Les deux pays membres de l'OPEP les plus influents se donneront le dos, en septembre prochain, à Alger, au regard des profondes dissensions qui les opposent, entre autres, le Hadj' de cette année. Il s'agit, en évidence, de la République islamique d'Iran et du Royaume d'Arabie Saoudite qui, tout au long de l'histoire, n'ont raté aucune «occasion de guerre» pour déclencher les hostilités entre eux. L'année dernière, pratiquement à cette même période, l'Iran a crié «au complot saoudien » contre ses ressortissants qui effectuaient le pèlerinage dans les Lieux Saints. Pour rappel, une forte bousculade avait eu lieu dans une des ruelles de Mina. Ce qui avait provoqué des centaines de morts parmi les Hadjis'. L'Iran a déclaré plus de 450 morts parmi ses pèlerins. Il fera part, dans ce même Hadj' d'autres Iraniens morts suite à la chute d'une grue à La Mecque. En ce quatrième mois sacré de dhou el hidja, les Iraniens commémorent ces malheureux événements tout en précisant que « le Hadj' est suspendu cette année pour nos ressortissants. » Les raisons en sont, nous disent des membres d'associations activant à Téhéran que « l'Iran a reproché aux Saoudiens de ne pas avoir répondu à ses demandes concernant la sécurité et le respect des pèlerins iraniens entre autres le non octroi de visas.» Autre accusation « la République islamique d'Iran réclames depuis l'année dernières des indemnisations des victimes de ces drames mais le royaume wahhabite n'a jamais accepté de les accorder, » nous disent nos sources iraniennes. Plus encore, tout de suite après ces douloureux événements, Téhéran était (re)monté au créneau, une autre fois, pour revendiquer «le retrait de la gestion des Lieux Saints des mains de la famille royale.» La frustration des Iraniens de ne pas effectuer le Hadj' cette année, ajoute à la profonde animosité qui a, de tout temps, opposé les deux pays. L'exécution, en janvier 2016, par Ryad du dignitaire chiite avait constitué un véritable casus belli entre eux. Leader de la contestation chiite dans la région de Qatif (Est de l'Arabie saoudite), Al Nimr avait été jugé et condamné à la peine capitale, en même temps que certains de ses adeptes, parmi les près de deux millions de chiites vivant dans le royaume wahhabite. Son exécution avait déclenché la foudre entre Ryad et Téhéran jusqu'à provoquer la rupture de leurs relations diplomatiques. Téhéran avait juré alors que « Ryad (en) paiera un prix très lourd. » L'Algérie avait à travers une réaction de son ministère des Affaires étrangères adopté une position médiane, en mettant dos à dos les deux pays. A l'attention de l'Arabie saoudite, elle a appelé «au respect de la sacralité de la vie humaine » et à celle de l'Iran, elle a mis en avant «le respect du principe de la non ingérence dans les affaires internes.» Mais à l'attention des deux belligérants, elle a notamment appelé «à la retenue dans un contexte géopolitique et sécuritaire particulièrement sensible. » L'Algérie sait, depuis toujours, à quoi s'en tenir quand il s'agit de négocier une position au sein de l'OPEP. Aujourd'hui, ce n'est pas tant l'entêtement de l'Iran d'injecter trois millions de barils/jous (qu'il n'a pas atteint) dans le marché pétrolier pour combler le déficit qu'il a subi en matière de gains financiers tout au long des 40 ans d'embargo et de sanctions qui lui ont été imposées par les Etats-Unis, qui serait un obstacle à une entente entre les pays producteurs de pétrole. L'Algérie «le domino qui doit tomber» D'autant que sa signature de l'Accord nucléaire avec les 5 puissants de ce monde, en plus de l'Union européenne, lui a ouvert des horizons prometteurs pour raffermir son économie par l'apport d'investissements étrangers. Mais les autorités iraniennes restent convaincues que « la chute drastique du prix du baril de pétrole, depuis plus de deux ans, a été provoquée par Ryad pour répondre à des exigences d'agendas occidentaux, » nous disent des responsables iraniens. L'Algérie ne doit pas en penser moins, même si au plan de ses échanges avec l'Arabie saoudite, elle reste très diplomate. Si aujourd'hui, des voix s'élèvent pour rappeler que l'Iran a financé, pendant les années 90, les groupes terroristes algériens et a alimenté la fitna', d'autres soulignent que l'Arabie saoudite a, elle aussi, participé au désastre en Algérie. Leurs références, entre autres déclarations faites en 2012 par des responsables européens, à l'exemple d'Eric Denussy, cet ancien officier des services secrets français. «L'Algérie est considérée par le Qatar et l'Arabie saoudite et par l'alliance entres les Etats-Unis et les Frères musulmans comme le domino du printemps arabe qui n'est pas tombé et qui doit tomber, coûte que coûte, » avait-il affirmé. Dans la même année, Anne Marie Lizin, alors présidente honoraire du Sénat belge (décédée il y a près d'une année) avait déclaré que «l'Arabie saoudite œuvre à déstabiliser, volontairement, les frontières sud de l'Algérie, en finançant les salafistes et les groupes djihadistes du Nord Mali.» Ryad n'est donc pas mieux loti que Téhéran, par rapport à tout ce qui agite le monde arabe et musulman. L'étroit rapprochement du royaume du Maroc des pays membres du Conseil du Golfe qui lui fait oublier l'exigence primordiale de la construction du Maghreb, n'a rien de fortuit en ces temps de fortes perturbations politiques et sécuritaires, dans la région et plus loin. Ceci sans compter que les puissants de ce monde attisent fortement les feux qui se déclarent, ici et là, dans les pays les plus importants du monde arabe et musulman. Rapprochement, menaces et intérêts Le conflit israélo-palestinien, l'Irak, la Libye, l'Egypte, le Yémen, la Tunisie, le terrorisme et aussi les déstabilisations dans les pays africains, les guerres fratricides dans toutes ces régions s'accommodent, parfaitement, de l'esprit du Grand Moyen Orient (GMO) qui, si l'appellation a disparu du discours américain, depuis le départ de Condoleza Rice du département d'Etat, continue d'être la parfaite feuille de route des Américains, de leur allié Israël et de leurs prestataires de services des Etats arabes. L'émiettement des pays en «Etats croupions» sous les effets dévastateurs de mutineries religieuses et sectaires est loin de résulter (uniquement ?) d'un rapprochement entre l'Algérie et l'Iran. Alger ne peut oublier d'ailleurs, que pendant qu'elle défiait le terrorisme, les pays occidentaux comme la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis en abritaient les réseaux dormants et permettaient à ses leaders déclarés de revendiquer, à partir de leur sol, l'assassinat de ses meilleurs enfants. Aujourd'hui, l'Algérie garde en vue que l'Iran détient plus de 15% des réserves de pétrole mondiales prouvées et 16% de celles gazières. Malgré l'embargo, il produit près de 70% de ses infrastructures industrielles pétrolières et dès 2011, il est devenu un exportateur net de produits pétroliers raffinés enregistrant, ainsi, la plus forte croissance en la matière parmi les pays membres de l'OPEP. Et même s'il importe près de 20% de ses besoins en carburants, il prévoit d'injecter 500 milliards de dollars, d'ici à 2025, dans le développement de son secteur pétrolier. L'alliance algéro-iranienne -si alliance il y a- s'articule autour d'un agenda économique pressant pour une Algérie qui cherche désespérément « transfert de technologies» en vue de diversifier son économie. L'Iran n'est pas le seul pays à lui faire des promesses, à cet effet, sans les tenir. La France en est l'exemple parfait, en matière de manquement aux nombreux engagements qu'elle a pris dans ce sens, à son égard. Alger sait pertinemment que la république islamique de Khamenei et du réformiste son Président Hassan Rouhani, est un pays incontournable, aux yeux de tous les protagonistes du marché pétrolier. Manœuvres militaires contre dangers en vue La réunion informelle de l'OPEP, annoncée par Mohamed Bin Salah Al Sada, pour fin septembre prochain, en marge du 15ème Forum international de l'Energie vise, comme il l'a précisé « un rétablissement de la stabilité et de l'ordre dans le marché pétrolier.» Téhéran est attendu pour accepter un gel de la production, à même de discipliner l'offre et augmenter la demande des principaux pays consommateurs. Gel qu'il a rejeté, déjà en juin dernier, lors de la rencontre semestrielle de l'OPEP, à Vienne. En tant que premier producteur mondial de pétrole, hors OPEP, la Russie semble se porter en bon médiateur pour ramener l'Iran et l'Arabie saoudite à de meilleurs sentiments «économiques.» Moscou a déjà été médiateur entre eux, l'année dernière, après la levée de leurs boucliers, suite à l'exécution d'Al Nimr. L'Algérie garde une position « bien mesurée » entre la Russie et l'Iran, en se rapprochant tantôt de l'un, tantôt de l'autre ou des deux à la fois pour sauvegarder ses intérêts. D'autant qu'elle partage, avec les deux, d'importantes positions politiques à propos de la Syrie d'Al Assad, de la Palestine colonisée et du soutien à ses mouvements de libération, tout au temps qu'à propos du Liban. Il est utile de noter que Téhéran, Moscou et Alger gardent, toujours, en tête la création d'une OPEP du gaz persuadés qu'ils gardent, notamment les deux derniers, une main mise sur le secteur. Il est affirmé que la Russie et l'Algérie assurent à eux deux, plus de 40% des approvisionnements européens en gaz. Il est donc évident que l'idée soit court-circuitée à tous ses niveaux. L'Algérie est devenue la proie de puissants lobbys occidentaux agissant dans l'armement, l'industrie, les médicaments et l'agroalimentaire. Les manœuvres militaires régulières menées par l'ANP dont les dernières de missiles mer-mer, menées à l'ouest du pays, tout près de ses frontières en définissent, si besoin, les pressions qu'elle subit. Elle doit craindre tout le monde, tous les dangers.