les opportunistes ! Et en revenant au galop aux affaires du pays, après ce retrait plutôt stratégique où il fut brièvement supplié par son frère cadet, il fit donc de nouveau appel à ces vieux chevaux de course, parqués depuis dans leur pré de retraite, afin de prendre les commandes du pays. Comme autrefois et jadis, le vieux parti gère pratiquement seul les affaires de la communauté. S'appuyant bien évidemment sur ses anciennes pratiques, très vieilles méthodes et toutes dépassées compétences ! Depuis longtemps déjà, celui-ci n'est connu qu'à travers le mot “système" ou encore la locution du “parti état". En près d'un demi-siècle, il aura tissé sa toile d'araignée à telle enseigne qu'il se trouve être toujours confondu à tout un système se revendiquant encore être “le parti état" ! Le manoir ou le perchoir ? Le musée ou la poubelle ? Le miroir ou le mouroir ? La gloire ou le dépotoir ? N'est-il pas encore venu le moment de décider ? Le peuple a besoin de le savoir. Héritage collectif ou bien particulier ? Les Algériens seront-ils enfin tentés de recouvrer l'outil de leur brave et héroïque combat ? Iront-ils donc jusqu'à récupérer l'instrument du recouvrement de leur toute méritée indépendance ? Les tenants des reliques de ce vieux parti seront-ils disposés à enfin revenir à la raison ? Auront-ils en fait cet acquis de conscience de restituer enfin à la nation et à leur patrie ce bien commun et très précieux qui revient à tous les Algériens ? Sinon de quelle manière ces derniers pourront-ils se prévaloir du titre de seuls défenseurs de cette longue histoire propre à tout le peuple algérien ? Appareil politique ou ascenseur social et économique ? Symbole de la Révolution ou système de distribution de la rente pétrolière ? Là également, les jeux doivent être clairs. Il y va de l'avenir des Algériens et de l'intérêt du parti. Certains dignitaires du régime, vieux caciques du plus vieil appareil politique algérien, soucieux de pérenniser leurs pouvoir et hégémonie sur toutes les richesses du pays, n'auront donc jamais lésiné sur les moyens à engager ou à utiliser pour se maintenir à la tête de ce parti, quitte à le faire traîner dans la boue et devant les tribunaux ! Une première ! Quelque chose d'insolite pour un parti pourvoyeur durant la guerre d'une véritable élite ! Il connaîtra alors cette “justice de la nuit" qui aura énormément nui à l'indépendance de la justice algérienne et à jamais terni l'image de marque du pays à l'étranger. Mieux encore, il fera connaissance de ces “procès à huis clos" réservés aux mineurs parmi les justiciables de la planète, ceux favorables à ces verdicts qui donnent le tournis, décidés sous la contrainte, à la hâte et faisant parfois dans l'approximation. Résultat de l'équation proposée : invalider un congrès afin de rendre valide l'intronisation d'une autre direction politique en son sein. Le tour aura bien été joué, et de nuit ! Pendant que tout le peuple algérien roupillait ou sommeillait ! De nos jours, les temps ont changé : le redresseur d'autrefois risque d'être à tout moment redressé par ses propres pairs. Mais que gagnera dans tout cela le parti de tous les Algériens, lui qui aura tout perdu, tout comme d'ailleurs l'ensemble des pauvres citoyens de ce valeureux pays ? Le FLN post-indépendance aura tout connu comme fourberies, ruses, combines, instrumentalisations et autres... juste pour tout le temps s'accrocher aux basques du vrai pouvoir et activement participer à la pérennité du système. Organe de militantisme et de lutte ou instrument au service des disputes et culbutes ? Il aura tout le temps servi de laboratoire d'analyse et de prospective à une classe tout indiquée du pouvoir, soucieuse de terminer ses vieux jours encore aux commandes du pays. Au FLN, on navigue souvent à vue. Prenant le soin parfois de créer soi-même la vraie tempête ! Tout juste pour coopter de précieuses candidatures lesquelles serviront plus tard à de vraies vitrines ou devantures politiques au système, bien en place depuis 1962. Mémoire collective ou plateau des vizirs ? Il faut choisir. Et tant que le choix demeure encore possible, c'est à l'intérieur du musée national que doivent atterrir ces trois lettres ayant constitué le socle de la révolution algérienne. Et à plus forte raison lorsque c'est tout une myriade de vingt-deux députés qui le demandent vivement, la sagesse a toutes les chances du monde de l'emporter sur la résistance, sur les tergiversations des uns et des autres, sur les calculs partisans et trop étroits ainsi que sur les stratégies de repositionnement des militants. Le parti des idées et des élites ou celui des copains et des coquins ? Le parti du combat et du mérite ou celui des basses manœuvres et grandes combines ? Le parti du maquis et des nombreux acquis ou celui des nantis et des apprentis ? C'est à toutes ces questions que doit désormais répondre le FLN après avoir servi de faire-valoir et de vraie monture à une caste de responsables, en mauvaise posture mais sans scrupules et sans la moindre culture. Entre patriotisme historique et rassemblement d'opportunistes chimériques, le plus vieux parti algérien, celui ayant été à l'origine de l'indépendance du pays, vit ses moments les plus troubles et ses heures de misère les plus difficiles et les plus douloureuses. La tache noire dans l'histoire de ce vieux parti aura été sans conteste cette justice devant laquelle il a été invité à s'expliquer de nuit et qui n'aura pas été capable de lui rendre justice, bien qu'il soit cet instrument sans lequel la guerre d'indépendance du pays n'aurait jamais pu avoir lieu ! Et comme toute justice de la nuit, elle ne pouvait malheureusement accoucher que d'un verdict aussi sombre que les conditions ayant prévalu à la tenue de son inutile procès. On ne pouvait donc espérer de la lumière lors de cette nuit judiciaire où la pleine lune de la vérité n'était pas au rendez-vous. étant tout simplement absente pour des raisons relevant de la déontologie professionnelle ! Comme tous les pays du continent africain, il aura vécu ces interminables et terribles coups de boutoir ou d'Etat : scientifiques, politiques, armés, de complaisance ou de circonstance. Il aura donc tout le temps été inspiré sinon contaminé par la sphère géopolitique prévalant au sein de la région. Aujourd'hui, c'est surtout cette nation arabe qui constitue pour lui comme pour ses deux gardes du corps une bien réelle menace. Les anciens partis uniques des pays frères, le “destourien" tunisien et le “national" égyptien ainsi que le fameux Congrès populaire libyen sont tous bel et bien partis à la trappe. Ceux qui tiennent les vraies rênes du vieux parti ont bien peur pour leurs vieux ou derniers jours. Mais les Algériens ont surtout peur pour l'avenir de ce parti de tous les Algériens. Qui est le leur ! Ces derniers lui proposent comme seule voie de sortie honorable le musée national. Les premiers, ne voulant abandonner cette grosse monture, refusent donc manifestement de céder le parti à l'histoire commune de la nation. Pour avoir été incapable de demander juste le repentir à la France, ne faut-il pas qu'il s'investisse dans l'histoire de la nation et qu'il disparaisse de la scène politique nationale ? S'agissant d'un patrimoine historique national, le peuple algérien est en droit d'exiger une large consultation. Et pourquoi pas tout un référendum si la résistance persiste encore du côté de ces usurpateurs de l'identité nationale ? Il est donc question de sauver tout un patrimoine national afin de faire pérenniser une mémoire collective, loin de toutes ces surenchères politiques, lesquelles se nourrissent de cette corruption de haute voltige et de cette instrumentalisation de basse capitulation, tirant toutes les deux grand profit de la merveilleuse histoire de toute une nation. S. B.