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Disparition de Nihal: La société algérienne otage des kidnappeurs ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 04 - 08 - 2016

La disparition le 21 juillet dernier de la petite Nihal près du domicile de ses grands-parents au village d'Aït Abdelouahab dans la daïra d'Ouacifs (40 km au sud-est de Tizi-Ouzou) est devenue une affaire nationale et mobilise de gros moyens des services de sécurité pour la retrouver vivante.
Car cela fait maintenant deux semaines qu'elle a disparu, alors que les recherches n'ont rien donné pour l'instant. Et le mystère de cette disparition ne fait que s'épaissir : a-t-elle été enlevée par un proche, pour une farce qui a mal tournée ? Car, selon les villageois, le ou les auteurs du rapt connaissent le village et sont de la région. «Impossible qu'un étranger puisse venir jusqu'au village», affirment des villageois. Ce qui repose en termes encore plus angoissants la question des enlèvements d'enfants, devenus un phénomène récurrent depuis au moins une dizaine d'années en Algérie. Et, pour éliminer la thèse d'un kidnapping effectué par un ou des membres du village, «toutes les maisons ont été passées au peigne fin depuis le premier jour de la disparition de Nihal. Toutes les forêts avoisinantes, les retenues d'eau ont également été inspectées par les habitants, les gendarmes et les agents ainsi que les plongeurs de la Protection civile. Mais ni Nihal ni aucun de ses effets n'ont été retrouvés», expliquait à la presse l'oncle de la disparue. De son côté, la Gendarmerie nationale, dont les éléments avaient trouvé dans une forêt avoisinante des habits tachés de sang et une tête d'enfant, a indiqué mardi que les «indices récupérés au village Ath Ali, dans la commune d'Ait Toudert (50 km de Tizi-Ouzou) dans le cadre de l'affaire de la disparition de Nihal Si Mohand, 4 ans, sont en cours d'analyse pour pouvoir établir ou pas un lien avec la fillette». Ces indices, dont un crâne et des cheveux, sont en cours d'analyse et «rien ne permet pour le moment de confirmer qu'ils appartiennent à l'enfant» disparu, a indiqué le chargé de la communication au Commandement de la Gendarmerie nationale, le colonel Tirghini Mohamed. Pour lui, les indices récupérés dans le cadre des recherches effectuées par les gendarmes depuis le 21 juillet dernier, date de la disparition de Nihal, sont «toujours en cours d'expertise à l'Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC)» de Bouchaoui. Dès lors, «la Gendarmerie nationale ne peut se prononcer sur l'appartenance de ces indices avant les résultats de l'expertise», a précisé le même responsable. Ces indices sont un crâne appartenant à un enfant dont l'âge peut aller jusqu'à 6 ans, des ossements et quelques cheveux. «Vu qu'il s'agit d'ossements, et non de sang ou de lambeaux de chair, l'expertise de ces indices prendra un minimum de quatre jours», a t-il expliqué. Les recherches de la petite Nihal Si Mohand, lancées par la Gendarmerie nationale, mobilisent plus de 400 éléments qui passent au peigne fin depuis 13 jours la zone où a disparu la petite fille. Une zone qui s'étend sur plus de 3 km2. Lundi, une équipe de l'INCC constituée d'officiers, cadres et experts de la Gendarmerie nationale, a été dépêchée à Tizi-Ouzou où elle a travaillé dans le cadre de l'enquête. De son côté, le père de Nihal a affirmé que les services de sécurité ont trouvé un vêtement qu'ils soupçonnent appartenir à sa fille. «Pour le moment ils (les services de sécurité) ont trouvé un vêtement qu'ils soupçonnent appartenir à ma fille. Ils ont établi un périmètre pour élargir l'enquête. On ne nous a rien dit jusqu'à présent». «L'enquête maintenant tourne autour du vêtement trouvé. Ont-ils trouvé autre chose ? Je ne sais pas, c'est tout ce qu'on m'a dit.»
Trop d'enlèvements d'enfants
L'affaire relance de plus belle le débat sur les kidnappings d'enfants qui n'ont jamais cessé en dépit des arrestations et des peines encourues, dont la peine de mort. Le professeur Khiati, pédiatre et président de la fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (FOREM), est connu pour ses positions sur ce sujet. Pour lui, les auteurs de tels actes doivent être condamnés à la peine capitale. Ce médecin de formation, dont la fondation s'occupe des enfants et lutte contre la violence, d'où qu'elle vienne, contre les enfants, a toujours milité pour la protection de l'enfance. Autant contre les maltraitances, les abus sexuels, la violence physique, la drogue ou la délinquance juvénile. M. Khiati a toujours soutenu qu'il faut rétablir la peine de mort et l'exécuter pour lutter contre ces kidnappings d'enfants qui se soldent souvent, hélas, par leur assassinat. Plus concrètement, il réclame, à travers ses différentes interventions médiatiques, l'exécution de la peine de mort dans les cas d'enlèvement, d'agression sexuelle et d'assassinat d'enfants. «Dans ce genre de situation, c'est la société qui est ébranlée et ce sont ses fondements qui sont touchés», estime-t-il. En Algérie, la peine de mort, si elle existe dans les textes et prononcée par les tribunaux, n'est cependant pas appliquée dans les faits depuis 1993, date de la dernière exécution, celle des auteurs de l'attentat à la bombe de l'aéroport international d'Alger, le 26 août 1992. Pour autant, il semblerait que la dissuasion et les différentes mesures prises par le gouvernement après l'assassinat de deux enfants à Constantine en 2013, Brahim et Haroun, n'aient pas eu le moindre effet sur le terrain.
Les chiffres concernant ce fléau social font peur : en 2014, plus de 6.000 enfants ont été victimes de violences, dont la violence sexuelle. Les quatre premiers mois de 2015, la DGSN a enregistré à l'échelle nationale plus de 1.700 cas de violence contre des enfants. Le bilan non encore actualisé à toute l'année 2015 des enlèvements d'enfants est lourd : 195 kidnappings en 2014 et 25 cas d'enlèvements d'enfants récupérés et remis à leurs familles durant les quatre premiers mois de 2015. En 2013, il y a eu 150 enlèvements d'enfants dont les deux enfants de Constantine retrouvés morts. Dans le détail, il y a eu durant les quatre premiers mois de 2015, pour toutes les formes de violences à l'échelle nationale, 1.726 cas, dont la violence contre les enfants, 996 cas de violences physiques et 517 agressions sexuelles dont 305 contre des filles, 179 cas de mauvais traitements, 25 enlèvements, trois cas d'homicides involontaires, et 6 cas de violences ayant entraîné la mort, selon un bilan des services de police. Mais, ce qui a peiné le président de la FOREM dans plusieurs de ses sorties médiatiques, c'est que «certains textes protégeant l'enfance ne sont pas appliqués» même si la nouvelle loi fondamentale, notamment l'article 58, protège l'enfance contre toutes les formes de violence, notamment le kidnapping. Le dernier en date, celui du petit Amin Yarichène, 8 ans, en octobre 2015, s'est terminé par l'arrestation des kidnappeurs et la libération de l'enfant, après cinq jours de disparition et une manifestation des habitants du quartier de l'enfant, sur les hauteurs d'Alger. La petite Nihal, elle, n'a plus donné signe de vie depuis sa disparition. Le drame de la famille Si Mohand interpelle les Algériens, la société civile et le gouvernement sur ce qu'il y a lieu de faire pour que les enfants ne soient plus les otages d'une société qui est en train de perdre ses repères.


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